I) Le statut d’hébergeur
Il faut rappeler que selon l’article 6 de la LCEN, est qualifié d’hébergeur toute personne qui met a disposition du public en ligne le stockage de « signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».
Il convient également de noter que les hébergeurs se différencie des éditeurs qui sont les personnes qui créent ou rassemblent un contenu qu’elles mettent en ligne.
Dans un sens plus traditionnel, l’édition englobe notamment les supports papiers ou encore audiovisuelles, et comporte, en tous les cas, un régime de responsabilité pénale. En effet, l’éditeur, tout comme l’auteur de contenu édité, peut être condamné lorsque ledit contenu comporte des éléments illicites.
Institué par la LCEN, le statut d’hébergeur a la particularité de prévoir, en présence d’un contenu illicite, une responsabilité limitée par rapport à celle de l’éditeur.
En effet, la loi considère qu’à la différence des éditeurs, les hébergeurs peuvent ne pas avoir connaissance du caractère illicite des informations qu’ils mettent en ligne sur leurs sites.
L’article 6 prévoit donc que la responsabilité civile ou pénale des hébergeurs, à raison d’un contenu illicite qu’il diffuse, n’est engagée que lorsqu’ils ont effectivement connaissance de cette illicéité, et n’ont pas « agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible ».
À cet égard, le caractère illicite d’un contenu mis en ligne peut notamment être notifié aux hébergeurs par tout internaute. Pour permettre toute notification, les hébergeurs ont donc l’obligation de « mettre en place un dispositif facilement accessible et visible » permettant à toute personne de porter à leur connaissance toutes données illicites.
Néanmoins, pour qu’une notification soit valide, elle doit comporter les coordonnées du notifiant, la description des faits et leur localisation. Il s’agit en effet de connaître les motifs pour lesquels un contenu notifié comme tel est illicite.
L’hébergeur ainsi notifié doit toutefois justifier le retrait d’un contenu illicite, en indiquant notamment les motifs de celui-ci, les dispositions légales qui l’imposent, ainsi que la copie de la lettre adressée à l’éditeur ou l’auteur du contenu.
Le statut des hébergeurs ainsi décrit laisse cependant une question en suspend. Il s’agit de celle relative à la durée de conservation des données et leur fixation. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL et auquel la LCEN renvoie, est actuellement en cours de finalisation.
En tous les cas, faute de mettre en œuvre les moyens appropriés lui permettant de ne pas mettre en ligne des contenus illicites, l’hébergeur risque jusqu’à un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. En outre, faute de mettre en œuvre ces moyens, une infraction de la part d’un éditeur peut entraîner la responsabilité pénale ou civile de l’hébergeur au titre de cette infraction.
En d’autre terme, l’exonération de responsabilité de l’hébergeur repose sur les moyens qu’il offre pour permettre le transfert de cette responsabilité aux éditeurs. D’autre part sa promptitude ou bonne volonté à assurer le « nettoyage » du site en cas de signalement, voire à permettre la dénonciation du coupable peut lui permettre de se dégager de sa responsabilité.
II) Vers un élargissement de la responsabilité des hébergeurs
Le rapport note qu’un certain nombre de personnes considère que « les hébergeurs devraient avoir un rôle plus actif, et donc une responsabilité plus grande, dans la conformité à la loi des contenus qu’ils hébergent ». Pour bien des personnes, en matière de contenus particulièrement choquants, « la responsabilité des hébergeurs ne devrait pas se limiter à retirer de leurs sites ces contenus, mais à en empêcher l’installation ».
Il en est de même s’agissant des contenus protégés, ou encore des
contenus diffamatoires.
Pour ces personnes, le fait que l’hébergeur tire profit de son activité les amène à considérer qu’il devrait être plus largement responsable de la propreté de leur site.
Les tribunaux ont ainsi pu se prononcer en faveur d’une responsabilité plus large des hébergeurs.
Le rapport note que, dans cette optique, la requalification des hébergeurs en éditeurs est la voie la plus radicale. En effet, l’éditeur est responsable, aussi bien civilement que pénalement, pour tout ce qu’il édite.
Cependant, le rapport estime qu’un hébergeur « qui définit une typologie des blogs sur son site, et qui ventile ces blogs, au sein du classement qu’il a établi, en fonction de leur nature annoncée a une action beaucoup plus proche de celle d’une chaîne de kiosques à journaux, qui regroupe sur ses présentoirs les magazines en fonction de leurs centres d’intérêt, que celle d’un éditeur ».
De plus, le rapport relève que rien ne justifie une différence de traitement des hébergeurs fondées sur l’existence d’une rémunération de leur activité par la publicité. En tous les cas, le contrôle des contenus reste identique.
Pour le rapport, la frontière entre le statut d’hébergeur et celui d’éditeur doit donc rester comme l’a voulu la loi. Le critère de distinction devant résider dans la « capacité d’action sur les contenus » et non pas dans la fourniture d’outils de présentation ou d’organisation de ces contenus.
Une autre voie pour mieux responsabiliser les hébergeurs est une interprétation plus large de leurs responsabilités mais également de leurs « pouvoirs d’appréciation » en matière de contenus illicites. Certaines décisions des tribunaux ont pu aller dans ce sens.
Selon les rapporteurs, cet élargissement de la responsabilité des hébergeur pose cependant problème. En effet, qu’il s’agisse de contenu odieux ou bien manifestement illicite, le régime de responsabilité qui en découle s’en trouve unifié.
Or, comme le rappelle le rapport, la loi a institué deux régimes différents : les contenus odieux ne nécessitent pas, par leur nature, que la preuve de leur véracité soit rapportée. Seul les contenus « manifestement illicite » nécessite cette preuve.
En présence de ce type de contenu, les conditions de mise en œuvre de la responsabilité sont en conséquence plus strictes. Il s’agit en effet d’éviter une censure systématique des contenus par les fournisseurs d’hébergement qui pourrait se fonder sur une simple présomption d’illicéité.
Ce régime plus strict permet donc de préserver l’accès des internautes « aux richesses du réseau ». En outre, une obligation de surveillance systématique, analogue à celle s’exerçant à l’égard des contenus odieux, menacerait la fonction même de fournisseur d’hébergement étant donné son incapacité à vérifier le contenu et la légalité de l’ensemble des informations qu’il stocke.
Néanmoins, le rapport rappelle que la LCEN contient une disposition permettant de mieux lutter contre les contenus illicites. En effet, l’article 6 de la LCEN dispose que les hébergeurs ont l’obligation « de rendre publics les moyens qu’elles consacrent à la lutte contre ces activités illicites. »
Or, comme le souligne le rapport, certaines décisions de justice ont élargi la responsabilité des hébergeurs en se fondant sur l’idée selon laquelle les hébergeurs ne mettent pas en œuvre les moyens que leur « puissance et leur technique » leur permettent de mettre. En d’autre terme, les moyens mis en œuvre par les hébergeurs n’atteignent pas un niveau suffisant à la lutte contre les contenus illicites, eu égard à l’efficacité des moyens auxquels ils ont accès.
À cet égard, le rapport souhaite que, pour remédier à ce problème, « des dispositions législatives viennent préciser les éléments à communiquer, les voies de communication » dans l’hypothèse où les hébergeurs ne rendrait pas spontanément public les moyens qu’ils mettent en œuvre. Pour le rapport, il serait même souhaitable qu’au-delà de la lutte contre les contenus odieux, cette obligation de publicité des moyens mis en œuvre s’élargisse « aux atteintes aux intérêts privés, qu’il s’agisse de diffamation, de droits d’auteur ou de contrefaçon ».
La rédaction du Village
Source :
pré-version du rapport d’information sur la mise en application de la LCEN disponible sur la Gazette du net
Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique


