Au-delà des aspects techniques, il s’agit d’un véritable enjeu de souveraineté juridique. En redéfinissant les pouvoirs du juge d’appui, cette réforme entend rétablir l’équilibre procédural et éviter que des décisions à fort impact budgétaire ne soient prises dans l’ombre, sans garde-fous suffisants.
L’affaire Sulu, qui a vu une sentence arbitrale ahurissante de 15 milliards de dollars rendue dans des conditions controversées, illustre les dangers d’un système insuffisamment encadré. C’est pour éviter que ce type de contentieux ne se reproduise que cette réforme mérite d’être soutenue et amplifiée.
La France s’apprête à réformer pour la première fois depuis 14 ans son cadre juridique de l’arbitrage. Derrière ce qui pourrait sembler être un ajustement technique se cache un enjeu fondamental : redonner aux États une capacité de défense efficace face à des recours parfois abusifs, souvent extrêmement coûteux, intentés par des investisseurs privés.
Au cœur du projet : l’élargissement du rôle du juge d’appui, aujourd’hui cantonné aux seuls problèmes de procédure. Demain, ce juge pourrait intervenir lorsque l’une des parties se trouve en situation de faiblesse économique, afin de garantir un déroulement équitable de la procédure. Cette réforme permettrait d’éviter que des États, pour des raisons budgétaires, soient privés d’une défense solide face à des adversaires mieux armés juridiquement et financièrement.
L’affaire Sulu est un exemple éclatant de ces dérives. En 2022, un arbitre a condamné la Malaisie à verser 15 milliards de dollars à des héritiers autoproclamés d’un sultanat disparu, sur la base d’un traité remontant à 1878. L’arbitre avait été désavoué par la justice espagnole, mais a poursuivi la procédure à Paris, en contournant les décisions judiciaires. La sentence a provoqué un choc international, mettant en lumière les failles du système arbitral lorsqu’il n’est pas suffisamment encadré.
Depuis, la Malaisie a lancé plusieurs recours pour faire annuler la sentence, notamment devant la Cour d’appel de Paris. L’enjeu dépasse largement ce cas : il s’agit de préserver la souveraineté économique des États et d’éviter qu’une décision arbitraire ne mette en péril des finances publiques déjà sous tension.
En donnant au juge d’appui un rôle plus actif dans le contrôle des déséquilibres procéduraux, la réforme française peut devenir un modèle. Elle contribuerait à rétablir la confiance dans un système d’arbitrage qui, sans garde-fous, peut basculer dans l’instrumentalisation stratégique.
C’est une réforme nécessaire, qui défend non seulement l’État de droit, mais aussi l’équité dans la mondialisation juridique.


