Bénéficiant déjà d’un cadre privilégié, au cœur d’un parc à Neuilly-sur-Seine, la société d’avocats PwC, réunissant 400 avocats à Paris, a justement décidé de mettre en adéquation ses locaux avec son management. Cette nouvelle organisation a pour but de faire tomber les cloisonnements, physiques comme hiérarchiques. « Cela a été avant tout un projet de changement culturel, confirme Anne-Valérie Attias Assouline, Avocat associée et Présidente de PwC Société d’Avocats. Notre maison était déjà culturellement différente des cabinets dits traditionnels, les populations étant assez mixées. Nous avons voulu prolonger cet état d’esprit et casser le concept de statut : il n’y a pas de statut, mais une expertise, des qualités, et une volonté de collaborer. Chacun a le droit d’accéder à n’importe quel espace, qu’il soit associé, collaborateur ou plus juniors. »
Mené sur une année, ce réaménagement mêle tous types d’espaces qui « privilégient cet esprit collaboratif ». « Le driver a aussi été la nature des projets traités pour nos clients : ils sont de plus en plus complexes et demandent des compétences différentes, explique Hélène Rives, Avocat associée chez PwC Société d’Avocats. Il faut donc avoir un espace qui s’adapte à la mission et aux travaux. Nous voulons aussi pousser nos collaborateurs à innover, à proposer, et ces espaces favorisent cet esprit d’initiative, extrêmement important dans le monde dans lequel on vit. » Une évolution que constate également Laurent Crochet, directeur de USM, une entreprise suisse de mobiliers modulables destinés aux entreprises et aux cabinets d’avocats : « Les espaces de réception ou de rencontre deviennent des lieux de vie, où des personnes qui travaillent de manière isolée dans la journée, du fait de leur activité, se retrouvent, échangent et collaborent de manière plus informelle. »
- Les bureaux chez PwC Société d’Avocats
Pour adopter ce nouveau type de management, les cabinets d’avocats peuvent également opter pour des locaux plus insolites. Sabah Boumesla, fondatrice du cabinet Rêveability, a ainsi choisi de s’installer dans un workplace [1] de luxe en face de la Tour Eiffel. « Les workplaces sont des phénomènes assez nouveaux et au départ dédiés plutôt aux start-uppers. Cet endroit correspondait exactement à ce dont je rêvais depuis deux ans à l’instar de mon cabinet un espace de travail qui réinvente les codes et propose des prestations de qualité. Vous avez en effet ici des cabinets d’avocats, des banques d’affaires, des fonds d’investissements, mais aussi des personnes qui travaillent dans la mode ou dans la publicité. C’est aussi un lieu très beau, où je peux recevoir mes clients, même si ce n’était pas mon but premier. »
La problématique des locaux reste effectivement majeure pour la profession : l’obligation de domiciliation représente un coût important dès l’installation. La flexibilité de ces nouveaux lieux et les services qu’ils offrent permettent de trouver un bon compromis. En plus du bureau qu’elle occupe avec son équipe, le workplace dispose d’un café, d’une salle de sport, ou encore de salles de réunion ou de conférence que les occupants peuvent réserver en cas de besoin.
Mais quel impact une telle configuration peut avoir sur le management ? « Cela m’a obligé de revoir ma manière de travailler et de diminuer mon espace de travail. J’ai un bureau que je partage avec mes collaborateurs, en mode open space, ce qui favorise l’échange et la communication. Cela devient un espace de travail plus collaboratif et c’est aujourd’hui ce que je veux, car ce sont des choses qui m’ont marqué dans ma carrière d’avocat. J’ai pu constater, dans des grosses structures, un cloisonnement au sein des équipes que je trouvais contre productif. »
Horizontalité et « bien-être » : une attente des jeunes générations.
- Workplace The Bureau du cabinet Rêvability.
Le bien-être, au sens large, prend une place grandissante dans les préoccupations professionnelles, et les structures en prennent peu à peu conscience. Comme l’explique Laurent Crochet, « les notions de confort, de bien-être, d’ergonomie, prennent de plus en plus de place dans les conditions d’aménagement. Nous proposons par exemple des gammes de bureau relevables qui permettent d’alterner les positions de travail assis ou debout. Ou nous allons adapter précisément le meuble, les espaces de rangement aux besoins des utilisateurs : la hauteur d’un archivage dans un meuble, la disposition de tablettes intermédiaires ou de tablettes coulissantes qui permettent d’accéder plus facilement à différents éléments, ou encore des portes qui peuvent elles-mêmes devenir des supports pour consulter les dossiers. La question de la couleur entre aussi en compte : je constate que nous avons de plus en plus de demandes de meubles de couleur assez vives dans des cabinets d’avocats. »
La tendance veut aussi que le lieu de travail devienne un lieu multifonctionnel, avec des offres de services multiples. « Nous avons démultiplié les espaces de partage, organisé un espace de convivialité à notre étage pour que les gens se retrouvent autour d’un déjeuner ou d’un baby foot, mis aussi la bibliothèque et nos ouvrages au cœur de notre cabinet, parce qu’elle nous semblait être un espace de rencontres, détaille Anne-Valérie Attias Assouline. Nous avons aussi des espaces d’immersion, alliant high tech et confort pour faciliter la créativité et l’expression, ainsi qu’une salle de sieste. Et tout n’est pas encore terminé : nous sommes en train de finaliser notre salle de sport et une salle de musique… »
Cette volonté de voir les méthodes de management évoluer a aussi pour objectif de séduire les nouvelles générations qui arrivent sur le marché. Car les envies et les motivations ont changé. « Les jeunes avocats n’ont plus toujours la volonté de travailler dans des grosses structures où ils subissent beaucoup de pression, et veulent allier bien-être et recherche de sens dans ce métier, souligne Sabah Boumesla. Ils ne sont plus prêts à tout sacrifier pour de l’argent, et aspire à trouver un endroit où ils s’épanouissent, où ils vont être de plus en plus proactifs et challengés. Je pense que le système pyramidal ne va plus fonctionner très longtemps. » « Il est essentiel d’appliquer ces nouvelles façons de travailler pour retenir les nouvelles générations, qui ne sont pas forcément impressionnés par le lien hiérarchique, confirme Anne-Valérie Attias Assouline. Cette façon de naviguer, de se comporter, de collaborer, de pouvoir s’exprimer… c’est exactement l’état d’esprit que nous voulons favoriser et qui a été prolongé par l’aménagement de nos locaux. Cela casse les barrières, ouvre la communication, permet l’initiative. »
- Les bureaux chez PwC Société d’Avocats
Ce qui renforce l’attractivité d’un cabinet, souligne Sabah Boumesla : « J’offre à mes équipes un endroit où ils peuvent aller faire du sport, participer à d’autres événements, échanger avec d’autres personnes. Lorsque je fais passer des entretiens, je me rends également compte que c’est un atout. Des personnes de très haut niveau postulent à mon cabinet : la majorité de mes stagiaires ont des doubles cursus, ont fait des écoles de commerce en plus des études de droit. Ce sont des profils que l’on voyait auparavant postuler principalement dans de grosses structures. »
Des modèles qui n’empêchent pas la confidentialité.
L’aménagement des locaux des cabinets d’avocats est toujours soumis à la grande question du principe de confidentialité. Comment des espaces ouverts, ou les modèles comme les workplaces, s’adaptent aux obligations des avocats ? « Au sein du cabinet nous sommes tous tenus par le secret professionnel, explique Anne-Valérie Attias Assouline. Néanmoins il peut y avoir des situations qui exigent une confidentialité particulière. Nous avons un nombre d’espaces privés suffisant pour que chacun puisse s’isoler. »
De son côté, Sabah Boumesla bénéficie d’un bureau fermé, qui préserve la confidentialité, mais souligne qu’aujourd’hui « la notion a évolué. Je n’ai quasiment plus de dossiers papier. Le point le plus central dans ma confidentialité est mon réseau informatique : la seule manière de savoir ce que je fais, c’est de rentrer dans mon ordinateur. » En effet, l’enjeu de la confidentialité se déplace peu à peu de la confidentialité sur le terrain à la sécurité informatique. Car la digitalisation reste le point clé de ces nouveaux modes d’organisation : seule une dématérialisation des outils de travail de l’avocat peut permettre une telle flexibilité.
Discussion en cours :
Etant moi-même avocat collaborateur et en open space je trouve ça inadapté.
L’open space ne sert qu’à contrôler l’activité (et la rentabilité) du collaborateur. En effet, le collaborateur sera soumis au regard des associés ou managers quand il sera en train de traiter ses dossiers persos.
Nous sommes dans une profession où il faut se concentrer et où il n’est pas question de marketing et d’inventer un nouveau produit.