1- Les faits.
Mme B X a été engagée, suivant contrat à durée indéterminée à effet au 20 août 2012, en qualité de directrice de crèche par la société La maison bleue, poste de travail situé au Bourget.
Son contrat de travail comporte une clause de mobilité aux termes de laquelle :
« Madame B X exercera son activité principalement au sein de la crèche “ Les Petits Coucous” en l’occurrence au Bourget.
Ce rattachement territorial n’est pas considéré comme exclusif ; en conséquence et dans le cadre de son pouvoir de direction, en cas de besoins justifiés, notamment par l’évolution de ses activités ou de son organisation, et plus généralement par la bonne marche de l’entreprise. La maison bleue se réserve le droit de muter Madame B X –cette nouvelle affectation constituant un simple changement des conditions de travail ».
En congé de maternité à partir du 17 août 2014 puis en congés payés jusqu’au 17 avril 2015, la salariée a fait l’objet d’une dispense d’activité rémunérée à compter de cette date.
Au mois de mars 2015, le conseil général de Seine-Saint-Denis a informé l’employeur de ce qu’une dérogation accordée à la salariée, laquelle ne possédait pas les diplômes requis par la réglementation sanitaire pour exercer ses fonctions de directrice de la crèche située au Bourget, était venue à échéance le 13 février 2015, sans possibilité de reconduction.
Par lettre du 5 mai 2015, l’employeur avait proposé une mutation au poste de directrice d’une crèche située à Puteaux et dirigée par une autre société dont il est actionnaire majoritaire.
La salariée, qui avait refusé cette proposition par deux lettres des 29 mai et 17 juin 2015, a été licenciée le 2 juillet 2015 en raison de son refus d’être mutée à Puteaux.
2- La procédure.
Devant le conseil de prud’hommes de Bobigny et la cour d’appel de Paris, la salariée formule des demandes tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement pour avoir été discriminatoire et/ou prononcé durant la période de protection accordée aux femmes enceintes et de retour de congé de maternité. Subsidiairement, elle demandait que son licenciement soit jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Pour ce qui le concerne, l’employeur exposait que la décision du Conseil Général de ne pas proroger l’agrément de la salariée à occuper les fonctions de directrice de la crèche du Bourget, l’avait placé dans une situation telle qu’il n’avait pas eu d’autre possibilité que d’appliquer la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail de la salariée pour lui « proposer » une mutation au sein d’une crèche située à Puteaux détenue par une société dont il est l’actionnaire majoritaire. Pour lui, la « mutation » proposée ne constituait pas une modification du contrat de travail, mais une application de la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail.
Le conseil de prud’hommes de Bobigny a fait droit à cet argumentaire et retenu que l’affectation de Mme X à Puteaux constituait un simple changement de ses conditions de travail qu’elle ne pouvait refuser. La salariée a donc été déboutée de l’intégralité de ses demandes.
Reprenant son argumentation devant la Cour d’appel de Paris, la salariée obtient partiellement satisfaction, la Cour jugeant que :
« une clause de mobilité ne saurait faire obstacle au droit de la salariée d’être réintégrée, à l’issue de son congé de maternité, dans l’emploi qu’elle occupait précédemment ou à un emploi similaire ainsi que le prévoit l’article L 1225-25 du Code du travail ».
La cour d’appel d’ajouter que :
« Quand bien même la société La maison bleue n’était-elle plus en mesure de réintégrer Mme X dans son précédant emploi au Bourget, elle ne pouvait néanmoins sanctionner par la rupture du contrat de travail – la lettre de licenciement, n’évoquant explicitement que le non-respect de la clause de mobilité, étant disciplinaire – le refus de la salariée d’être mutée à Puteaux dès lors que cette dernière pouvait légitimement prétendre à être réintégrée à son poste initial.
Le comportement fautif reproché n’étant pas ainsi suffisamment caractérisé, le licenciement sera déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
C’est cette motivation qui est critiquée par l’employeur devant la Cour de cassation en reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si le poste qu’il avait proposé n’était pas équivalent à celui qu’occupait la salariée avant son départ en congé de maternité et si la rémunération n’était pas identique.
3- Analyse de la décision de la Cour de cassation.
La Cour rejette cependant son pourvoi en deux paragraphes :
- Un salarié ne peut accepter par avance un changement d’employeur.
- La cour d’appel, qui a constaté que l’employeur avait proposé à la salariée une mutation dans une société dont il était l’actionnaire majoritaire, ce dont il résultait qu’il ne pouvait sanctionner le refus de la salariée, en a exactement déduit que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
La première phrase illustre bien le fait que l’insertion d’une clause de mobilité dans un contrat de travail ne permet pas à un employeur de s’affranchir du principe de l’effet relatif des conventions exprimé à l’article 1199 du Code civil et qu’en conséquence, une clause de mobilité ne saurait permettre à un employeur d’imposer un changement d’employeur (un changement de contractant) à un salarié et encore moins à une salariée de retour de congé de maternité qui bénéficie des dispositions protectrices de l’article L1225-25 du Code du travail.
Le second paragraphe montre qu’en se plaçant sur le terrain disciplinaire, l’employeur procédait nécessairement à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En effet, dans la mesure où la salariée était libre d’accepter ou de refuser le changement d’employeur qui lui était « proposé », elle ne commettait aucune faute en le refusant.
L’employeur ne pouvait donc légitimement lui reprocher son refus.
L’arrêt rappelle donc qu’on ne peut imposer un changement d’employeur à un salarié ni même lui demander d’accepter un tel changement par avance en insérant une clause de mobilité dans son contrat de travail.
Il rappelle également que le droit pour une femme de retrouver son emploi au retour d’un congé de maternité prime sur toute clause de mobilité figurant dans son contrat de travail.
Discussion en cours :
Merci Susana pour cette lecture précise de la décision de la chambre sociale.