C’est à pas feutrés que les actes additionnels sont apparus dans la littérature du droit communautaire de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Lorsque les auteurs ont pris conscience de l’intérêt que pouvaient susciter des études scientifiques sur ces actes juridiques [1], ils s’étaient déjà étendus à plusieurs organisations africaines d’intégration [2].
Ainsi, avec la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) [3] et la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) [4], l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) est l’une des organisations régionales d’intégration africaine qui recourent aux actes additionnels dans leur ordre juridique. Mais à la vérité, les actes additionnels sont la résultante de l’esprit novateur des États membres de l’UEMOA.
En effet, avec le traité de l’Union du 10 Janvier 1994, les États membres [5] ont, au-delà d’innovations matérielles [6], consacré l’adoption d’un acte juridique communautaire inédit [7] qui va bouleverser ultérieurement les débats sur le processus d’intégration en Afrique de l’ouest [8].
Des années après leur consécration, les actes additionnels ont fini par parfaitement retenir l’attention de la doctrine [9]. C’est leur caractère « atypique » [10] qui a particulièrement accroché la communauté scientifique. La curiosité était grande, surtout qu’à l’évidence, « c’est le mouvement naturel du chercheur scientifique devant toute hypothèse nouvelle » [11].
Ainsi, à partir de 1999, des chercheurs ont entamé des analyses portées sur la nature juridique des actes additionnels. Sur cette base, les actes additionnels sont désormais bien connus dans la littérature du droit communautaire ouest africain. Du moins, c’est ce dont on est tenté de croire, car, en vérité, d’énormes points d’ombre restent à éclaircir sur le régime juridique de ces actes qui ont eu, dès leur consécration, un impact considérable tant sur la perception que sur le développement de l’ordre juridique communautaire l’Union [12]. En effet, comme avait pu le souligner Robert Yougbaré, la qualification d’acte hybride [13] trouvée par les chercheurs pour caractériser les actes additionnels ne satisfait guère la curiosité du juriste car des questions restent pendantes, notamment celles de ses rapports avec le traité et les protocoles de l’Union, sa justiciabilité, son régime procédural, etc. [14].
La justiciabilité ou la contestabilité reste l’objet d’étude le moins exploité par la doctrine [15]. Justement, la présente étude se destine à étudier la question de la contestabilité des actes additionnels de l’UEMOA.
L’UEMOA est de prime abord une organisation internationale [16].
Sur cette base, elle constitue un groupement d’États [17] crée par traité [18], disposant d’une personnalité juridique [19] distincte de celle de ses membres et d’organes propres qui agissent pour atteindre les buts de l’organisation [20]. Dans un autre sens, l’UEMOA est une organisation d’intégration [21] africaine [22].
À ce titre, elle s’annonce comme le résultat du processus de régionalisation entamé ces dernières années [23].
Au-delà, il est apparu ces dernières décennies plusieurs organisations d’intégration [24] qui pour la plupart sont marquées par un fort emprunt mimétique [25].
Ainsi, l’UEMOA est à la base une « symétrie imparfaite » [26] de l’Union Européenne [27].
Nous pouvons alors soutenir avec Piabié Jean-Baptiste Bako que le spécialiste en droit européen [28] qui décide de s’intéresser au droit communautaire ouest africain ne sera pas dépaysé, car il se rendra vite compte que la nomenclature des actes communautaires ouest-africains est quasi-identique à celle de l’Union Européenne (UE), avec une reprise des définitions du Traité de Rome [29].
Dans la construction de son ordre juridique, l’UEMOA et tout son système normatif s’est fondé sur les assises du droit communautaire général. Puis, elle s’est inscrite dans un processus de développement couplé à un processus d’autonomisation de son ordre juridique par l’ajout des actes additionnels à sa nomenclature d’actes typiques [30].
Suivant les formulent du Professeur Jean Salmon, la notion « d’acte » peut avoir diverses significations [31]. Dans un sens, elle est entendue comme une action, une activité. Dans un autre sens, la notion « d’acte » s’appréhende sur un aspect juridique. Le Professeur Jean Salmon indique à cet effet que l’acte peut avoir la signification d’acte juridique. Or pour lui, l’acte juridique est défini au plan matériel comme « la manifestation de la volonté susceptible de produire des effets de droit » [32]. Au plan formel, l’acte juridique se conçoit comme un « écrit constatant un acte juridique » [33].
La notion « d’additionnel » quant à elle, est un adjectif qui découle de la notion « d’addition ». « L’addition » signifie au sens courant : « action d’ajouter les uns aux autres des éléments de même nature » [34]. Le professeur Gerard Cornu partage, à bien des titres, cette conception de la notion dans son ouvrage portant sur le Vocabulaire Juridique.
On peut ainsi lire, s’agissant du terme « addition », qu’il correspond à une « mention modificative, complémentaire ou explicative ajoutée en marge ou au bas d’un acte » [35].
Dès lors, on peut inférer de ce qui précède que la notion « d’acte additionnel » doit être entendue comme un acte juridique destiné à compléter ou à être ajouté à un acte pour faire corps avec celui-ci. Sur ce fondement, on peut donc inclure dans cette notion d’acte additionnel, le protocole additionnel qui est « un accord entre États (…) qui complète un accord précédent » [36].
Seulement, à la différence des protocoles additionnels au traité institutif de l’Union, les actes additionnels ne nécessitent aucunes mesures de transposition dans les ordres juridiques internes. En effet, suivant la substance du traité institutif de l’UEMOA, les actes additionnels sont des instruments juridiques de l’Union [37]. Ainsi l’article 42 du Traité de l’UEMOA stipule que « pour l’accomplissement de leurs missions [...] la Conférence prend des actes additionnels conformément aux dispositions de l’article 19 ». Il suit clairement de là que les actes additionnels de l’UEMOA sont des actes juridiques unilatéraux, de portée obligatoire et complétant le traité institutif de l’UEMOA du 4 janvier 1994. Ils sont avant tout des instruments juridiques, des normes dérivées de droit communautaire.
De façon littérale, la contestabilité renvoie directement à la notion « contestable ».
Selon le Dictionnaire juridique de Catherine Puigelier est contestable ce qui est « susceptible d’être contesté, de faire l’objet d’un différend notamment devant une juridiction » [38]. De ce qui est du Vocabulaire juridique de Gérard Cornu, la notion peut s’entendre suivant deux acceptions. Dans un sens, c’est ce qui peut, « juridiquement, être contesté, discuté en justice, se dit d’un acte, d’un titre, d’une situation juridique dont la contestation est recevable, fût-elle, après examen, déclarée mal fondée » [39].
Dans un autre sens, la notion suppose ce qui est, « en fait, discutable et sujet à controverse, soit dans l’ordre de la preuve parce que douteux, incertain, mal établi soit dans tel ou tel ordre de valeur dans son fondement juridique, moralement, en équité, en opportunité, etc » [40]. Il suit clairement de là que la notion de contestabilité, prise dans le contexte de la présente étude, s’analyse essentiellement en une éventualité ou possibilité qui rendrait contestable, donc ouvrirait cours à des revendications à propos de la validité des actes additionnels adoptés par la Conférence des chefs d’États et de Gouvernement, tant devant le juge que devant les organes administratifs de l’Union.
En effet, bien que les actes additionnels soient prévus par le traité comme des actes de législation adoptés sur le fondement de l’article 19 du traité, la CJUEMOA, dans un avis du 25 novembre 1999 avait indiqué que « l’acte additionnel en tant qu’acte unilatéral, bien qu’il soit pris par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, n’en constitue pas moins un acte de droit dérivé hiérarchiquement inférieur au Traité, et ne saurait en aucun cas se substituer à celui-ci, mais plutôt le compléter dans son application sans le modifier dans sa lettre ou dans son esprit » [41].
On infère de là qu’au sens de la jurisprudence communautaire l’acte additionnel se présente comme un acte assimilable aux actes de droit dérivé communautaire. Cela implique que le contrôle légalité des actes additionnels est recevable par le juge communautaire de l’UEMOA. Il s’en suit que la doctrine se doit de réactualiser son étude du droit communautaire de l’UEMOA en mettant l’acte additionnel au cœur des différends cadre d’étude. Seulement, ces approches doctrinales restent indécises et imprécises, et contribuent à renforcer la complexité de l’étude de la contestabilité des actes additionnels imaginés par l’UEMOA dans son ordre juridique communautaire.
Dans une étude dédiée au régime des normes communautaires le professeur a laissé entendre que « (…) le membre de phrase de l’article 19 du traité de l’UEMOA « complètent le traité sans le modifier » conduit à vouloir assimiler les actes additionnels aux lois organiques que l’on connaît au droit interne des Etats de la communauté » [42].
Pour Robert Yougbaré cette acception tend à soustraire les actes additionnels de tout contrôle [43]. Il s’ensuit qu’un flou demeure non seulement sur cette possibilité de contestation des actes additionnels mais aussi sur les voies ou techniques de contestation des actes additionnels. C’est en cela que réside l’intérêt d’un tel sujet.
Justement, la présente étude s’annonce comme un appui à l’effort de la doctrine d’apporter un éclaircissement plus étendu sur ces actes atypiques et plus particulièrement sur leur contestabilité. Jusqu’à présent, la doctrine communautaire s’est relativement peu intéressée à la contestabilité des actes additionnels. Au-delà, cette étude est d’actualité et celle-ci qui réside dans l’adoption multiple d’actes additionnels dans l’ordre juridique communautaire de l’UEMOA. Notre travail se propose donc de combler ce vide doctrinal et d’ouvrir, au demeurant, le chemin pour un nouvel horizon des études scientifiques menées sur et autour des actes additionnels de l’UEMOA. Pour ce faire, le recours au texte en vigueur dans l’Union et à la jurisprudence seront principalement recherchés. La doctrine permettra accessoirement de conduire notre démonstration.
Tout ceci étant posé, on est amené à s’interroger comme suit : les actes additionnels, en tant qu’actes unilatéraux de portée obligatoire, peuvent-ils être sujets à des contestations de la part des particuliers ?
En guise de réponse à cette question, nous formulons l’hypothèse selon laquelle, dans l’accomplissement de ses missions, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, agissant conformément aux prescriptions du traité instituant l’Union, adopte des actes additionnels contraignants qui ont tendance à faire grief aux destinataires. Sur cette base, le protocole additionnel 1 et la jurisprudence de la Cour de Justice ouvre la voie à une contestation contentieuse par la voie du recours en appréciation de légalité (I) devant la Cour de Justice de l’UEMOA (II).
I. Une contestabilité par la voie du recours en appréciation de légalité.
Le recours en appréciation de légalité est l’un des mécanismes de contrôle les plus répandus dans les organisations d’intégration régionale. De l’Union Européenne aux organisations d’intégration africaine, ce sont les traités qui le consacrent et l’organisent.
En ce qui concerne l’UEMOA, c’est principalement le protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA qui le prévoit. La contestabilité des actes additionnels de l’UEMOA est exprimée par les textes (A). Au surplus, la CJUEMOA n’a pas manqué d’apporter des éclaircissements de ce qui concerne le recours en appréciation de légalité des actes additionnels. Ce qui traduit une certaine confirmation de la contestabilité explicite des actes additionnels de l’Union (B).
A. Une contestabilité exprimée dans les textes.
Les premiers doctrinaires à évoquer laconiquement la question de la contestabilité des actes additionnels ont conclure à une incontestabilité de ce type inédit d’acte communautaire [44]. Et pour cause, l’analyse du traité de l’Union laisse transparaitre que celui-ci ne prévoit pas expressément la contestabilité des actes additionnels devant la CJUEMOA. Du moins, c’est ce qui ressort dès les premiers alinéas de l’article 8 du protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.
En effet, il ressort de l’article 8 al. 1 dudit Protocole additionnel ceci : « Sur recours formé par l’Etat membre, par le Conseil ou par la Commission, la Cour de justice apprécie la légalité des règlements, directives et décisions ». Cela dit, la contestabilité des actes additionnels de l’UEMOA se confronte à deux obstacles majeurs. Dans un sens, les actes additionnels ne sont pas prévus par ledit alinéa 1 de l’article 8 du protocole additionnel I comme des actes contestables. Dans l’autre sens, une éventuelle contestation contentieuse d’une personne physique ou morale de droit privé, faite au moyen d’un recours en appréciation de la légalité des actes additionnels, ne saurait être reçue dans la mesure où il est ouvert uniquement aux États membres et à certains organes de l’Union.
La réduction à l’article 8 alinéa 1 de la solution à la question de la contestabilité des actes additionnels de l’Union emporte un autre problème de droit. Celui d’une insécurité juridique qui est pendante et qui a fini par se consolider et être soulevée dans « la guerre institutionnelle » [45] qui a débouché sur la jurisprudence Yaï. De manière générale, les incertitudes liées au statut des actes additionnels sont de nature à consolider cette insécurité. Justement, Olé Alain Kam nous rappelait une situation qui ne peut être ignorée.
Pour lui, la pratique des actes additionnels a déjà montré qu’aucune matière ne semble échapper à son domaine d’investigation [46]. En effet, ajoute-il, « ils sont déjà intervenus dans des domaines aussi divers tels que nomination ou acceptation de la démission des Hauts fonctionnaires de l’Union, statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA, création d’un Fonds d’aide à l’intégration régionale des États membres de l’UEMOA… » [47].
On est alors tenté de dire que les personnes (physiques ou morales) de droit privé ne sont nullement protégées contre les actes additionnels. Dans un autre sens, le traité, dans ses stipulations, ne prévoit que la contestabilité des règlements, directives et décisions.
Seulement, l’alinéa 2 de l’article 8 protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA dresse un autre postulat qui débouche inéluctablement et indéniablement sur une contestabilité clairement exprimée des actes additionnels. En effet, suivant l’article 8 al. 2 du protocole additionnel n°1, « […] le recours en appréciation de la légalité est ouvert en outre, à toute personne physique ou morale contre tout acte d’un organe de l’Union lui faisant grief ».
Ceci dit, l’intégralité des actes juridiques dérivés adoptés par les organes de l’Union pour l’accomplissement de leurs missions peuvent faire l’objet d’un recours en appréciation de légalité. Or, l’article 42 du traité de l’Union dispose dans son entièreté ceci : « Pour l’accomplissement de leurs missions et dans les conditions prévues par le présent Traité : -la Conférence prend des actes additionnels, conformément aux dispositions de l’article 19 ; - le Conseil édicte des règlements, des directives et des décisions ; il peut également formuler des recommandations et/ou des avis ; - la Commission prend des règlements pour l’application des actes du Conseil et édicte des décisions ; elle peut également formuler des recommandations et/ou des avis ; - Le Parlement prend des actes dont le régime juridique est déterminé par le Traité portant création de cet organe » [48].
Il suit de là que les actes additionnels, au même titre que les règlements, directives et décisions, peuvent faire l’objet d’un recours en appréciation de légalité diligenté par toute personne physique et morale [49]. Subséquemment, la Cour de justice de l’UEMOA n’a pas hésité à tirer sa compétence pour procéder à l’annulation de différents actes additionnels [50].
B. Une contestabilité confirmée par la jurisprudence.
La Cour de Justice de l’Union ne s’est pas faite priée pour appliquer les dispositions de l’article 8 alinéa 2 du protocole additionnel 1. Les contestations d’actes additionnels les plus connues sont celles qui ont donné lieu à « l’imbroglio institutionnel autour de l’affaire Yaï » [51]. La Cour de Justice de l’UEMOA, en application de l’article 8 alinéa 1, a eu à annuler, dans ses arrêts n°03/2005 du 27 avril 2005 et n°1/2006 du 5 avril 2006, l’acte additionnel n°06/2004 du 15 novembre 2004 et l’acte additionnel n°01/2005 du 11 mai 2005.
Autrement dit, la Cour de Justice de l’Union a admis des recours en appréciation de légalité diligentés par une personne physique et dirigés contre des actes additionnels adoptés par la Conférence des Chef d’Etat et de Gouvernement, organe suprême de l’Union. Ainsi, la CJUEMOA, contrairement à une partie de la doctrine, reconnait que la contestabilité des actes additionnels est expressément prévue par les textes dont elle la charge d’interprétation [52] et d’application [53].
Dans les différentes affaires Yaï, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA avait procédé à la révocation de Monsieur Eugène Yaï en sa qualité de membre de la Commission de l’UEMOA. Or, suivant les dispositions du traité sur le statut et l’organisation de la commission de l’Union, « le commissaire ne peut être révoqué que par la Cour de Justice de l’UEMOA sur saisine du Conseil des ministres et pour faute lourde ou incapacité » [54].
Plus exactement, le requérant avait été remplacé par un autre commissaire aux termes d’un premier acte additionnel du 15 novembre 2004. Saisie par le requérant à qui l’acte additionnel fait grief, la Cour de Justice de l’UEMOA procédera à l’annulation dudit acte additionnel dans son arrêt du 27 avril 2005. En effet, pour la Cour, « la légalité de l’acte additionnel (…) peut être contrôlée par le juge communautaire » [55]. La Cour poursuit son argumentation en soulignant que cela est possible parce que « la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement est un organe de l’Union » [56] et « les actes additionnels à portée individuelle de la Conférence qui font grief sont attaquables devant la Cour de Justice de l’UEMOA (...) » [57]. Au demeurant, la Cour a pris la peine d’invoquer les dispositions de l’article 8 alinéa 2 du protocole 1.
Cette solution est pour le moins légitime et suffisamment justifiée. Par contre, pour y parvenir, la Cour de Justice de l’UEMOA établit une relativité en ce qui concerne la contestabilité. On retient alors que les actes additionnels de portée générale ne sont pas contestables par les particuliers, quand les actes additionnels de portée individuelle le sont devant la Cour. Tout compte fait, la conclusion est que le recours en appréciation de la légalité des actes additionnels de l’UEMOA est ouvert à toute personne physique ou morale contre tout acte additionnel de portée individuelle de l’Union lui faisant grief.
Seulement, il faudra que le requérant respecte une procédure contentieuse stricte qui est contenue dans les différents textes conventionnels et unilatéraux de l’Union.
II. Une contestabilité subordonnée à une procédure stricte.
La contestabilité contentieuse des actes additionnels commande une action sine qua non.
Il s’agit de la saisine de Cour de Justice de l’Union. Elle est la principale juridiction compétente pour connaitre des questions liées à la légalité des actes adoptés par les organes de l’Union. Seulement, à l’instar de toute juridiction nationale ou internationale, la saisine de la Cour de Justice de l’UEMOA requiert l’accomplissement de plusieurs règles de procédure. En effet, en même temps que les textes de l’UEMOA prévoient explicitement la contestabilité des actes additionnels, ils l’accompagnent d’un ensemble de règles de procédures que les requérants sont obligés de respecter au risque d’être déclarés irrecevables ou mal fondés en leurs actions. Ces règles tiennent au statut du requérant (A) et au caractère de l’acte attaqué (B).
A. Le respect de conditions tenant au statut de sujet de droit communautaire des requérants.
Les requérants doivent remplir un certain nombre de conditions tenant à leur statut de sujet de droit communautaire.
Un ensemble d’instruments normatifs de l’UEMOA pose les bases de ces conditions. Elles ne sont pas expressément prévues dans les dispositions mais peuvent être déduites de celles-ci. Le protocole additionnel 1 est la première fondation de cette architecture procédurale. En ce sens, l’analyse de ses dispositions permet de retenir en son article 8 alinéa 2 que le recours en appréciation de la légalité est ouvert « à toute personne physique ou morale contre tout acte d’un organe de l’Union lui faisant grief ». Il suit de là que le requérant doit préalablement avoir la capacité d’ester en justice.
Selon le Vocabulaire Juridique, cette dernière est : « l’aptitude à plaider en justice, à être partie (en nom) devant les tribunaux (capacité de jouissance) soit comme demandeur (capacité active), soit comme défendeur (capacité passive) » [58]. Plus exactement, le professeur Gerard Cornu conçoit la capacité à ester en justice comme l’aptitude à faire valoir soi-même ses droits en justice, à y être partie agissante comme demandeur ou défendeur sans être représenté par un tiers [59], « la question toute différente de la représentation par un auxiliaire de justice étant réservée » [60]. Au demeurant, la capacité à ester est fonction du statut, de l’âge ou encore du titre des parties. Mais elle ne peut valoir que si le requérant a un intérêt légitime à agir.
L’intérêt à agir est la principale cause de la saisine de la CJUEMOA. « Pas d’intérêt, pas d’action » ; en ce sens, l’action ne peut être déclarée recevable s’il fait défaut. En effet, selon le Vocabulaire Juridique, l’intérêt à agir est « l’importance qui, s’attachant pour le demandeur à ce qu’il demande, le rend recevable à le demander en justice (si cette importance est assez personnelle, directe et légitime) et à défaut de laquelle le demandeur est sans droit pour agir (pas d’intérêt, pas d’action) » [61]. En conclusion, toute personne, physique ou morale, de droit privé ou de droit public ne pourra saisir la Cour de Justice de l’Union que si elle arrive à justifier de ces deux éléments.
Ainsi, comme c’est le cas dans les ordres juridique interne des États membres, la charge de la preuve revient à celui qui fait la demande. Autrement dit, il reviendra au requérant de prouver sa capacité à ester devant la CJUEMOA ainsi que son intérêt à le faire. Dans ce même ordre d’idée, il convient dès lors de souligner que les dispositions communautaires ont expressément énuméré les personnes aptes à saisir la CJUEMOA.
De façon minimaliste, le protocole additionnel 1 précise que seules les personnes (physiques ou morales, de droit privé ou de droit public) ressortissantes des Etats membres peuvent introduire un recours en appréciation de légalité. À ceux-là, s’ajoutent les organes de l’Union qui devront, au même titre que les premiers, remplir un ensemble de conditions matérielles.
B. Le respect de conditions tenant au caractère de l’acte et au délai de saisine de la CJUEMOA.
Contrairement aux premières conditions, celles-ci s’analysent au fil de leur objectivité.
Elles n’ont aucun rapport direct avec le statut ou la qualité du requérant. Deux principales règles peuvent être dégagées.
La première condition consiste en l’existence d’un actes additionnels faisant grief. Suivant l’article 8 al 2 du protocole additionnel 1 « […] le recours en appréciation de la légalité est ouvert […], à toute personne physique ou morale contre tout acte d’un organe de l’Union lui faisant grief ». S’invitant comme un soutien à l’article 8 al 2 du protocole additionnel 1, l’article 15.2 alinéa 2 du règlement n° 1/96/CM portant Règlement des procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA dispose que le recours en appréciation de légalité est ouvert à : « toute personne physique ou morale, contre tout acte d’un organe de l’Union lui faisant grief ». Il s’infère de ces différentes dispositions que le recours est nécessairement conditionné par l’édiction, et donc la présentation d’un acte additionnel.
Par ailleurs, celui-ci doit fait grief à son destinataire.
La deuxième condition est relative à l’épineuse question du respect du délai de prescription du recours en appréciation de légalité. Il est un temps avant l’expiration duquel un acte ou une formalité doit être accompli, à peine d’irrecevabilité ou de forclusion. Dans l’espèce de la contestation des actes additionnels de l’UEMOA, c’est le Règlement n° 1/96/CM portant règlement des procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA qui précise le délai de saisine de la CJUEMOA d’un recours en appréciation de légalité. Suivant l’article 15.2 alinéa 3, « le recours en appréciation de la légalité doit être formé dans un délai de deux (02) mois, à compter de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance ». Le respect de ce délai bimensuel s’impose au requérant qui sera déclaré forclos s’il ne le respecte pas.
Ainsi, dans l’arrêt n°01/2001 Société des Ciments du Togo SA contre Commission de l’UEMOA, la CJUEMOA a considéré que « la requête en annulation devant la Cour de justice de l’UEMOA doit être établie en un original et autant d’exemplaires certifiés conformes que de parties en cause, le greffier pouvant inviter le requérant à régulariser son recours dans un délai qui ne peut excéder deux mois si la requête n’est pas conforme ». La Cour conclut des lors que « le requérant ayant transmis l’original de sa requête plus de deux mois après l’expiration du délai légal d’introduction de la requête, son recours doit être déclaré irrecevable » (CJUEMOA, Arrêt n° 01/2001, Société des Ciments du Togo SA c/ Commission de l’UEMOA).
Les réflexions sur la contestabilité des actes additionnels de l’UEMOA nous conduisent à deux constats dont la théorie communautaire africaine ne saurait légitimement faire l’économie d’une réflexion plus étendue. Il s’agit de prime abord de la justiciabilité avérée des actes additionnels de l’UEMOA devant la Cour de Justice de l’Union. En effet, nous avons abouti à une conclusion, pleinement justifiée et motivée, que les actes additionnels de l’UEMOA sont contestables devant la Cour de Justice de l’Union.
Aussi, ces réflexions conduisent inéluctablement à l’ouverture de l’étude des actes additionnels et du droit communautaire africain en lui-même vers une nouvelle dynamique : le droit administratif communautaire et les techniques non contentieuses y afférentes.