Village de la Justice : Ça veut dire quoi, être responsable de produits informatiques au sein d’une Direction juridique ?
Emmanuel Bret : « Il existe beaucoup de littérature sur le sujet et ce poste est, par définition, à géométrie variable, dans son nom et son périmètre. Néanmoins on peut dire qu’être responsable de produits informatiques pour une direction juridique comporte 4 missions principales :
Être l’ambassadeur des juristes. Il doit partager aux équipes informatiques les besoins des utilisateurs, en leur expliquant ce que l’outil ou la fonctionnalité attendue va leur permettre de faire (par exemple prendre des décisions grâce à un tableau de bord) ou au contraire de ne plus faire (effectuer des tâches “administratives” sans valeur ajoutée) ;
Devenir un garant des projets IT en surveillant le respect des délais et des budgets. Il doit être capable de dire quand une fonctionnalité sera disponible. Pour les aspects budgétaires, c’est aussi le responsable de produits informatiques qui s’assure qu’on respecte le montant attribué par l’entreprise pour choisir un service, le déployer et le maintenir ;
Contribuer aux méthodes de gestion de projets informatiques. Le responsable de produits participe et coanime les réunions avec les développeurs : il suit leur travail, organise des rituels d’équipe, définit avec eux l’ordre dans lequel les développements doivent être faits, il planifie des réunions pour débriefer après une phase de livraison et résoudre les problèmes qu’ils soient technique ou humain.
Disposer d’une vision produit à moyen terme. Grâce aux échanges réguliers avec la direction juridique, le responsable de produit collecte un ensemble de besoins dont il va devoir planifier le développement avec l’équipe informatique selon plusieurs critères : la priorité souhaitée par les demandeurs, la complexité de réalisation et la charge en jours/homme de chaque développement, mais aussi la cohérence entre les développements et les interconnexions avec d’autres outils informatiques. La prise en compte de l’ensemble de ces critères permet de construire une feuille de route ou roadmap sur plusieurs mois voire plusieurs trimestres pour les équipes les mieux organisées. »
V.J : Est-ce une fonction nouvelle ? Pour l’exercer, quelle formation est indispensable : une formation de juriste ? Ou plutôt dans la Tech ? Ou les 2 ?

- E. Bret
E.B :« Cette fonction n’est pas ancienne mais elle existe déjà depuis plusieurs années, en particulier dans les entreprises d’une certaine taille et dans les secteurs technologiques. Pour exercer ce métier, il est nécessaire d’avoir suivi une formation juridique initiale et exercé une fonction juridique pendant une durée minimale de quelques années.
Le fait d’avoir été soi-même confronté à des problématiques juridiques dans le cadre de projets d’entreprises permet de comprendre les enjeux du métier et de livrer des produits ou des fonctionnalités utiles au juriste. Les compétences informatiques sont des outils pour réaliser les développements attendus. »
V.J : Concrètement, comment travaillez-vous en lien avec les prestataires externes (Legaltech ou autres) ?
E.B : « Nous faisons appel à deux catégories principales de prestataires :
D’abord les Legal tech et éditeurs de plateformes de services numériques. Ces sociétés proposent des outils qui permettent d’automatiser beaucoup de gestes des juristes, de centraliser un grand nombre de données et donc de faciliter le travail des équipes juridiques. Généralement les directions juridiques des entreprises paient une redevance à ces entreprises pour permettre aux équipes juridiques d’accéder à tout ou partie des fonctionnalités de ces plateformes.
La deuxième catégorie concerne les entreprises de services numériques (ESN). Ces entreprises mettent à disposition des consultants qui viennent rejoindre les équipes opérationnelles internes et fournir différents services : conseil informatique, conception, et intégration de systèmes digitaux, maintien en conditions opérationnelles de produits digitaux, notamment pour les projets de la direction juridique. »
V.J : Quelles différences et similitudes faites-vous entre votre fonction et celles de Legalops ?
E.B : « La première différence concerne le rattachement hiérarchique : la fonction de CLOO (Corporate Legal Operations Officer) est traditionnellement rattachée à la direction juridique alors que le responsable de produits est plutôt rattaché à la direction informatique.
La seconde différence concerne la mission générale : le CLOO est responsable des aspects organisationnels et budgétaires de la direction juridique, y compris les projets digitaux et les relations avec les cabinets d’avocats. Le product owner a lui aussi un rôle très opérationnel mais concentré sur les aspects digitaux des projets juridiques. Il prend en charge l’identification, le déploiement et le maintien des solutions digitales correspondant aux besoins des juristes.
Le principal point commun entre les deux fonctions porte sur le pilotage des projets informatiques de la direction juridique. C’est une des missions du CLOO, c’est la responsabilité principale du Product Owner, étant précisé cependant qu’un Product Owner peut travailler pour plusieurs directions : juridique, conformité, audit, comptabilité, trésorerie, logistique, etc. »
Vous voulez en savoir sur cette fonction ou participer à créer un réseau professionnel ?
Venez rencontrer Emmanuel Bret (Business Product Leader chez Adeo services) et Arthur Debono (Digital Product Manager - Legal Operations chez Decathlon) lors d’une conférence "Les nouveaux métiers du Droit : Responsable de produits informatiques pour la Direction juridique" aux RDV des Transformations du Droit, le 25 novembre à Paris.


