1/ L’embauche du salarié : quand la promesse d’embauche vaut contrat de travail
Cour de cassation chambre sociale arrêt du 18 décembre 2013 n°12-19577
Une salariée est embauchée en contrat à durée déterminée pour remplacer une salariée absente pour maladie avec pour terme le retour de celle-ci.
Ce retour étant prévu au 1er janvier 2010, l’employeur met un terme au contrat de travail à durée déterminée de la salariée le 31 décembre 2009.
La salariée remplacée n’a finalement pas repris ses fonctions et a quitté l’entreprise le 31 mars 2010.
La salariée dont le CDD avait été rompu prétend alors bénéficier d’une promesse d’embauche à durée indéterminée établie par lettre du 3 janvier 2008 et sollicite réparation devant la juridiction prud’homale de ce qu’elle estime être un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
La lettre en question était ainsi rédigée : « un contrat à durée indéterminée sera proposé à Melle X... » .
Contestant tout caractère de lettre d’embauche à ce courrier l’employeur indiquait que cette lettre ne pouvait selon lui s’interpréter dans le sens d’une poursuite de l’emploi occupé alors que la lettre se limite à indiquer qu’un contrat à durée indéterminée serait proposé.
C’était omettre le pouvoir d’interprétation des juges du fond qui, analyse faite des faits et des termes de la lettre ont considéré :
« que la lettre du 3 janvier 2008 proposait à Mme X... un contrat de travail à durée indéterminée, fixait la date de sa prise de fonctions au terme du contrat à durée déterminée et portait sur la poursuite de l’emploi occupé dans le cadre de ce contrat », constituait ainsi une promesse d’embauche à durée indéterminée.
Dès lors, la rupture de cet engagement concrétisée par la décision de l’employeur de mettre un terme au CDD de la salariée le 31 décembre 2009 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2/ L’exécution du contrat de travail : le salarié ne peut pas renoncer à l’application des règles du contrat à durée indéterminée
Cour de cassation chambre sociale arrêt du 18 décembre 2013 n°12-17925
Cet arrêt est intéressant à double titre : d’une part pour la primauté du droit du CDI sur le CDD utilement réaffirmée comme règle de principe, mais également parce qu’il démontre le pouvoir/devoir du juge à chaque fois que nécessaire de faire prévaloir la protection du salarié nonobstant l’accord des parties.
Une salariée engagée en 2005 par contrat verbal à qui l’employeur délivre chaque mois des bulletins de salaire attestant de l’exécution constante d’une durée de travail variant du temps complet au temps partiel suivant les mois, signe deux ans après en décembre 2007 un contrat à durée déterminée pour les 6 mois suivants jusqu’au 30 mai 2008.
La salariée est alors victime d’un accident du travail au cours du CDD et signe fin mai 2008 un avenant renouvelant le CDD pour les 4 mois suivants jusqu’au 30 septembre 2008.
Son arrêt de travail est alors prolongé jusqu’en novembre 2008 soit deux mois après la fin de la durée du CDD stipulée dans l’avenant.
A l’issue de la fin de la durée du CDD le 30 septembre 2008, l’employeur remet à la salariée « un solde de tout compte, un certificat de travail mentionnant une durée d’emploi du 1er décembre 2007 au 30 septembre 2008 et une attestation Assedic mentionnant comme motif de la rupture du contrat de travail « fin de CDD » » .
La salariée saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, le paiement de diverses sommes, ainsi que le prononcé de la nullité de la rupture du contrat de travail et sa réintégration.
Evoquant « la volonté claire et non équivoque » de la salariée de fixer « un terme précis à la relation de travail », l’employeur considère que le CDD se substitue au contrat à durée indéterminée.
Vainement l’employeur précisait que c’est de manière claire et explicite que la salariée a signé le contrat à durée déterminée et son avenant, les parties ayant ainsi souhaité nover la relation contractuelle à durée indéterminée en durée déterminée.
La Cour de cassation approuvant sans réserve les juges d’appel ayant condamné l’employeur précise :
« Mais attendu que le salarié ne pouvant renoncer par avance aux règles relatives au licenciement d’un contrat de travail à durée indéterminée, la Cour d’appel, qui a constaté que le contrat de travail invoqué avait été conclu alors qu’un contrat à durée indéterminée était en cours, en a déduit à bon droit que la nature du contrat de travail n’avait pas été modifiée. »
3/ Enfin un arrêt concernant la fin du contrat de travail : seules les sommes mentionnées dans le solde de tout compte ont un caractère libératoire.
Cour de cassation chambre sociale arrêt du 18 décembre 2013-24985
Le solde de tout compte ne peut plus être contesté par le salarié qui l’a signé s’il ne le conteste pas dans le délai de six mois à compter de sa signature.
C’est ce que l’on appelle le caractère libératoire du solde de tout compte visé à l’article L 1234-20 du Code du travail.
Habilement, un employeur réceptionne d’une salariée démissionnaire un solde de tout compte ainsi rédigé (outre le détail des sommes à caractère salarial versées) : « Cette somme m’est versée pour solde de tout compte en paiement des salaires, accessoires de salaires, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l’exécution et de la cessation de mon contrat de travail.
Je reconnais que comme conséquence de ce versement tout compte entre la Pharmacie X et moi-même se trouve entièrement et définitivement apuré et réglé. »
La salariée saisit ultérieurement et au-delà du délai de 6 mois la juridiction prud’homale d’une demande en requalification de sa démission en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur évoque alors le caractère libératoire du solde de tout compte rédigé et signé par la salariée, quant aux sommes dues au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Confirmant l’arrêt d’appel et condamnant toute utilisation du solde de tout compte autre que celui pour lequel il a été institué (faire l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail), la Cour de cassation stigmatise ce détournement de la loi en ces termes :
« Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 1234-20 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, d’une part, que l’employeur a l’obligation de faire l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, d’autre part, que le reçu pour solde de tout compte n’a d’effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées, peu important le fait qu’il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux ;
Et attendu que la Cour d’appel, qui a, sans dénaturer le reçu pour solde de tout compte signé par la salariée, relevé que les demandes que celle-ci formulait devant elle ne concernaient pas les sommes qui étaient mentionnées sur ce reçu, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision » .
Jus est ars boni et aequi.
Le droit est l’art du bien et de l’équitable