Madame la Ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi a présenté en conseil des ministres, le 30 avril dernier un énième projet de loi de modernisation de l’économie.
L’objectif déclaré de ce texte est de « soutenir durablement la croissance française ».
Les mesures proposées s’articulent autour de quatre axes :
simplifier la vie des entrepreneurs ;
relancer la concurrence ;
renforcer l’attractivité de l’économie française ;
mobiliser les financements au service de l’économie ;
Comme souvent, la fiscalité est le principal levier utilisé par le gouvernement pour ses propositions.
Quelles sont les principales dispositions fiscales du texte ?
Un régime simplifié et libératoire de prélèvement fiscal et social
Le projet de loi met en place un dispositif dit « d’auto entrepreneur » grâce à un régime incitatif pour celui qui souhaite mener une activité indépendante, à titre principal ou de façon accessoire à un statut de salarié ou de retraité.
Le texte instaure, sur option, un régime simplifié et libératoire de prélèvement fiscal et social pour les auto-entrepreneurs sur une base mensuelle ou trimestrielle, égal à 13 % de son chiffre d’affaires pour les activités de commerce et à 23 % pour les activités de services.
Cela signifie que si l’entrepreneur ne réalise aucun chiffre d’affaires, il ne paie rien et n’est pas tenu de souscrire de déclaration pour cette période.
Favoriser la création et le développement des PME
L’article 9 du projet de loi prévoit un nouveau dispositif fiscal permettant aux sociétés de capitaux créées depuis moins de cinq ans d’opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes (Impôt sur le revenu).
Rappelons qu’aujourd’hui, seules les sociétés civiles, les SNC, les SARL de famille (sur option), les EURL, les EARL ou les commandités des sociétés en commandites sont soumis à l’impôt sur le revenu.
Désormais, sur option, et pendant une durée maximale de 5 exercices cette possibilité sera offerte aux sociétés dont le capital et les droits de vote sont détenus à hauteur de 75 % au moins par une ou des personnes physiques et à hauteur de 34 % au moins par une ou plusieurs personnes ayant, au sein desdites sociétés, la qualité de président, directeur général, président du conseil de surveillance, membre du directoire ou gérant, ainsi que par les membres de leur foyer fiscal.
Les associés pourront ainsi imputer d’éventuels déficits immédiatement sur leur propre revenu, et ne plus attendre que la société devienne bénéficiaire pour les imputer sur son résultat.
Ils conserveront, toutefois, l’avantage juridique que représente la limitation de leur responsabilité aux apports prévue pour les associés de SA, de SAS et de SARL et la spécificité de ce type de structures.
Cette mesure est d’autant plus favorable que, malgré cette option, la condition relative à la soumission à l’impôt sur les sociétés pour bénéficier de la réduction d’impôt au titre de la souscription au capital d’une PME sera considérée comme respectée ; les deux régimes pourront donc se cumuler.
Cela signifie qu’un entrepreneur pourra se faire « subventionner », par l’effet de la réduction d’impôt, 25 % du montant de son capital social et en outre, grâce à cette option, imputer sur son revenu global le déficit de son début activité.
Ce régime sera intéressant pour l’entrepreneur qui aurait, par ailleurs, une autre activité imposable (salarié ou non) ou un autre membre de son foyer fiscal, imposable.
Lorsque l’activité deviendra suffisamment prospère, la société pourra se replacer sous le champ de l’IS ou le sera d’office au bout de 5 exercices.
Les mesures destinées à encourager la reprise et la transmission
La réduction des droits d’enregistrement sur les cessions
Actuellement, les droits d’enregistrements applicables aux cessions de droits sociaux diffèrent selon le statut de la société dont les droits sont cédés : 5 % pour des cessions de parts de SARL (Après application d’un abattement de 23 000 euros pour 100 % des titres) et 1,10% pour les cessions d’actions plafonnés à 4 000 euros.
La proposition gouvernementale vise donc à faire converger à 3 % les taux de taxation des cessions de droits sociaux, et ce quel que soit le statut des sociétés, avec un plafond de 5 000 euros.
Il est de même prévu d’abaisser au taux global de 3 % les mutations à titre onéreux de fonds de commerce, dès lors que la valeur taxable du fonds n’excède pas 200 000 €.
L’article 16 du projet de loi a pour objet d’inciter à la transmission d’entreprises au profit des salariés ou des membres du cercle familial du cédant, afin de leur permettre, d’après le texte « d’assurer la pérennité de ces entreprises ».
Dans ce cadre, il est ainsi envisagé d’exonérer de droits de mutation à titre onéreux les rachats d’entreprises dont la valeur du fonds ou des titres représentatifs de celui-ci ne dépasse pas 300 000 €.
Ce dispositif bénéficierait aux salariés qui s’engageraient à poursuivre leur activité dans l’entreprise pendant cinq ans, ainsi qu’aux membres de la famille du cédant.
L’aménagement du dispositif de réduction d’impôt au titre des emprunts souscrits pour la reprise d’entreprise
Afin de faciliter la transmission d’entreprises « dans des conditions permettant d’assurer leur pérennité et la stabilité de leur actionnariat », le projet de loi aménage le dispositif actuel de réduction d’impôt accordé au titre des emprunts souscrits pour la reprise d’une entreprise prévu à l’article 199 terdecies - 0B du CGI.
Rappelons que dans le dispositif actuel, sous certaines conditions, les contribuables peuvent bénéficier d’une réduction de leur impôt sur le revenu égale à 25 % du montant des intérêts des emprunts contractés pour acquérir une fraction du capital d’une société.
Les intérêts ouvrant droit à la réduction d’impôt sont retenus dans la limite annuelle de 10 000 € pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 20 000 € pour les contribuables mariés soumis à imposition commune.
Le projet de loi améliore le texte en permettant les acquisitions familiales et par un groupe de salariés tout en portant les limites annuelles des intérêts ouvrant droit à réduction à 20 000 et 40 000 euros : soit une réduction d’impôts maximale de 5 000 ou 10 000 euros.
L’appel aux « Impatriés »
Afin de renforcer l’attractivité du territoire français et d’encourager l’installation en France de cadres de haut niveau, le projet du gouvernement propose d’améliorer le régime des « Impatriés » prévu à l’article 81 B du CGI.
Ainsi, ce dispositif serait désormais ouvert au recrutement direct (et pas seulement pour des employeurs étrangers) de salariés à l’étranger pendant les cinq premières années de leur séjour en France.
L’exonération des suppléments de rémunération liés à l’exercice de leur activité en France à raison de leurs premières années d’activité demeurerait inchangée et celle des revenus perçus en contrepartie de l’exercice d’une activité professionnelle réalisée à l’étranger ne serait plus plafonnée (actuellement 20 %).
En revanche, le montant global des sommes exonérées serait limité à 50 % de la rémunération totale.
En outre, ces personnes seraient exonérées d’impôt sur le revenu à raison de 50 % de leurs
« revenus passifs » (dividendes, intérêts et redevances) et plus-values de cession de valeurs mobilières de source étrangère.
Ces « revenus passifs » et plus-values demeureraient toutefois soumis aux prélèvements sociaux sur une base non réduite.
Ce nouveau dispositif, qui concernerait les résidents effectivement installés en France, serait applicable aux personnes dont la prise de fonctions en France intervient à compter du 1er janvier 2008.
Les Dispositions diverses et les visites domiciliaires
Cette partie du projet de loi n’a aucun rapport avec la modernisation de l’économie et l’esprit général du texte mais elle vise à « rafistoler » une procédure condamnée au plan européen.
Cette fois, le gouvernement réagit à la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH 21 février 2008 n° 18497/03, 3e section, Ravon et a. c/ France) qui a jugé que les voies de recours ouvertes au contribuable en droit interne pour contester la régularité des visites et saisies domiciliaires ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Ainsi, en matière de procédures consécutives aux contrôles fiscaux, afin de renforcer les droits de la défense, il est proposé de créer un recours, non suspensif, portant sur le contentieux de l’autorisation et de l’exécution du droit de visite et de saisie visé aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l’article 64 du code des douanes.
L’appel sera formé auprès du premier président de la cour d’appel compétente territorialement et sera ouvert dans un délai de quinze jours francs qui commencera de courir à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l’opération soit de l’inventaire des pièces saisies.
En ce qui concerne les affaires en cours, des mesures transitoires sont organisées pour rendre le recours effectif et informer le contribuable de son existence.
Les procédures fiscales (en cours et futures) sont régularisées…
C’est une forme de modernisation de l’économie des procédures fiscales…
A ce stade, il ne s’agit que d’un premier projet gouvernemental qui s’apparente à une série de mesures d’aubaines fiscales.
Le texte subira probablement de nombreuses modifications à l’occasion du débat au parlement qui commence ; ce qui confère à ces premiers commentaires une durée de vie très limitée…
Franck DEMAILLY
DUCELLIER AVOCATS