Introduction.
Notre étude se focalise sur la validité du contrat de location dont la durée maximale est de 3 ans et les conséquences de son expiration. Elle fait une analyse de la valeur juridique d’un contrat de location foncière expiré dont le détenteur n’a pas pris le soin du renouvellement dans le délai imparti par la loi foncière.
Notre regard sur la question de l’expiration du contrat de location foncière dans les milieux urbains n’est pas un fait de hasard. C’est bien une réalité palpable qu’il faudra prévenir le plus vite possible et qui met en insécurité juridique la société et l’Etat congolais dont l’expansion nécessite une bonne étude au regard du droit foncier positif.
L’article 17, alinéa 1er de l’Ordonnance Loi no 74-148 du 2 juillet 1974 portant mesure d’exécution de la loi no 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régimes fonciers et immobiliers et régime des sûretés, dispose que « tout bail précise le terme pour lequel il est conclu ». L’alinéa 2, de la même Ordonnance précise que « toute tacite reconduction est exclue ».
Telle est l’économie soulevée aussi par l’article 13 des clauses contractuelles qui dispose dans le même esprit qu’à l’expiration du présent, contrat si le locataire n’a pas encore entamé la mise en valeur et qu’il n’a pas formulé la demande de renouvellement suivant les dispositions de l’article 17 de l’Ordonnance 74/148 du 2 juillet 1974 portant mesure d’exécution de la loi foncière, le terrain fait retour d’office dans le domaine privé de l’Etat ( Art. 17, Ordonnance Loi n°74-148).
Le législateur congolais avait déjà prévu qu’au cas où la mise en valeur ne serait pas entamée, le locataire perdrait tous ses droits sur le terrain loué par l’Etat durant les trois années et serait tenu au paiement de retard de loyer au cas où il n’avait payé.
Notre étude s’intéresse à la problématique des contrats expirés détenus par plusieurs occupants ayant légalement perdu les droits de jouissance sur le fonds alors qu’ils ont satisfait aux obligations de mise en valeur.
Ainsi, placée, les réflexions sur l’analyse critique, le contrat de location expiré, c’est mener une autopsie sur les résultats que procure cette expiration, s’ils sont bons ou mauvais en comparant la réalité sociale à la réalité légale. La réalité légale nous a poussés à comprendre comment s’en tiennent les organes étatiques et juridiques vis-à-vis des cas de contestation présentés à leur portée.
I. Généralité sur le contrat d’occupation.
Sur le plan immobilier, l’Etat congolais ne considère que le contrat en cours de validité et le titre légalement établi par une autorité compétente. Ainsi, toute occupation sans ces titres énumérés par le législateur est passible des peines. Pourtant, plusieurs personnes sont détentrices des contrats de location foncière déjà expirés (Art. 204, Loi n˚73-021 du 20 juillet 1973).
En effet, l’exclusion de la tacite reconduction insérée dans les clauses contractuelles met les parties aux contrats en une mise en demeure préalable pendant la période de validité du contrat. Une fois que le contrat arrive à terme, les parties sont d’office déliées.
Cette disposition en droit foncier congolais est particulière au regard d’autres types de contrats pour lesquels, à leur expiration, les parties conviennent à une reconduction tacite tant que l’une des parties n’a pas évoqué l’expiration du contrat. Tel est, par exemple, le cas des contrats en matière des droits du travail ou de bail à immeubles. Lorsque, dans ce dernier cas, le bailleur n’invoque pas la fin du contrat, le locataire continue à occuper la maison et reste lié à l’ancien contrat de location.
C’est donc l’occasion de relever l’insécurité juridique qu’occasionne l’expiration du contrat de location foncière pendant que les détenteurs qui, légalement, ne sont plus liés à l’Etat ont satisfait à l’obligation principale de mise en valeur suffisante du terrain loué.
Nous pouvons, cependant, faire remarquer que lorsque l’Etat congolais ne parvient pas à octroyer la concession, et que l’ancien détenteur ne sollicite pas le passage à la concession comme dispose la loi foncière ; il y a un vide juridique qui se crée sur le plan des droits en ce sens que l’Etat congolais ne reconnaît aucun droit à l’occupant et que, par conséquent, l’occupation est imputée irrégulière (Art. 144, Loi n˚73-021 du 20 juillet 1973).
Cette irrégularité sur le plan pratique n’étant pas constatée par l’administration de tutelle, on enregistre en conséquence un nombre croissant de cas en rapport avec notre étude. Ce qui ouvre la voie à une insécurité juridique de grande envergure. Que faire alors pour combattre l’insécurité juridique dans laquelle les détenteurs des contrats expirés sont exposés pendant qu’ils ont déjà précédé à une mise en valeur suffisante qui répond à l’occupation effective du fonds loué de l’Etat Congolais ?
Pour mieux rencontrer cette préoccupation, il nous a fallu des stratégies regroupées en trois pôles ; à savoir : la loi foncière comme émettrice des règles, l’administration foncière représentée ici par le conservateur des titres immobiliers en sa qualité de gestionnaire de la circonscription tenu à faire appliquer cette loi, et enfin, les juges qui sont censés interpréter la loi en cas des litiges fonciers, les ex-locataires ou les détenteurs de contrats expirés qui sont censés observer la loi dans son intégralité, car il n’y a pas de lois sans destinataires.
De ce fait, il faut qu’il y ait harmonie entre ces acteurs. Que peut-on faire au niveau de la loi, que peut-on proposer sur l’administration foncière et la justice, que peut-on réguler pour que les détenteurs des contrats expirés ayant satisfait aux obligations exigées de mise en valeur puissent bénéficier de leurs droits de propriété immobilière, et ne pas sécuriser ceux qui n’ont pas encore terminé leurs mises en valeur.
I.1. Les effets du contrat de location foncière.
Un contrat de location foncière ne produit des effets que quand il porte la signature de l’autorité compétente et qu’il cesse avec l’expiration du terme. Il ne peut se voir reconduire que par le renouvellement, aux conditions relatives qu’il y ait un début de mise en valeur. Cependant, notre approche sur le constat effectué lors de nos descentes sur terrain, fait que les locataires n’observent pas les obligations contractuelles parce qu’ils sont protégés par l’administration elle-même, où ils sont ignorants du fait que ces derniers ont la possibilité de morceler ou de céder moyennant un prix à d’autres personnes. Les personnes qui les sollicitent peuvent, sans consulter l’autorité compétente, passer des cessions sans l’autorisation préalable de l’administration foncière. L’article 12 des clauses contractuelles qui consacre la résiliation d’office, n’accuse aucune importance.
A ce sujet, en dehors de l’unique cas relevé ci-haut, aucune demande de résiliation volontaire n’a été adressée à l’administration. Par contre, les cas de résiliation par l’administration foncière dont nous avons pris connaissance ont fait l’objet de contentieux entre l’Etat et les locataires qui n’ont pas respecté les obligations contractuelles et qui, se disant être encore en droit malgré leur faute ou leur négligence ont, sans introduire au préalable un recours administratif ou hiérarchique, porté l’affaire devant les instances judiciaires. Les cas que nous avons relevés montrent à suffisance que les litiges portés devant les Cours et Tribunaux sont en nombre croissant.
I.2. Recours administratifs.
Pour les recours administratifs, l’Etat congolais a réglé la question en accordant des attributions spécifiques à chaque ministère. Pour des raisons de commodité, chaque ministère a une administration qui lui est propre. Ainsi, le ministère des affaires foncières a, en République Démocratique du Congo une administration dont l’organisation administrative est sous l’autorité d’un Secrétaire Général. Elle est subdivisée en directions qui fonctionnent au niveau national et en divisions installées dans la ville province de Kinshasa et dans toutes les provinces sur l’étendue du territoire national. La direction des contentieux fonciers et immobiliers au niveau national est celle qui est en charge de règlement de tous les litiges soumis par les personnes lésées dans leurs droits et qui sont en droit d’introduire un recours administratif. Ce service, selon l’organigramme du ministère des affaires foncières, revêt une triple juridiction comme celle devant les Cours et Tribunaux (Art. 223 de la Loi n˚73-021 du 20 juillet 1973).
L’organisation de cette administration est telle que les contentieux fonciers et immobiliers sont traités en premier instance par le bureau au niveau d’une circonscription foncière comme première instance, la deuxième instance étant la direction du contentieux foncier et immobilier au niveau national. La troisième instance, elle, relève du recours auprès du ministre.
Pour éradiquer les conflits fonciers, le chef de l’administration avait par sa note circulaire du 16 mars 2013, crée une commission ministérielle chargée d’émettre les avis obligatoires sur les résolutions prises par les services en cas de conflit. Bien que cette commission eût été créée pour raccourcir les procédures, en donnant aux requérants la possibilité de suivre l’unique voie de recours à la seule possibilité administrative, souvent disposant en mal les assujettis devant les cours et tribunaux contre la réputation des services des affaires foncières qui étaient les seuls à examiner les dossiers (Note circulaire N˚003/CAB/MI/AFF.FONC/2013).
A cette époque, l’objectif du Gouvernement, était de créer un organe chargé de connaître les conflits avant leur transmission devant les Cours et Tribunaux, comme cela est le cas à l’inspection générale du travail. Cet organe était chargé, selon les initiateurs, de juger de l’opportunité de transférer un dossier foncier à la cour.
Quoique cette idée ait été novatrice, et même salvatrice, cette commission créée au niveau national, malheureusement n’avait jamais vu le jour en province. Ce qui n’avait pas facilité l’épanouissement de cette structure qui revêtait un caractère très important pour le règlement des litiges dont le nombre ne faisait que croître devant les Cours et Tribunaux.
D’une manière formelle, les attributions des fonctionnaires appelés à animer ces bureaux recommandent à ces derniers d’être détenteurs des diplômes de licence ou de doctorat en droit, ou d’avoir des connaissances avérées de droit, avoir la maîtrise de la Loi foncière en vue de s’acquitter correctement de leurs fonctions qui appellent une collaboration directe avec les instances judiciaires.
Comme les dispositions de la Loi les préconisent, certaines incohérences ou erreurs commises par l’administration pendant l’exercice des fonctions des animateurs, peuvent être examinées aux bureaux du contentieux. Les examens des réquisitions de services ou d’informations ayant un caractère litigieux adressés au conservateur dans une circonscription sont aussi des matières exclusivement traitées par ces bureaux.
Etant au centre des conflits, l’administration foncière a un rôle important à jouer dans la résolution des conflits, car elle est censée éclairer la lanterne du juge. De ce fait, son implication s’avère incontournable dans la résolution de certains conflits qui l’obligent à intervenir en qualité d’expert avisé. Parfois, la sauvegarde de bons rapports que ces bureaux établissent est indispensable dans la prévention des conflits pour l’équilibre de la paix sociale.
L’implication de ces bureaux au sein de l’administration foncière est perçue comme l’arbitrage pour ramener l’harmonie entre les parties en litige. En tant qu’arbitre des conflits, les chefs des bureaux en charge des contentieux fonciers et immobiliers sont tenus à maîtriser les dispositions légales.
Malheureusement, les chefs de bureaux des contentieux des trois circonscriptions foncières qui fonctionnaient de façon indépendante et qui étaient appelés pour exercer ces fonctions sont des agents sélectionnés sur le tas, sans aucune formation en droit alors que beaucoup de cadres universitaires bien formées et ceux de l’ENCTI sont sans emploi.
La politisation de l’administration foncière, avait engendré une pratique de remplacement des fonctionnaires statuaires par les nouvelles unités et qui se nourrit du clientélisme politique presque généralisé par des recrutements pléthoriques des membres des partis politiques à chaque changement de Ministres. Ces recrutements improvisés et non programmés par la fonction publique mettent en déséquilibre le personnel qualifié au profit de personnel non qualifié.
Cette dévalorisation de l’administration foncière a entraîné une inefficacité des cadres appelés à diriger certains bureaux et qui, au niveau central à l’intérieur du pays traitent les conflits sans aucune maîtrise du Code foncier. Ces agents non expérimentés sont responsables de beaucoup de problèmes que connaît cette administration tant dans les procédures prévues par la Loi que dans le retard pour le traitement de dossier, qui engendrent des abus dans la gestion de la chose publique.
Par ailleurs, lorsque les cours et tribunaux tranchent les conflits, une taxe est régulièrement perçue au compte du trésor public ; mais lorsque c’est le l’administration qui les tranchent, aucune taxe n’est perçue. Cela signifie que le bureau du contentieux foncier et immobilier ne génère pas de recettes domaniales.
II. Analyse juridique.
L’évaluation de l’application de la loi par les animateurs reste à déplorer par le fait que l’inobservance des règles édictées n’est plus à démontrer. Il en est de même des revirements jurisprudentiels dans les prises des décisions par les juges, du silence de l’Etat congolais lui-même et celui des requérants qui avaient contracté avec ce dernier, qui demeurent dans une insécurité juridique croissante qui, à la longue, pourrait, créer un malaise social de grande envergure.
L’insécurité juridique se manifeste par le fait que ceux qui ont satisfait aux obligations de mise en valeur ne se sentent plus concernés par quoi que ce soit, même pas par le paiement des taxes dues, s’investissant seulement à revendiquer leurs droits de propriété immobilière, garantis par le constituant congolais (Art. 34 de la Constitution du 18 Février 2006).
Au regard de la loi foncière congolaise, le contrat de location qui arrive à son terme, c’est-à-dire qui va au-delà du terme indiqué, est considéré comme n’ayant pas existé, rendant ainsi l’occupation du terrain illégale (Art. 145, al. 1, Loi n˚73-021 du 20 juillet 1973).
Qu’il soit à cette fin loisible de renforcer les garanties de protection de cette propriété immobilière que renferment les prescrits de l’article 648 du Décret-Loi du 30 juillet 1888 portant des contrats et des obligations conventionnelles en matière de la prescription immobilière, à l’instar des Droits burundais et rwandais qui, à notre avis, protègent de manière efficace le concessionnaire dans ses droits.
Ce n’est qu’avec le renforcement de la protection que le législateur congolais peut prétendre pallier aux différentes confusions qui règnent dans l’esprit de plusieurs juristes qui entrent en contradiction avec ce droit de propriété immobilière pourtant garanti et consacré par les textes légaux précédemment évoqués.
Dans ce nouveau cadre, nous adoptons la position de ceux qui croient que l’article 648 écarte le risque de voir un propriétaire originaire être privé de son droit qui lui est reconnu sur l’immeuble. A cet effet, il est donc impérativement souhaitable de renforcer ladite disposition afin d’expliciter juridiquement son bien-fondé.
Néanmoins, dans le souci de mieux protéger l’acquéreur de bonne foi contre toute malhonnêteté, le Droit congolais proclame, à travers l’article 650 du Décret-loi du 30 juillet 1888 portant contrats et obligations conventionnelles, que la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. Cette disposition montre comment un propriétaire, bien qu’il soit originaire, peut se retrouver dans une situation où il est invité à exhiber pour chaque revendication, la preuve qui n’est pas toujours aisée pour lui.
En somme, l’Administration ne considère pas l’expiration du contrat de location comme un facteur qui s’offre aux dispositions de la Loi foncière. Ce manquement n’est ni plus ni moins une négligence de cette administration et, particulièrement, de l’administration que nous avons observée durant une longue durée. Il importe, par ailleurs, de souligner que le transfert des contrats s’effectue comme si la loi n’existait pas, ouvrant ainsi la voie au transfert des contrats expirés sans examen préalable de leur validité. Il en est de même des avenants qui, sans incidence sur les opérations formelles passent des bureaux du secrétariat du Conservateur des Titres Immobiliers et du bureau du domaine foncier.
Au reste, l’expiration des contrats de location foncière occasionne une instabilité des droits des détenteurs qui crée ainsi une insécurité juridique criante pour ceux qui, d’une part, ont répondu aux conditions de mise en valeur du fonds concédé en jouissance par l’État Congolais et qui, d’autre part, qui doivent bénéficier d’un passage à une autre concession prévue à l’article 144 alinéa 2 de la loi foncière qui consacre l’établissement des droits envisagés par le titre 1er de la troisième partie de la Loi foncière.
Conclusion.
Notre travail s’est focalisé sur la recherche des voies et moyens pour vaincre l’insécurité juridique de détenteurs des contrats expirés ayant rempli les conditions de fond et forme. Après avoir consulté quelques dispositions légales et sur une analyse critique de la location foncière expirée en milieu urbain pour laquelle l’insécurité juridique des droits des occupants ayant satisfait aux obligations de mise en valeur suffisante ne sont plus à démontrer et au regard du droit foncier Congolais qualifié de révolutionnaire par certains doctrinaires et chercheurs, du fait qu’il proclame l’exclusivité de la propriété du sol par le seul l’Etat Congolais en même temps que le droit de propriété immobilière d’une façon individuelle et collective, notre étude se démarque des précédentes par le fait qu’elle lutte pour la reconnaissance du contrat expiré qui remplit les conditions requises pour qu’il puisse procurer les droits de jouissance du fonds et de l’immeuble par le mécanisme légal établi par le droit foncier Congolais.
Le but poursuivi étant la protection juridique des droits de jouissance du fonds et de propriété immobilière que le législateur a bien règlementés.
Etant au centre des conflits, l’administration foncière a un rôle important à jouer dans la résolution des conflits, car elle est censée éclairer la lanterne du juge. De ce fait, son implication s’avère incontournable dans la résolution de certains conflits qui l’obligent à intervenir en qualité d’expert avisé. Parfois, la sauvegarde de bons rapports que ces bureaux établissent est indispensable dans la prévention des conflits pour l’équilibre de la paix sociale.
L’implication de ces bureaux au sein de l’administration foncière est perçue comme l’arbitrage pour ramener l’harmonie entre les parties en litige. En tant qu’arbitre des conflits, les chefs des bureaux en charge des contentieux fonciers et immobiliers sont tenus à maîtriser les dispositions légales.
Bibliographie.
- Ordonnance Loi n°74-148 portant mesures d’exécution de la Loi n° 73-021 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés.
- Loi n˚73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés, telle que modifiée et complétée par la Loi n˚ 80-008 du 18 juillet 1980.
- Note circulaire N˚003/CAB/MI/AFF.FONC/2013.
- Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 Février 2006 telle que modifiée et complétée par la Loi n° 11/002 du janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la RDC.


