Prévention et sanction des accidents du travail graves : ce que change l’instruction DGT/DACG.

Par Noémie Le Bouard, Avocat.

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Explorer : # accidents du travail # prévention des risques # responsabilité pénale # transaction pénale

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L'instruction DGT/DACG de juillet 2025 modifie la gestion des accidents du travail graves ou mortels en imposant des verbalisation systématiques et des transactions pénales rapides, même sans accident. Cela renforce la responsabilité des entreprises qui doivent prouver leur conformité à la sécurité au travail pour éviter des sanctions.
Description rédigée par l'IA du Village

L’instruction conjointe DGT/DACG (Direction Générale du Travail / Direction des Affaires Criminelles et des Grâces) de juillet 2025 rebat les cartes du traitement des accidents du travail graves ou mortels : elle impose une réponse pénale véritablement graduée, fondée sur une verbalisation accrue des manquements les plus dangereux, y compris en l’absence d’accident, et sur un recours prioritaire à la transaction pénale pour obtenir une mise en conformité rapide. Pour les dirigeants, l’enjeu n’est plus seulement de disposer de procédures ; il faut désormais pouvoir en administrer la preuve, immédiate, datée et opposable (DUERP actualisé, formations tracées, vérifications d’équipements, maîtrise des expositions CMR). Cette doctrine d’action renforce la coordination parquet-inspection et place la conformité opérationnelle au cœur de la défense pénale potentielle. En pratique, prévenir, tracer et prouver deviennent les trois piliers d’une stratégie de maîtrise du risque, en amont comme en aval d’un événement grave.

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Accidents du travail graves ou mortels : état des lieux, nouvelles orientations pénales et impacts opérationnels pour les entreprises.

Ce que change concrètement l’instruction DGT/DACG pour les accidents du travail graves ou mortels.

  • Verbalisation en amont des risques majeurs : PV possibles même sans accident pour chutes de hauteur, équipements non conformes, formation insuffisante, expositions CMR, publics vulnérables [1].
  • Transaction pénale privilégiée hors accident : réponse rapide, amende transactionnelle et régularisation obligatoire, sur proposition DREETS et homologation du procureur [2].
  • Preuve au cœur de la prévention : DUERP à jour, plans d’action, formations tracées, vérifications périodiques, stratégie CMR et co-activité immédiatement opposables [3].
  • Coordination parquet–inspection renforcée : circuits d’information accélérés, doctrine de réponse pénale graduée et accompagnement des victimes, pour une effectivité homogène sur le territoire.
  • Exposition pénale clarifiée : au-delà des sanctions du Code du travail, possibles poursuites pour blessures/homicide involontaires, mise en danger, y compris pour la personne morale [4].

Pourquoi cette instruction change la donne.

Depuis plusieurs années, la gestion des accidents du travail graves ou mortels révèle des difficultés récurrentes. Les délais de traitement pénal sont variables, la coordination entre inspection du travail et parquet reste inégale, et la transaction pénale demeure peu utilisée. L’instruction conjointe DGT/DACG de juillet 2025 cherche à harmoniser ces pratiques par une réponse pénale graduée et une meilleure coopération institutionnelle.

Pour l’employeur, il ne s’agit pas seulement d’un texte d’orientation. Ce document marque un signal fort : les manquements graves à la sécurité feront désormais l’objet de procès-verbaux systématiques et de transactions pénales accélérées. Le socle juridique, lui, reste le même.

L’employeur demeure tenu d’une obligation générale de sécurité et de prévention [5]. Le non-respect de ces règles expose à des contraventions ou délits du Code du travail [6] et, en cas de décès ou de blessure, à des qualifications pénales beaucoup plus lourdes : homicide ou blessures involontaires [7], mise en danger délibérée [8], et responsabilité de la personne morale [9].

Ce qui se faisait jusqu’ici : un arsenal juridique souvent sous-exploité.

Le droit positif ne manquait pas d’outils. Les inspecteurs disposent du pouvoir de constater et verbaliser les infractions [10]. Ils peuvent également mettre en demeure un employeur [11] ou ordonner un arrêt temporaire d’activité en cas de danger grave et imminent [12]. Enfin, la transaction pénale, prévue par les articles [13], permet sur proposition de la DREETS et homologation du procureur, d’imposer une amende et une régularisation rapide.

En pratique, cet arsenal restait souvent peu effectif. Les délais entre la constatation d’un manquement et la décision du parquet pouvaient atteindre plusieurs mois, voire davantage. L’usage de la transaction pénale demeurait hétérogène selon les territoires, certains procureurs l’encourageant, d’autres la négligeant. Enfin, la qualité probatoire des dossiers transmis par l’inspection n’était pas toujours homogène, rendant l’action pénale fragile.

Ce qui change : verbalisation systématique et transaction élargie.

La première innovation réside dans l’orientation donnée aux inspecteurs : verbaliser les infractions graves même sans accident. Jusqu’ici, la verbalisation était souvent déclenchée après un accident. Désormais, le texte insiste sur une approche préventive : sanctionner les comportements dangereux avant qu’un sinistre ne survienne.

Les situations visées sont précisément identifiées :

  • absence de mesures de prévention des chutes de hauteur [14] ;
  • utilisation d’équipements de travail non conformes ou non vérifiés [15] ;
  • défaut de formation pratique et appropriée à la sécurité [16] ;
  • exposition de travailleurs à des agents CMR sans mesures de prévention adaptées [17] ;
  • non-respect des règles de protection des jeunes travailleurs et des intérimaires [18].

La seconde évolution majeure concerne la transaction pénale. L’instruction invite les parquets et DREETS à recourir beaucoup plus largement à ce mécanisme pour les infractions constatées en l’absence d’accident. La logique est double : obtenir rapidement une régularisation et imposer une sanction financière proportionnée. La transaction devient ainsi la norme, là où auparavant elle demeurait l’exception.

Les impacts techniques pour les entreprises.

Le véritable changement se situe du côté des entreprises : la prévention ne pourra plus être de façade. Les parquets attendront des preuves écrites, datées et vérifiables.

Le socle documentaire attendu.

Les employeurs doivent s’assurer que les documents suivants soient toujours prêts à être produits :

  • un DUERP actualisé, intégrant les plans d’action et les échéances de suivi [19] ;
  • les preuves de formation sécurité (programmes, feuilles d’émargement, attestations) [20] ;
  • les registres de vérification périodique des équipements, notices et certificats CE [21] ;
  • les plans de prévention pour les chantiers en co-activité [22] ;
  • les mesures spécifiques pour les agents CMR (substitution, captage, suivi médical renforcé) [23] ;
  • les procédures particulières pour jeunes et intérimaires (interdictions de postes, accueil renforcé) [24].

La gestion en cas d’accident grave ou mortel.

Lorsqu’un accident survient, la méthode doit être claire et immédiate : sécurisation du site, information des autorités, collecte probatoire (DUERP, procédures, registres, attestations). Les entreprises doivent anticiper la possibilité d’un procès-verbal et préparer une défense pénale structurée.

Si l’infraction est constatée sans accident, la transaction sera désormais l’issue privilégiée. Les employeurs doivent s’y préparer en élaborant un plan de régularisation chiffré et daté, avec preuves d’exécution à l’appui, pour crédibiliser leur démarche auprès de la DREETS et du parquet.

La responsabilité civile : la faute inexcusable et l’articulation avec le contentieux AT/MP.

À côté de la responsabilité pénale, l’employeur demeure exposé à une responsabilité civile spécifique en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. En application de l’article [25], la victime peut obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dès lors qu’il est démontré que ce dernier « avait ou aurait dû avoir conscience du danger » et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour en préserver le salarié.

Les conséquences financières de cette reconnaissance sont significatives :

  • majoration de la rente ou du capital versé à la victime, financée par l’employeur,
  • dommages-intérêts complémentaires couvrant notamment la souffrance morale, les préjudices esthétiques, les préjudices liés à la perte de qualité de vie ou encore le déficit fonctionnel permanent,
  • répercussions sur le taux de cotisation AT/MP de l’entreprise.

La procédure est initiée devant le pôle social du tribunal judiciaire, après déclaration d’accident à la CPAM. Le contentieux oppose alors la victime (ou ses ayants droit) à la caisse, avec intervention de l’employeur. La jurisprudence de la Cour de cassation a considérablement élargi le champ de la faute inexcusable : par exemple, la simple absence de formation ou de protection adéquate suffit souvent à caractériser la conscience du danger [26].

Pour un chef d’entreprise, l’enjeu est donc double. D’une part, se prémunir de la reconnaissance de la faute inexcusable par une organisation probatoire solide (DUERP, formation, vérifications, plans de prévention). D’autre part, anticiper l’impact financier d’une éventuelle condamnation, qui peut dépasser de très loin les sanctions pénales.

En pratique, le volet civil et le volet pénal avancent en parallèle, avec des articulations complexes : la reconnaissance d’une faute inexcusable n’exonère pas l’entreprise de ses responsabilités pénales éventuelles, mais elle fragilise fortement sa défense globale.

Comparaison entre l’avant et l’après instruction.

Avant 2025, les infractions graves étaient souvent poursuivies seulement en cas d’accident, la transaction pénale restait rare, et la réponse pénale se révélait lente. Après cette instruction, les infractions les plus dangereuses feront l’objet d’une verbalisation immédiate, même sans accident, et la transaction pénale deviendra le mode de traitement privilégié.

En pratique, cela signifie que les entreprises devront renforcer leur capacité probatoire. Un DUERP à jour mais non diffusé, une formation non tracée, ou un registre de contrôle incomplet suffiront désormais à exposer l’entreprise à un PV suivi d’une transaction.

Trois zones de vigilance particulières.

Trois domaines apparaissent comme des priorités absolues :

  • Les travaux en hauteur : la hiérarchie impose les protections collectives avant les EPI, et leur absence est désormais systématiquement sanctionnée [27].
  • Les équipements de travail : toute modification peut remettre en cause la conformité CE. Les registres de vérification doivent être strictement tenus [28].
  • Les agents CMR : la stratégie repose sur substitution, captage, suivi médical. L’absence de traçabilité de ces mesures est un facteur de risque pénal immédiat [29].

Conclusion : une prévention qui devient probatoire.

L’instruction de 2025 ne crée pas d’obligations nouvelles. Elle réaffirme et outille l’effectivité de celles qui existent déjà. Pour les employeurs, la différence est essentielle : il ne suffit plus de déclarer, il faut prouver.

FAQ - accidents du travail graves ou mortels : ce que les dirigeants doivent savoir.

1) Quand l’inspection du travail dresse-t-elle un PV même sans accident ?

Désormais, la verbalisation est encouragée en amont lorsqu’un manquement expose gravement les salariés : travaux en hauteur sans protections collectives, équipements non conformes ou non vérifiés, formation sécurité insuffisante, expositions CMR mal maîtrisées, défauts de protection des jeunes ou intérimaires. Le fondement demeure le pouvoir de constatation et de PV de l’agent de contrôle [30]. L’enjeu est de réduire l’accidentologie en attaquant les causes premières, avant tout sinistre.

2) Comment se déroule une transaction pénale en droit du travail et quel est l’intérêt pour l’entreprise ?

La transaction pénale est proposée par la DREETS sur la base du PV et doit être homologuée par le procureur. Elle comporte : une amende transactionnelle, des obligations de régularisation (techniques, organisationnelles, formation), des délais d’exécution et un contrôle.

Base légale : [31]. Pour l’entreprise, l’intérêt est triple : célérité (réponse rapide), maîtrise du périmètre (mesures ciblées) et sécurisation probatoire (dossier de conformité opposable). En cas d’inexécution, le parquet peut revenir au traitement pénal classique.

3) Quelles pièces un dirigeant doit pouvoir produire à première demande pour démontrer la conformité ?

Trois blocs probatoires sont déterminants :

  • Évaluation et planification : DUERP à jour, plans d’action datés, suivi des échéances [32].
  • Compétences et organisation : programmes et émargements de formation sécurité, habilitations, accueils renforcés (jeunes/intérimaires) [33].
  • Moyens techniques : CE/notice des équipements, registres de vérifications périodiques, preuves de maintenance [34] ; mesures CMR (substitution, captage, mesures d’exposition, suivi individuel renforcé) [35] ; documents de co-activité (plans de prévention) [36].
Une règle simple : sans trace écrite opposable, une action est juridiquement « non réalisée ».

4) Que risque l’entreprise en cas d’accident grave ou mortel malgré des mesures de prévention ?

Au-delà des sanctions du Code du travail [37], le parquet peut viser des qualifications pénales : homicide ou blessures involontaires [38], mise en danger délibérée d’autrui [39], et responsabilité de la personne morale [40].

La défense repose sur trois axes : chaîne causale (lien de causalité et prévisibilité), diligence raisonnable (mesures prises avant l’AT, preuves datées) et organisation sécurité (système de management effectif, contrôles, audits, actions correctives). Plus la preuve documentaire est solide, plus la qualification pénale élevée devient difficile à soutenir.

5) Quelles actions immédiates un chef d’entreprise doit lancer pour se conformer à la nouvelle doctrine d’action ?

  • Auditer en priorité cinq risques : chutes de hauteur, équipements de travail, formation, CMR, publics vulnérables.
  • Mettre à jour le DUERP et bâtir un plan 90 jours avec mesures correctives datées, responsables internes et preuves d’exécution.
  • Standardiser la traçabilité (formations, vérifications, plans de prévention, mesures d’exposition) pour produire les pièces « prêtes parquet ».
  • Préparer un scénario de transaction (si PV sans accident) : chiffrage des mises en conformité, calendrier et gouvernance de suivi [41].
  • Former l’encadrement à la culture « prévenir-tracer-prouver » et définir une procédure 48 h en cas d’AT grave/mortel (sécurisation, notifications, préservation des preuves, information CSSCT).

En synthèse, la nouveauté n’est pas l’obligation, mais l’effectivité : contrôle plus serré, réponse pénale plus rapide, exigence de preuve plus élevée. La meilleure stratégie reste technique et probatoire : prévention réelle, documentation maîtrisée, démonstration immédiate.

Noémie Le Bouard, Avocat
Barreau de Versailles
Le Bouard Avocats
https://www.lebouard-avocats.fr
https://www.avocats-lebouard.fr/

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Notes de l'article:

[1C. trav., art. L8113-7 ; L4121-2 ; R4321-1 s. ; L4141-2 ; L4412-1 s.

[2C. trav., art. L8114-4 à L8114-6.

[3C. trav., art. L4121-3 ; R4121-1 s. ; R4323-23 ; R4512-6 s. ; R4412-59 s.

[4C. trav., art. L4741-1 s. ; C. pén., art. 221-6, 222-19, 223-1, 121-2.

[5C. trav., art. L4121-1 à L4121-5.

[6C. trav., art. L4741-1 s.

[7C. pén., art. 221-6 et 222-19.

[8C. pén., art. 223-1.

[9C. pén., art. 121-2.

[10C. trav., art. L8113-7.

[11C. trav., art. L4721-1 s.

[12C. trav., art. L4731-1

[13C. trav., art. L8114-4 à L8114-6.

[14C. trav., art. L4121-2 ; part. R4534.

[15C. trav., art. R4321-1 s. ; R4323-1 s.

[16C. trav., art. L4141-2.

[17C. trav., art. L4412-1 s. ; R4412-59 s.

[18C. trav., art. L4153-8 s. ; L1251-21 s.

[19C. trav., art. L4121-3 ; R4121-1 s.

[20C. trav., art. L4141-2.

[21C. trav., art. R4321-1 s. ; R4323-23 s.

[22C. trav., art. R4512-6 s.

[23C. trav., art. L4412-1 s. ; R4412-59 s.

[24C. trav., art. L4153-8 s. ; L1251-21 s.

[25C. séc. soc., art. L452-1.

[26Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 99-18.389, “arrêt amiante”.

[27C. trav., art. L4121-2 ; part. R4534.

[28C. trav., art. R4321-1 s.

[29C. trav., art. L4412-1 s.

[30C. trav., art. L8113-7.

[31C. trav., art. L8114-4 à L8114-6.

[32C. trav., art. L4121-3 ; R4121-1 s.

[33C. trav., art. L4141-2 ; L4153-8 s. ; L1251-21 s.

[34C. trav., art. R4321-1 s. ; R4323-23 s.

[35C. trav., art. L4412-1 s. ; R4412-59 s.

[36C. trav., art. R4512-6 s.

[37C. trav., art. L4741-1 s.

[38C. pén., art. 221-6 et 222-19.

[39C. pén., art. 223-1.

[40C. pén., art. 121-2.

[41C. trav., art. L8114-4 s.

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