Nombre de professionnels de santé, par manque de temps, mais aussi, sans doute, parce qu’ils pensent (disons-le tout de suite, à tort) qu’il est pratiqué par l’un de leurs confrères qui connait(rait) pleinement les vicissitudes de leur exercice libéral, et sera(it) donc nécessairement enclin à faire preuve de compréhension à leur égard, négligent, trop souvent, l’importance de s’impliquer dans le cadre du contrôle d’activité dont ils font l’objet de la part du service du contrôle médical à l’occasion de leur activité.
C’est pourtant, de leur participation active, et surtout, de la pertinence des réponses qui seront apportées à ses interrogations, tout au long de la procédure, quant aux anomalies qu’il sera parvenu à identifier, que dépendront directement les suites qui lui seront réservées par la Caisse primaire d’assurance maladie.
Or, celles-ci peuvent être extrêmement lourdes de conséquences pour le praticien.
Les suites susceptibles d’être données par la Caisse à la procédure de contrôle d’activité.
En effet, avisée de ses constats [1], et liée par l’avis du service du contrôle médical, à l’issue du contrôle [2], la Caisse peut librement opter pour :
un dépôt de plainte auprès de la Chambre disciplinaire de première instance [3], plainte qui est susceptible d’aboutir à une peine pouvant aller jusqu’à une interdiction d’exercice [4].
une saisine de la Section des assurances sociales [5], qui est susceptible de prononcer une sanction pouvant aller jusqu’à une interdiction du droit de dispenser des soins auprès des assurés sociaux [6],
la notification des indus [7],
la mise en œuvre de la procédure des pénalités financières [8], pénalités qui, hors cas de récidive, peuvent atteindre jusqu’à 70% des sommes en cause,
le cas échéant, et dans les cas les plus graves, dans lesquels les éléments constitutifs de ces infractions sont réunis, un dépôt de plainte auprès du Procureur de la république des chefs d’escroquerie [9] ou de faux et usage de faux [article 441-1 du Code pénal.]],
… étant précisé, par ailleurs, qu’elle peut mettre en œuvre ces procédures de manière cumulative, hypothèse, en pratique, particulièrement fréquente.
L’importance du principe du contradictoire dans le cadre des garanties reconnues aux praticiens.
Dans ce cadre, et tout au long du déroulement de la procédure de contrôle d’activité, les textes ménagent aux praticiens de nombreuses garanties dont, dès lors, il leur appartient impérativement de se saisir, pour prétendre défendre efficacement leurs intérêts face à la Caisse, et espérer ainsi, à son terme, en limiter les conséquences.
Tel est le cas, en particulier, du respect du principe du contradictoire, qui prévaut tout au long de la procédure.
Une décision, que nous avons obtenue auprès de la Cour d’appel de Riom [10], confirmée ensuite, en toutes ces dispositions, par la 2ᵉ Chambre civile de la Cour de cassation [11] en illustre à ce titre l’importance.
Ainsi, l’article R.315-1-1 alinéa 2 du Code de la Sécurité sociale prévoit, qu’outre qu’il lui est loisible, dans le respect des règles de déontologie médicale, de consulter leurs dossiers médicaux, après en avoir préalablement informé le praticien , sauf en cas de fraude, le service du contrôle médical peut également entendre et examiner les patients auxquels des soins ont été dispensés pendant la période faisant l’objet du contrôle.
En l’espèce, pour soutenir que le service médical avait valablement rempli son obligation d’information du praticien quant aux patients qu’il avait examinés, la Caisse croyait pouvoir faire valoir qu’elle avait été satisfaite à double titre :
en premier lieu, lors de la demande de renseignements que le service du contrôle médical lui avait adressée à l’occasion de l’ouverture de la procédure de contrôle, sollicitant la communication d’éléments quant à des soins qu’il avait prodigués à des patients identifiés par leurs nom et prénom,
en second lieu, à l’issue de cette procédure, lorsqu’elle lui avait elle-même notifié les griefs dans les termes de l’article R.315-1-2 du Code de la Sécurité sociale.
Ces moyens ont néanmoins été intégralement écartés par la Cour de RIOM, qui a retenu, que si le praticien avait été informé de l’identité des patients concernés par les griefs qui lui étaient reprochés, tel n’était pas le cas, en revanche, de ceux qui avaient été effectivement entendus ou examinés par le service du contrôle médical, alors que :
par voie de correspondance, celui-ci lui avait explicitement indiqué qu’il serait conduit à entendre et à examiner certains de ses patients,
des patients lui avaient relaté que des examens cliniques avaient été réalisés.
La Cour en a dès lors conclu que :
notamment lors de l’entretien auquel il pouvait prétendre avec le service du contrôle médical (article R.315-1-2 in fine du Code de la Sécurité sociale), le praticien n’avait pas été mis en mesure de faire valoir ses observations et moyens de défense quant au contenu et au résultat de ces examens,
le principe du contradictoire avait, en conséquence, été méconnu.
Ce faisant, elle en a déduit que la procédure de contrôle était irrégulière, et a approuvé la juridiction de 1ʳᵉ instance d’avoir annulé celle de notification de l’indu.
Pour autant, à notre sens, la portée de cette décision ne doit pas être exclusivement circonscrite à cette dernière, dès lors que son annulation ne procède pas intrinsèquement de son irrégularité, mais bien de celle de la procédure de contrôle d’activité elle-même menée par le service du contrôle médical, dans le prolongement direct de laquelle elle s’inscrit.
Aussi, une telle solution devrait également prévaloir, aussi bien en matière déontologique, devant la Chambre disciplinaire de première instance et la Section des assurances sociales, que dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure des pénalités financières.
Or, selon notre expérience, les Caisses ne se la sont toujours pas appropriée, et continuent de considérer, pour leur part, que l’article R.315-1-1 du Code de la Sécurité sociale ne leur fait pas l’obligation d’informer spécifiquement les praticiens quant à l’identité des patients effectivement examinés par le service du contrôle médical, mais uniquement de ceux dont les soins font l’objet d’un examen dans le cadre de son contrôle.
L’anomalie sanctionnée par la Cour, dans les faits de l’espèce, demeure donc, toujours à ce jour, très répandue.
Ce faisant, il convient, pour les praticiens, d’y être particulièrement attentifs.
Il en va de même, plus généralement, du respect des exigences procédurales qui pèsent sur le service du contrôle médical et la Caisse, qui constituent la traduction du principe du contradictoire qui émaille l’ensemble de la procédure de contrôle, et dont la méconnaissance, tel que l’illustre la présente décision, est susceptible de remettre directement en cause la régularité de la procédure de contrôle et des sanctions prononcées à son terme.