Le règlement intérieur du CSE : limites et portée juridique.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # réglement intérieur # comité social et économique (cse) # droit du travail

La réglementation du Comité Social et Économique (CSE) prévoit l’adoption d’un règlement intérieur pour définir ses modalités de fonctionnement et ses rapports avec les salariés.
Un arrêt de la Cour de cassation du 26 mars 2025 (n° 23-16219) vient préciser les limites de ce document stratégique en rappelant que les clauses ne peuvent pas aggraver les obligations légales et conventionnelles de l’employeur sans son accord.

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I. Le cadre juridique du règlement intérieur du CSE.

A. Un document obligatoire, mais sans sanction.

Le CSE doit déterminer, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et celles de ses rapports avec les salariés de l’entreprise pour l’exercice de ses missions [1].

Ce document revêt un caractère obligatoire, même si le comité n’encourt aucune sanction en ne l’établissant pas.

En pratique, ce document est essentiel pour fixer par avance les différentes règles de fonctionnement du CSE.

B. Procédure d’adoption et modification.

Le règlement intérieur est adopté par une délibération du CSE, ce qui suppose que la question de son adoption soit inscrite à l’ordre du jour de la réunion.

Le droit de vote est réservé aux élus titulaires et au président du comité.

Ce règlement peut à tout moment être modifié en suivant les mêmes règles.

Il n’a pas à être transmis à l’inspecteur du travail.

Il est généralement adopté lors de la première réunion suivant la création ou le renouvellement du CSE, bien que ce ne soit pas obligatoire.

C. Durée de validité.

Le règlement intérieur peut prévoir qu’à chacun des renouvellements du CSE, le comité nouvellement élu se prononce sur son maintien ou sur son remplacement.

En l’absence d’une telle clause, le renouvellement du comité ne rend pas caduc le règlement intérieur adopté par le précédent comité [2].

Le changement de dénomination sociale de l’entreprise ne rend pas non plus caduc le règlement intérieur de son comité [3].

II. Le contenu du règlement intérieur du CSE.

A. Les clauses obligatoires et facultatives.

Le règlement intérieur doit comprendre, à titre obligatoire, des clauses concernant les modalités de fonctionnement du CSE et de ses rapports avec les salariés, adaptées aux spécificités de l’entreprise ou de l’établissement concerné.

D’autres éléments doivent y figurer sous certaines conditions, comme des dispositions relatives aux procès-verbaux des réunions, à la commission santé, sécurité et conditions de travail, à la commission des marchés, aux comptes annuels du CSE et à son rapport d’activités et de gestion financière.

Le règlement intérieur peut également comporter des clauses facultatives concernant :

  • sa durée ;
  • le bureau du comité : composition, modalités de désignation, attributions ;
  • les modalités de la suppléance ;
  • les commissions du comité : constitution, missions, modalités et moyens de fonctionnement ;
  • la ou les personnes représentant le comité vis-à-vis des tiers ;
  • les moyens du comité : détermination et utilisation du local, personnel, matériel, modalités d’affichage ;
  • son financement : modalités de versement de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles, utilisation de la subvention de fonctionnement ;
  • les réunions d’information avec le personnel ;
  • les déplacements dans l’entreprise pour prendre les contacts nécessaires à l’accomplissement de la mission ;
  • la prise en charge des frais de déplacement et du temps de trajet.

B. Les limites au contenu du règlement intérieur.

Sauf accord de l’employeur, le règlement intérieur du CSE ne peut pas comporter de clauses lui imposant des obligations ne résultant pas de dispositions légales [4].

L’accord de l’employeur constitue un engagement unilatéral qu’il peut dénoncer à l’issue d’un délai raisonnable et après en avoir informé les membres de la délégation du personnel du CSE.

Un engagement unilatéral de l’employeur figurant dans le règlement intérieur du comité conserve sa nature juridique d’engagement unilatéral, de sorte que les avantages qu’il prévoit cessent de s’appliquer si un accord collectif ayant le même objet se substitue à cet engagement [5].

III. L’illicéité des clauses aggravant les obligations légales et conventionnelles de l’employeur.

A. La jurisprudence de la Cour de cassation du 26 mars 2025.

Dans son arrêt du 26 mars 2025, la Cour de cassation a rappelé que les clauses du règlement intérieur du CSE ne peuvent pas aggraver les obligations légales et conventionnelles de l’employeur sans son accord [6].

En l’espèce, le règlement intérieur du CSE d’un établissement soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières prévoyait que l’employeur verserait aux élus des indemnités de grand déplacement dans les mêmes conditions que l’ensemble des salariés.

La Cour de cassation a confirmé l’annulation de ces clauses en constatant qu’elles aggravaient les obligations légales et conventionnelles de l’employeur, sans son accord.

B. Les principes dégagés par la jurisprudence.

La Cour rappelle plusieurs principes essentiels :

Si l’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour les représentants du personnel [7], ce compris le paiement d’une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi, les sommes correspondant au remboursement de frais professionnels non exposés sont en revanche exclues [8].

L’indemnité de grand déplacement prévue par la circulaire applicable à l’entreprise ne pouvait pas se cumuler avec le bénéfice de dispositifs spécifiques de prise en charge des frais de déplacement, tels ceux prévus par l’accord collectif du 25 juillet 2017 qui prévoyait déjà la prise en charge des frais liés à l’exercice des missions des élus du CSE.

De plus, l’activité et les déplacements des élus du CSE ne répondaient pas aux conditions d’attribution de l’indemnité de grand déplacement prévues par la circulaire applicable, ce qui excluait toute discrimination fondée sur l’exercice d’un mandat électif.

C. Les conséquences du caractère illicite d’une clause.

L’employeur, ou tout membre du comité qui estime certaines clauses illicites, peut demander leur annulation au tribunal judiciaire.

L’employeur ne peut ni les modifier de lui-même, ni refuser de les appliquer, ce refus pouvant caractériser le délit d’entrave [9].

Le salarié peut, quant à lui, faire valoir devant le juge qu’une disposition illicite d’un règlement intérieur lui a causé un grief.

Peuvent être annulées les clauses fixant la date de la réunion périodique du comité [10], celles interdisant au président de participer au vote de désignation du secrétaire et du trésorier, ou celles obligeant l’employeur à convoquer aux réunions toute personne invitée par le comité [11].

Il en est de même de dispositions selon lesquelles le premier point de l’ordre du jour de chaque réunion intégrera les points non traités des réunions précédentes, que le secrétaire pourra se faire assister dans les mêmes conditions que le président ou que l’ordre du jour des réunions devra être transmis aux membres du comité 8 jours au moins avant la séance [12].

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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Notes de l'article:

[1C. trav. art. L2315-24, al. 1.

[2TGI Saint-Étienne 23-5-1980 n° 80-511.

[3Cass. soc. 2-5-1989 n° 87-41.828 D.

[4C. trav. art. L2315-24, al. 2.

[5Cass. soc. 8-1-2002 n° 00-12.252 FS-P.

[6Cass. soc. 26 mars 2025, n° 23-16219 D.

[7Cass. soc. 3 mars 2010, n° 08-44859.

[8Cass. soc. 17 janvier 2013, n° 11-17745.

[9Cass. crim. 10-7-1979 n° 78-91.623 P.

[10Cass. soc. 15-1-2013 n° 11-28.324 FS-PB.

[11Cass. soc. 22-11-1988 n° 86-13.368 P.

[12Cass. soc. 8-10-2014 n° 13-17.133 FS-D.

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