La doctrine et la jurisprudence exigent la réunion de deux conditions cumulatives pour qualifier une activité de marchand de biens [1] :
- d’une part, une intention spéculative c’est-à-dire l’intention de revendre avec profit. Cette condition s’apprécie par tous moyens au moment de l’acquisition des biens immobiliers et non au moment de la revente [2] ;
- d’autre part, le caractère habituel de l’activité qui se mesure principalement au regard du nombre et de la fréquence des opérations réalisées [3].
Ces deux conditions doivent être établies séparément : la répétition des opérations ne suffit pas, à elle seule, établir l’intention spéculative [4].
1. Critères jurisprudentiels de requalification.
a) Achat en vue de revente rapide [5].
Le Conseil d’État a jugé qu’une SCI qui achète un terrain dans le seul but de le revendre après y avoir réalisé des travaux de lotissement exerce une activité commerciale de marchand de biens.
Principe dégagé : lorsqu’une SCI achète un bien avec l’intention de le revendre à court terme pour en tirer profit, son objet devient commercial, peu importe sa forme civile.
b) Répétition des opérations d’achat-revente.
La requalification a été confirmée pour une SCI ayant procédé à plusieurs opérations successives d’achat et de revente d’immeubles, sans véritable volonté de gestion locative [6].
Principe : la régularité et la fréquence des opérations suffisent à caractériser une activité de marchand de biens.
Une SCI se livrant à des achats-reventes répétés est qualifiée de marchand de biens, l’intention spéculative étant établie dès l’acquisition et le caractère habituel reconnu par le nombre d’opérations réalisées. Par ailleurs, le caractère occulte de l’activité est également constaté.
La Cour Administrative d’appel vient de préciser que la répétition des achats-reventes combinée à une intention spéculative dès l’acquisition peut suffire à requalifier une SCI en marchand de biens [7].
c) Travaux de transformation importants avant revente [8].
La SCI qui achète un immeuble, le rénove en profondeur pour créer plusieurs logements, puis revend l’ensemble, exerce une activité de nature commerciale.
Principe : si la SCI intervient activement dans la transformation ou la valorisation du bien avant revente, elle agit comme un professionnel de la promotion immobilière.
d) Absence d’exploitation locative ou patrimoniale réelle [9].
Une SCI ayant acheté, divisé, rénové et revendu plusieurs biens sans les avoir loués ni conservés a été requalifiée en marchand de biens.
Principe : la courte durée de détention et l’absence de mise en location traduisent une intention spéculative initiale.
2. Conséquences de la requalification – rappel jurisprudentiel.
La qualification de l’activité en marchand de biens entraîne le passage forcé de la SCI à l’impôt sur les sociétés avec des conséquences lourdes :
- la SCI perd sa transparence fiscale et les bénéfices ne sont plus imposés directement entre les mains des associés mais au niveau de la société selon le régime de l’IS ;
- les plus-values de cession ne relèvent plus du régime des particuliers (CGI, art. 150 U et s.) mais du régime professionnel, moins favorable, sans abattement pour durée de détention et sans exonération au titre de la résidence principale.
Le Conseil d’État a confirmé que la requalification entraîne l’assujettissement de la société à l’impôt sur les sociétés et à la TVA immobilière, les opérations étant alors considérées comme des actes de commerce [10].


