La Haute juridiction a jugé que, lorsque le débiteur saisi réside hors de France, le délai imparti au créancier pour signifier l’assignation, fixé par l’article R322-4, alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), bénéficie d’un allongement de deux mois en application de l’article 643 du CPC.
Pour rappel, l’article 643 précité dispose :
"Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de tierce opposition dans l’hypothèse prévue à l’article 586 alinéa 3, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de :
1. Un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ;
2. Deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger."
Concrètement, le créancier poursuivant dispose normalement d’un délai pour délivrer l’assignation compris entre un et trois mois avant la date de l’audience d’orientation. L’ajout de deux mois en cas de résidence à l’étranger permet désormais de repousser cette échéance, sécurisant ainsi la procédure, appelant trois remarques.
1) Une sécurité procédurale renforcée pour les praticiens.
Cette décision marque un tournant pour les professionnels de la saisie immobilière, en leur offrant un cadre plus souple pour le calcul des délais de délivrance de l’assignation. Jusqu’ici, le non-respect du délai de trois mois prévu par l’article R322-4 du CPCE pouvait entraîner la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière (sanction expressément prévue par l’article R311-11 du même code) et, par conséquent, la nullité de l’ensemble de la procédure de vente forcée.
Les praticiens se voyaient ainsi contraints, dans les cas où le débiteur résidait à l’étranger, de délivrer l’assignation précisément trois mois avant l’audience d’orientation : ni plus tôt, ni plus tard. Une rigueur procédurale difficilement tenable dans la pratique.
2) Une lecture conforme aux textes et aux droits de la défense.
La Cour de cassation entérine ici l’analyse précédemment retenue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 22 septembre 2022 (CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, n° 21/16140), estimant qu’elle avait fait une application exacte des textes.
Refuser cette interprétation reviendrait à priver de toute marge de manœuvre le créancier poursuivant, alors même que l’article R322-4 du CPCE prévoit expressément un délai "compris entre un et trois mois" avant la date d’audience. Si le débiteur est domicilié à l’étranger, et qu’aucun allongement n’était admis, ce délai serait figé à trois mois, à la fois minimum et maximum, ce qui contredirait l’esprit même du texte.
3) Un équilibre entre efficacité procédurale et respect des droits du débiteur.
L’élargissement admis du délai contribue également à garantir les droits du débiteur, en particulier lorsqu’il réside hors du territoire national. Il dispose ainsi d’un délai supplémentaire pour organiser sa défense et se préparer à comparaître, conformément aux exigences du droit à un procès équitable.
Cet arrêt constitue donc une clarification bienvenue, tant pour la sécurité juridique des créanciers que pour la protection des droits des débiteurs à l’international.



