La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 fixant les rapports entre bailleurs et locataires d’un bail d’habitation reflète le jeu d’équilibriste auquel s’est prêté, et se prête toujours, le législateur en matière de logement.
Trop favorable au locataire pour certains, insuffisante pour d’autre, force est de constater que cette loi répond toutefois à des problèmes concrets et que son application est strictement appréciée par les juridictions et surtout le juge des contentieux de la protection.
La cristallisation des tensions entre les intérêts du bailleur et ceux du locataire se forme fréquemment autour de la restitution du dépôt de garantie à la fin du bail lorsque le locataire a quitté les lieux.
Sur ce point, l’article 22 alinéa 3 de ladite loi dispose, quant au dépôt de garantie, que ce dernier : « Est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées. A cette fin, le locataire indique au bailleur ou à son mandataire, lors de la remise des clés, l’adresse de son nouveau domicile ».
La restitution du dépôt de garantie est une obligation de principe à laquelle est tenue le bailleur.
Concrètement, c’est au bailleur de prouver que les sommes qu’il entend retenir sur tout ou partie du dépôt de garantie sont justifiées [1].
Pour y procéder, il devra faire établir des devis chiffrés et précisant avec détail le coût des réparations. Toute somme retenue à titre forfaitaire étant sévèrement exclue [2].
A défaut, le bailleur peu diligent s’expose au paiement d’une indemnité correspondant à 10 % du montant du loyer (hors charge) pour chaque mois commencé en retard. Cette indemnité punitive résulte de l’article 22 alinéa 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
Elle est toutefois conditionnée au fait que le locataire ait communiqué à son ancien bailleur sa nouvelle adresse.
En pratique, un débat légitime peut exister sur la dégradation du logement, le locataire l’estimant légère, voire inexistante, et le bailleur la considérant comme intolérable.
C’est la comparaison entre l’état des lieux d’entrée et l’état des lieux de sortie qui permettra au juge de trancher sur l’imputabilité d’une dégradation au locataire ou non.
Etant précisé qu’un état des lieux non contradictoire est une preuve quasi nulle puisque la partie qui la soumet au juge se l’est faite toute seule. C’est parfois absurde mais c’est ainsi.
Du côté du bailleur, s’il souhaite conserver le dépôt de garantie, il devra dépenser du temps pour s’assurer qu’un état des lieux contradictoire a été dressé à l’entrée et à la sortie du locataire.
Il devra ensuite, en application des désordres constatés au sein de l’état des lieux, faire chiffrer précisément, suivant devis, le coût des réparations.
Si le coût des réparations est inférieur au montant du dépôt de garantie, il sera bien avisé de restituer au locataire le reliquat qu’il estime lui rendre et agira ainsi de bonne foi.
Il sera également bien avisé de ne pas retenir sur le montant du dépôt de garantie un montant correspondant à l’usure normale d’un logement (salissures et rayures tolérables eu égard à l’occupation normale du logement par le locataire).
Du côté du locataire, s’il souhaite récupérer son dépôt de garantie, on ne pourra que lui conseiller d’agir de bonne foi et d’assumer le coût de dégradations, même mineures.
À défaut de coopération ou d’accord avec le bailleur, le locataire mettra en demeure le bailleur de lui restituer son dépôt et la menace de la pénalité des 10% légaux devrait le placer en position de force, s’il est de bonne foi.
Le juge tranchera sur les dégradations imputées au locataire mais aussi, appréciera l’échéance de la pénalité de 10% en cause. Rien ne l’interdit de la fixer jusqu’à complet paiement du dépôt de garantie. C’est dire si le bailleur a tout intérêt à ne pas laisser traîner les choses.
On ne peut finalement qu’inciter les parties à s’entendre, en faisant quelques concessions évidemment sur le montant à restituer.
Si les relations contractuelles ont pris fin entre le bailleur et le locataire, il est dommage de les prolonger dans une instance judiciaire, laquelle, ironie du sort de notre époque, durera parfois plus longtemps que le bail lui-même n’a duré…