I. Qu’est-ce qu’une visite domiciliaire ?
La visite domiciliaire s’apparente à une perquisition en ce que le lieu visé par l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention va faire l’objet d’une « visite » par les forces de l’ordre habilitées qui sont également autorisées à saisir les documents, objets ou données qui s’y trouvent.
Introduites par la loi du 30 octobre 2017 comportant des règles spéciales de police administrative pour prévenir le risque terroriste, les dispositions du Code de la sécurité intérieure prévoient que, sur autorisation du Juge des libertés et de la détention, le Préfet peut faire procéder à la visite domiciliaire et faire effectuer des saisies lors de cette visite dans un lieu identifié et fréquenté par des personnes dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics en lien avec un risque terroriste.
Il s’agit d’une procédure hybride en ce que cette procédure coercitive, assimilable à une perquisition, résulte d’une initiative de l’autorité administrative (Préfet) et non d’une autorité de poursuite tel le Procureur ou Juge d’instruction.
La visite domiciliaire peut donc avoir lieu en l’absence d’une quelconque condamnation pour des faits à caractère terroriste et plus encore en l’absence totale d’indices de la commission d’une infraction.
II. Quels sont les critères pour autoriser une visite domiciliaire ?
Dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020, l’article L229-1 du Code de la sécurité intérieure précise la mise en œuvre de la visite domiciliaire et son objectif :
« Sur saisine motivée du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris peut, par une ordonnance écrite et motivée et après avis du procureur de la République antiterroriste, autoriser la visite d’un lieu ainsi que la saisie des documents et données qui s’y trouvent, aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme et lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes. (…) »
Sur la forme, le Juge des libertés et de la détention ne peut rendre son ordonnance d’autorisation de la visite domiciliaire et des saisies, qui doit être écrite et motivée, que si celle-ci intervient sur saisine motivée d’une personne qualifiée, après réception de l’avis du Procureur de la République antiterroriste.
L’ordonnance du Juge des libertés et de la détention doit comporter les mentions suivantes :
- l’adresse des lieux dans lesquels les opérations de visite et de saisie peuvent être effectuées,
- le service et la qualité des agents habilités à y procéder,
- le numéro d’immatriculation administrative du chef de service qui nomme l’officier de police judiciaire territorialement compétent présent sur les lieux, chargé d’assister à ces opérations et de tenir informé le juge de leur déroulement,
- la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix, sans que l’exercice de cette faculté n’entraîne la suspension des opérations autorisées.
Enfin, l’ordonnance autorisant la visite domiciliaire et les saisies sera remise au justiciable, soit au moment de ladite visite si celui-ci est présent et en cas d’absence de celui-ci elle lui sera adressée par voie de lettre recommandée avec accusé réception a posteriori. À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice.
Sur le fond, le Juge des libertés et de la détention doit caractériser aux termes de son ordonnance d’autorisation un comportement de la personne visée par la mesure constituant une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics en s’appuyant sur des éléments factuels, précis et tangibles en attestant.
Il doit notamment justifier que la visite domiciliaire a lieu aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme.
De plus, l’ordonnance doit dès lors démontrer l’existence de raisons sérieuses de penser que le lieu en question est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, et qui :
- soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme,
- soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes.
La Cour de cassation a pu préciser que le Juge des libertés et de la détention et le Juge d’appel doivent s’assurer que la mesure de visite sollicitée est nécessaire et proportionnée, notamment au regard de la menace particulièrement grave et actuelle pour la sécurité et l’ordre publics que représente le comportement de la personne visée [1].
III. Comment contester une visite domiciliaire ?
Le recours contre l’ordonnance ayant autorisé la visite domiciliaire est prévu à l’article L229-3 du Code de la sécurité intérieure.
Que retenir de l’article L229-3 du Code de la sécurité intérieure ?
Le recours se fait devant le premier président de la Cour d’appel de Paris, quel que soit l’endroit où a eu lieu la visite domiciliaire.
Il convient de faire la différence entre le (I) de l’article, qui concerne le recours contre l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire et les saisies, et le (II) qui concerne le recours contre le déroulement des opérations de visite autorisées par le Juge des libertés et de la détention.
En clair, dans le premier cas, le justiciable fait appel de l’ordonnance autorisant la visite domiciliaire et les saisies et dans le second cas, il fait appel du procès-verbal de déroulement des opérations établi lors de la visite domiciliaire.
Concernant ces deux appels, il faut retenir deux choses :
- La non-obligation de constituer avocat dans le cadre de ce recours, toutefois uniquement un professionnel sera en mesure de faire valoir les bons arguments juridiques afin de démontrer le caractère abusif de la visite domiciliaire et/ou du déroulement des opérations,
- Le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision pour interjeter appel.
À noter que l’exploitation des documents, données et supports saisis lors de la visite domiciliaire doit faire l’objet d’une saisine distincte et donc d’une seconde autorisation donnée par le Juge des libertés et de la détention, cette fois-ci au visa de l’article L229-5 II alinéa 1 du Code de la sécurité intérieure.