Nous traiterons successivement :
De la renonciation par l’employeur à la clause de non-concurrence qui doit se faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention (1) ;
Des vices du consentement, cause d’annulation d’une rupture conventionnelle (2) ;
De la remise au salarié du Cerfa et d’un exemplaire signé de la rupture conventionnelle sous peine de nullité de la rupture conventionnelle (3) ;
De la transaction postérieure à une rupture conventionnelle et de la nullité de la transaction portant sur un élément inhérent à la rupture du contrat de travail (4) ;
Du refus d’une rupture conventionnelle qui est une faculté et ne peut être en principe fautif, sauf abus (5) ;
Du fait qu’une convention ayant pour objet d’organiser la poursuite du contrat de travail ne peut se voir appliquer les règles relatives aux ruptures conventionnelles (6) ;
De la dénonciation du harcèlement sexuel, la salariée placée dans une situation insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver ne peut pas donner un consentement libre et éclairé à la rupture conventionnelle (7) ;
De procédure : sauf exception, la demande d’homologation doit désormais être transmise par téléservice (8).
1) La renonciation par l’employeur à la clause de non-concurrence doit se faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention (Cass. soc., 26 janv. 2022, n°20-15.755, publié au bulletin).
Dans un arrêt du 26 janvier 2020 (commenté dans la lettre de la chambre sociale de Janvier/Février 2022), la Cour de cassation a mis en conformité sa jurisprudence en affirmant qu’en
« matière de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires ».
Dès lors, même si la clause de non-concurrence autorisait la levée de l’obligation dans un certain délai après la rupture du contrat de travail, la renonciation ne pourrait intervenir au plus tard qu’à la date de rupture fixée dans la convention de rupture.
Cet arrêt rappelle en outre que la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence ayant la nature d’une indemnité compensatrice de salaires, même si elle est payable postérieurement à la rupture du contrat de travail, elle ouvre droit à congés payés.
Sur cet arrêt, vous pouvez lire ou relire notre article : Rupture conventionnelle et clause de non-concurrence : la renonciation doit intervenir au plus tard à la date de rupture fixée par la convention.
2) Les vices du consentement, cause d’annulation d’une rupture conventionnelle.
De jurisprudence constante, la chambre sociale affirme que « la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties » (Cass. soc., 23 mai 2013, n°12-13.865) et qu’elle est valablement conclue « sauf en cas de fraude ou de vice du consentement » (Cass. soc., 30 sept. 2014, n°13-16.297).
2.1) Le harcèlement, vice du consentement pouvant rendre nulle la convention de rupture (Cass. soc., 12 janv. 2022, n°20-19.073).
Le vice du consentement peut être caractérisé lorsque le salarié signe la rupture conventionnelle dans un contexte de violence morale caractérisée, notamment par des actes de harcèlement moral, ayant engendré des troubles psychologiques (Cass. soc., 30 janv. 2013, n°11-22.332).
Dans l’arrêt du 12 janvier 2022, la Cour de cassation donne un exemple de situation de harcèlement moral permettant de caractériser un vice du consentement et entrainant ainsi la nullité de la rupture conventionnelle.
En l’espèce, la chambre sociale casse l’arrêt de la Cour d’appel qui avait rejeté les demandes au titre du harcèlement moral et de la nullité de la rupture conventionnelle pour vice du consentement.
En effet, la Cour d’appel de Lyon avait relevé que le retrait de dossiers en septembre 2013 et février 2014, l’avertissement délivré le 31 octobre 2012 et les reproches faits à la salariée le 29 janvier 2014 constituaient des éléments qui, pris dans leur ensemble, étaient suffisants pour permettre de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Elle retenait finalement que les deux derniers faits étaient espacés de plus d’un an et ne permettaient pas de caractériser un harcèlement moral de la part de l’employeur, et qu’il était seulement démontré que la salariée ne supportait pas l’autorité de son supérieur hiérarchique avec lequel elle ne s’entendait pas depuis le début de la relation de travail.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 12 janvier 2022, cassait l’arrêt pour violation de la loi, la Cour d’appel ayant constaté que la salariée présentait des éléments qui, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, et que l’employeur n’établissait pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
2.2) Validité de la rupture conventionnelle conclue avec un salarié informé du PSE en cours et nullité en cas de dissimulation (Cass. soc., 17 mars 2021, n°19-25.313 ; Cass. soc., 6 janv. 2021, n°19-18.549).
Dans un arrêt du 17 mars 2021, la chambre sociale rappelle qu’il appartient au salarié d’apporter la preuve de l’existence d’un vice du consentement.
Elle affirme ensuite qu’en l’espèce, la salariée avait manifesté depuis plusieurs mois et de façon réitéré son intention de quitter l’entreprise et que, malgré l’information qui lui avait été donné par l’employeur de l’existence d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours d’élaboration, elle n’avait pas usé de son droit de rétractation.
Ainsi, la salariée ne rapportait pas la preuve d’un vice du consentement.
A contrario, dans un arrêt du 6 janvier 2021, la même chambre jugeait qu’en l’espèce, l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, cette dissimulation ayant été déterminante du consentement de celui-ci.
3) Remise au salarié du Cerfa et d’un exemplaire signé de la rupture conventionnelle sous peine de nullité de la rupture conventionnelle.
3.1) Nullité en cas de non-remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié (Cass. soc., 10 mars 2021, n°20-12.801).
Dans un arrêt du 11 décembre 2018, la Cour d’appel de Nîmes avait débouté le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle en retenant que l’argument opposé par lui selon lequel l’employeur n’aurait pas remis un exemplaire du protocole de rupture conventionnelle au salarié après sa signature, puisque l’employeur avait besoin de conserver tous les exemplaires signés afin d’y rajouter la mention « lu et approuvé » n’est pas pertinent et que le salarié n’établit pas ne pas avoir été en possession de ces documents durant le délai de réflexion.
La Cour de cassation considère dans un arrêt du 10 mars 2021 qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé les articles L1237-11 et L1237-14 du Code du travail et 1315 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige.
Il s’agit là d’une nouvelle confirmation de sa jurisprudence bien établie (Voir notamment Cass. soc., 23 septembre 2020, n°18-25.770).
3.2) L’indication de l’établissement de trois exemplaires de la rupture ne prouve pas sa remise au salarié (Cass. soc., 13 avril 2022, n°20-22.895).
Parallèlement, la Cour de cassation a jugé le 13 avril 2022 que pour débouter un salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle pour défaut de remise d’un exemplaire signé de la convention, la Cour d’appel de Paris avait retenu que la convention de rupture indiquait qu’elle avait été établie en trois exemplaires et que le salarié avait apposé sa signature juste au-dessous de cette mention.
La chambre sociale affirme qu’en statuant ainsi, sans constater qu’un exemplaire de la convention avait été remis au salarié, la Cour d’appel a violé les articles L1237-11 et L1237-14 du Code du travail.
3.3) La connaissance de la procédure et des délais à respecter n’empêche pas la nécessaire remise d’un exemplaire cerfa au salarié (Cass. soc., 16 mars 2022, n°20-22.265).
Dans un arrêt du 16 mars 2022, aux visas des articles L1237-11 et L1237-14 du Code du travail, la Cour de cassation rappelle d’une part que la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demande l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L1237-14 du Code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle, d’autre part qu’en cas de contestation, il appartient à celui qui invoqué cette remise d’en rapporter la preuve.
Pour débouter le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, la Cour d’appel de Dijon avait retenu que l’employeur ne démontrait pas avoir remis au salarié un exemplaire « Cerfa » de la convention de rupture, qu’il ne produisait pas le récépissé idoine, ni aucune autre pièce probante mais que cependant l’employeur versait aux débats des pièces révélant que le salarié connaissait le déroulement précis de la procédure, les délais à respecter, les documents à établir et à remettre et que dans ces conditions, le salarié ne pouvait soutenir, nonobstant le défaut de remise de l’exemplaire « Cerfa », qu’il ignorait bénéficier d’un délai de quinze jours pour se rétracter et que, partant, son consentement n’aurait pas été libre et éclairé.
En statuant ainsi, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.
4) Transaction postérieure à une rupture conventionnelle : nullité de la transaction qui portait sur un élément inhérent à la rupture du contrat de travail (Cass. soc., 16 juin 2021, n°19-26.083).
Dans cet arrêt du 16 juin 2021, la Cour de cassation rappelle en premier lieu que la transaction signée par le salarié et l’employeur postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail n’est valable que si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture.
Or, la Cour d’appel de Montpellier, qui a constaté que le salarié, postérieurement à l’homologation de la convention de rupture, avait renoncé par courrier du 25 septembre 2013 à percevoir l’indemnité de rupture, puis avait invoqué un préjudice résultant de cette renonciation et réclamé une indemnisation, et avait accepté, aux termes du protocole transactionnel, en contrepartie de la prise en charge par l’employeur du coût d’une formation, de renoncer définitivement et totalement à exercer à l’encontre de celui-ci une action judiciaire quelconque qui serait basée sur les relations contractuelles de travail ou sur la rupture de ces relations, a exactement retenu que la transaction, portant sur un élément inhérent à la rupture du contrat de travail, était nulle.
5) Le refus d’une rupture conventionnelle est une faculté et ne peut être en principe fautif, sauf abus (Cass. soc., 19 mai 2021, n°19-20.526).
Dans cet arrêt du 19 mai 2021, aux visas des articles L1231-1, L1237-11 et L1237-13 du Code du travail, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte du premier de ces textes que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Selon le deuxième de ces textes, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat.
Le dernier de ces textes prévoit, en son dernier alinéa, qu’à compter de la date de la signature de la convention de rupture par les deux parties, chacune d’elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.
La Haute juridiction relève que pour dire la prise d’acte justifiée, l’arrêt retient que la décision de l’employeur de ne pas signer le formulaire de rupture conventionnelle était motivée par le fait que la salariée avait, avant son départ, transféré dans une autre agence les différents contrats d’assurance de trois membres de sa famille, que si le refus d’une rupture conventionnelle est une faculté pour les parties et ne peut être en principe fautif, sauf abus, il résulte des circonstances de l’espèce que même si les articles 3 et 4 du règlement de transfert de contrat d’un client MMA prévoient que la décision de transfert revient à l’agent d’assurance, s’agissant d’une salariée irréprochable, qui avait trente ans d’ancienneté et dont le départ avait été fêté, la réaction de l’employeur a été disproportionnée.
L’arrêt en déduit que l’employeur a abusé de son pouvoir de direction et manqué à son devoir de loyauté en fondant son revirement sur une faute minime de la salariée et que ces faits caractérisent dans leur ensemble des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser un abus du droit de l’employeur de ne pas consentir à une rupture conventionnelle, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.
6) Une convention ayant pour objet d’organiser la poursuite du contrat de travail ne peut se voir appliquer les règles relatives aux ruptures conventionnelles (Cass. soc., 17 nov. 2021, n°20-13.851).
Dans l’arrêt du 17 novembre 2021, la Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel qui a relevé que la convention tripartite conclue entre le salarié et deux sociétés d’un même groupe, intitulée « convention de mutation concertée » précisait que « le salarié a[vait] exprimé le souhait de bénéficier d’une évolution et d’une mobilité professionnelle au sein du groupe ».
Elle prévoyait la rupture de son contrat de travail avec la société française et la poursuite de la relation de travail avec la société suisse, ainsi que sa reprise d’ancienneté depuis 1985.
La chambre sociale affirme qu’il en résultait qu’elle « avait pour objet d’organiser non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail » et que la Cour d’appel « en a exactement déduit que les dispositions de l’article L1237-11 du Code du travail relatives à la rupture conventionnelle n’étaient pas applicables ».
7) Dénonciation de harcèlement sexuel : la salariée placée dans une situation insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver n’a pas pu donner un consentement libre et éclairé à la rupture conventionnelle (Cass. soc., 4 nov. 2021, n° 20-16.550).
Dans cet arrêt du 4 novembre 2021, la chambre sociale approuve la Cour d’appel qui, ayant relevé qu’à la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, l’employeur, informé par la salariée de faits précis et réitérés de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, n’avait mis en œuvre aucune mesure de nature à prévenir de nouveaux actes et à protéger la salariée des révélations qu’elle avait faites en sorte que celle-ci, qui se trouvait dans une situation devenue insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver si elle se poursuivait.
Ainsi, la salariée n’avait eu d’autre choix que d’accepter la rupture et n’avait pu donner un consentement libre et éclairé, la Cour d’appel de Paris, ayant fait ressortir l’existence d’une violence morale.
8) Procédure : sauf exception, la demande d’homologation doit désormais être transmise par téléservice à compter du 1er avril 2022 (Décret n°2021-1639 du 13 décembre 2021 portant obligation de recours au téléservice pour réaliser la demande d’homologation de la convention de rupture du contrat de travail).
Ce décret du 13 décembre 2021 adapte les conditions de dépôt de la demande d’homologation de la convention de rupture du contrat de travail, pour rendre obligatoire le recours au téléservice prévu à cet effet, « TéléRC » [1] à compter du 1er avril 2022.
Par exception, le décret prévoit que lorsqu’une partie à la rupture conventionnelle n’est pas en mesure d’utiliser le service, elle peut effectuer sa démarche par le dépôt d’un formulaire auprès de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets).