Dans le cadre de l’action menée par le Conseil National des Barreaux (CNB), les avocats ont renouvelé cette année leur engagement auprès des collèges. Ces interventions, fidèles à l’esprit des éditions antérieures, permettent d’aborder avec les élèves des thématiques fondamentales, dans un cadre d’échange constructif et citoyen.
J’ai eu la chance d’intervenir auprès d’élèves de 5ᵉ du Collège Les Bruyères à Courbevoie, pour évoquer le rôle de l’avocat en France et de la liberté d’expression.
9h54 : Impossible d’évoquer la liberté d’expression sans penser au 7 janvier 2015. Comme beaucoup, je me souviens de cette terrible journée, à une époque où j’étais moi-même étudiante en droit.
Libertés, Liberté Charlie...
10h03 : J’entre dans cette salle de classe face à une joyeuse promotion de 5ème. Mon regard balaie l’auditoire, et je croise des regards curieux.
Je saisis un marqueur et j’inscris les mots de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».
10h20 : Les mains se lèvent, les questions fusent. Je constate un enthousiasme réel.
« Vous portez votre robe dans la rue ? »
« Et si je filme cette scène, je peux être sanctionné ? »
« Oui, mais par exemple aux États-Unis ce n’est pas pareil Maître »
« Je ne comprends pas pourquoi on tue pour des dessinateurs »
« Mais pourquoi vous défendez des méchants aussi ? »
« Et nous les mineurs, on peut aller en prison ? Et Sarkozy ? »
« C’est quoi un con-frère ? »
« Ah bah oui c’est le secret professionnel, votre client peut tout vous dire ».
« Mais Cédric Jubillar, vous pensez qu’il l’a vraiment tuée ? Vous savez, on écoute TF1 tous les soirs nous ».
« Si j’ai fait quelque chose de mal, ma mère peut avoir des problèmes à cause de moi ? »
Ce qui pourrait ressembler à un cadavre exquis, n’est autre que le reflet d’une classe de 5ᵉ étonnamment bien informée sur l’actualité, que ce soit par le biais de TikTok ou du journal de 20h.
Ensemble, nous avons travaillé sur des petits cas pratiques pour mieux comprendre les limites à la liberté d’expression : l’injure, la diffamation, le harcèlement scolaire ou encore la provocation à la haine. Des notions parfois complexes, mais que les élèves ont su aborder avec beaucoup de maturité. Ils comprennent assez facilement, qu’aucune liberté n’est absolue. Cette liberté d’expression n’est pas un droit sans frontières : sans limites, elle risquerait de compromettre l’équilibre entre les libertés individuelles et l’ordre public.
11h26 : J’évoque l’affaire Samuel Paty. Je raconte les faits tels qu’ils se sont déroulés.
« Le 16 octobre, un jeune musulman radicalisé assassinera et décapitera Samuel Paty pour avoir diffusé les caricatures du prophète Mahomet à ses élèves dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression ».
La plupart des élèves n’étaient que de jeunes enfants en octobre 2020, ils peinent à comprendre comment cela a pu arriver.
Cet acte fait écho à l’affaire Charlie Hebdo, et souligne la fragilité de cette liberté fondamentale face aux menaces extrémistes. Je leur explique que le blasphème n’est pas une infraction en France. Critiquer les religions, les idées, les dogmes est un droit – un droit qui peut choquer, mais qui est indispensable à notre démocratie et à notre laïcité.
12h00 : La sonnerie retentit. Les élèves se précipitent pour que l’on prenne des photos ensemble. Ils me demandent s’ils sont autorisés à la « poster sur les réseaux sociaux ». Je souris. Cette journée m’a confortée dans l’idée que l’éducation au droit dès le plus jeune âge, est un levier puissant pour former des citoyens libres, critiques et responsables. Face à une actualité qui évolue à toute vitesse, cette initiative est plus que jamais essentielle : elle porte en elle l’espoir d’une société éclairée.



Discussions en cours :
Très utile et intéressant pour la jeunesse ! Merci
Il est très judicieux de montrer de telles professions à des enfants, ils peuvent se projeter de manière plus concrète dans ces métiers passionnants.
De voir autrement un avocat c’est à dire à portée de mains ne peut qu’encourager et enrichir l’avenir.