I-La phase administrative
Exclusion faite des associations [4] qui l’accueillent, le renseignent et l’accompagnent dans diverses démarches, le demandeur d’asile est ici en relation avec différents services publics qui relèvent de l’administration active. Avec les uns, pour l’enregistrement de sa demande ; avec l’autre, pour son examen.
A – L’enregistrement de la demande
Le demandeur s’adresse à la plateforme d’accueil pour demandeurs d’asile (PADA), qui lui remet une convocation à se présenter devant un guichet unique (GUDA) [5]. Ce guichet regroupe les services de la préfecture chargés de l’enregistrement des demandes d’asile et ceux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) responsables de l’accueil et de l’hébergement des demandeurs d’asile.
Les services de la préfecture enregistrent l’identité du demandeur, prennent ses 10 empreintes digitales et procèdent à un entretien individuel destiné à retracer son parcours depuis son pays d’origine pour déterminer le pays responsable de l’examen de sa demande [6]. Il reçoit, outre l’attestation de demande d’asile valable un mois qui vaut autorisation de séjour [7]] et le guide du demandeur d’asile, le formulaire OFPRA. Comportant notamment son état civil, celui de sa famille et le récit des raisons qui l’ont contraint à quitter son pays (craintes de persécution, menaces pour sa vie, son intégrité physique, sa liberté etc.), ce formulaire est adressé à l’OFPRA dans un délai de 21 jours.
B- L’examen de la demande
Il convient de rappeler que l’Office français de protection des (OFPRA) est un établissement public doté de l’autonomie administrative et financière créé par la loi du 25 juillet 1952.
Placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur après avoir été sous celle du ministre des Affaires étrangères, il est administré par un Conseil d’administration [8] (comprenant 17 membres ayant une voix délibérative [9] et trois personnalités qualifiées [10] qui ne disposent pas d’une voix délibérative à l’exception des décisions relatives à l’établissement de la liste des pays d’origine sûrs [11]) et géré par un Directeur Général (nommé par décret du président de la République, sur proposition conjointe du ministre en charge de l’asile et du ministre des Affaires étrangères).
L’OFPRA exerce trois missions : l’instruction des demandes de protection ; la protection juridique et administrative des réfugiés statutaires et des bénéficiaires de la protection subsidiaire [12] ; le conseil dans le cadre de la procédure de l’asile à la frontière. Il rend, à ce dernier égard, un avis au ministre de l’Intérieur sur le caractère manifestement fondé ou non d’une demande d’autorisation d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile.
Les demandes d’asile sont instruites au sein de six divisions géographiques d’instruction [13] Elles [14] sont subdivisées en plusieurs sections, unités d’instruction, comprenant chacune entre 8 et 12 officiers de protection [15]. En fonction des dossiers, l’Office statue selon une procédure normale [16] ou selon une procédure dite accélérée [17].
L’OFPRA, sauf s’il déclare la demande irrecevable, convoque l’intéressé à un entretien. Il peut être assisté, s’il le demande, d’un interprète, d’un avocat rémunéré par lui ou du représentant d’un association agréée par l’Office.
La décision de l’OFPRA – octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, ou rejet de la demande – est notifiée à l’intéressé par courrier. Pour certains demandeurs d’asile, le parcours s’arrête ici, puisque le statut sollicité leur est reconnu. D’autres verront leur patience et leur témérité mises à rude épreuve, dès lors qu’insatisfaits, il leur faudra former un recours [18] contre la décision de l’OFPRA devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) [19].
II- La phase juridictionnelle
Deux juridictions sont susceptibles d’être (successivement) saisies : la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et le Conseil d’Etat.
A- Examen du recours par la CNDA
La Cour nationale du droit d’asile est une juridiction administrative placée sous l’autorité d’un président membre du conseil d’Etat désigné par le vice-président du Conseil d’Etat. C’est l’article 29 de la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 qui a retenu la nouvelle appellation, abandonnant ainsi l’ancienne Commission de recours des réfugiés de la loi du 25 juillet 1952 [20]. Elle comporte des formations de jugement comprenant chacune un président [21] et deux assesseurs [22]
La procédure devant la CNDA est écrite, inquisitoire et contradictoire. Par ailleurs, il est acquis depuis la décision du Conseil d’Etat, Aldana Barrena du 8 janvier 1982 que le juge de l’asile est un juge de plein contentieux. Plusieurs conséquences. D’une part, il appartient au juge « non pas d’apprécier la légalité de la décision qui lui est déférée, mais de se prononcer lui-même sur le droit des intéressés à la qualité de réfugié d’après l’ensemble des circonstances de fait et de droit établies à la date de sa décision, et même jusqu’à la date de lecture de celle-ci » (CE 19 nov.1988, Mlle B.,n°100288 ). D’autre part, les irrégularités de la procédure suivie à l’Office ne peuvent être invoquées à l’appui du recours sauf si une garantie essentielle est en cause, comme c’est le cas du droit du demandeur d’asile à un entretien personnel à l’office. Enfin, le juge de l’asile a le pouvoir d’accorder lui-même la protection internationale en substituant sa propre décision au refus de l’OFPRA [23].
La CNDA doit en principe statuer dans un délai de cinq mois. Ce délai est réduit à cinq semaines en cas de procédure accélérée [24].
Après l’enregistrement du recours, le dossier est confié pour une instruction contradictoire à un rapporteur. Il analyse le dossier à partir des éléments communiqués par l’Office et complétés par le recours, les mémoires et pièces versés au dossier.
A l’issue de l’instruction, le requérant (qui peut être est assisté d’un interprète [25]) et son avocat sont convoqués à une audience devant une formation collégiale [26] ou devant un président qui statue seul en application de l’article L.731-2 du CESEDA. Les débats ont lieu en audience publique, sauf si le requérant a demandé le huis clos ou si le président décide que l’audience se poursuivra hors la présence du public, lorsque les circonstances de l’affaire l’exigent. Il peut également interdire l’accès de la salle d’audience aux mineurs ou à certains d’entre eux.
La décision est lue en audience publique dans un délai de trois semaines environ après l’audience. A l’issue de ce délai, le sens de la décision est affiché dans les locaux de la cour. Le jugement est ensuite adressé aux parties, par voie postale. La lettre notifiant la décision indique les voies et délais de recours contre cette décision. La Cour peut soit rejeter la demande, soit accorder la protection subsidiaire ou le statut de réfugié [27]. Autrement dit, certains obtiennent satisfaction à l’issue de cette étape. D’autres devront encore attendre.
B- Recours contre la decision de la CNDA [28]
1- La décision de la CNDA peut être contestée devant la Cour elle-même, notamment par la voie du recours en rectification d’erreur matérielle. Ce recours peut être introduit par le demandeur (ou par l’OFPRA), lorsqu’une décision de la CNDA comporte une erreur matérielle, imputable à la juridiction, qui peut avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire. Tel est par exemple le cas lorsque la cour a commis une erreur dans le calcul du délai de recours et a considéré à tort le recours comme tardif ou encore lorsque que la formation de jugement a statué sans que les services de la cour ne lui aient transmis un mémoire dument enregistré auprès du greffe avant la clôture d’instruction. Il en va encore de même en cas de non concordance entre les motifs de la décision qui octroient la protection subsidiaire et le dispositif qui reconnaît la qualité de réfugié [29].
2- La décision de la CNDA peut faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat, qui vérifie la régularité de la procédure suivie et sanctionne les erreurs de droit. Le délai de recours est de 2 mois à compter de la notification de la décision de la Cour. Le Conseil d’Etat ne réexamine pas l’ensemble des éléments de l’affaire, mais seulement le respect des règles de procédure, l’absence d’erreur de fait et la correcte application du droit par le juge e de l’asile.
Si le Conseil d’Etat annule la décision, il peut renvoyer l’affaire devant la cour, qui doit alors se prononcer à nouveau sur l’affaire, mais il peut aussi décider de statuer lui-même définitivement sur l’octroi ou le refus de la protection [30]
Cette procédure peut être longue, eu égard aux délais de jugement du Conseil d’Etat, et coûteuse car le recours en cassation devant le Conseil d’Etat (pourvoi en cassation) doit être présenté par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation [31].