Cadre légal du congé sabbatique.
Conditions et procédure de demande.
Selon l’article L3142-28 du Code du travail, tout salarié justifiant d’une ancienneté minimale de 36 mois dans l’entreprise peut bénéficier d’un congé sabbatique d’une durée comprise entre six et onze mois. Le salarié doit informer son employeur de sa volonté de prendre ce congé par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, au moins trois mois à l’avance, conformément à l’article D3142-47 du Code du travail.
Réponse de l’employeur.
L’employeur dispose d’un délai de 30 jours à compter de la présentation de la demande pour y répondre, comme le stipule l’article L3142-30 du Code du travail. Il peut accepter le congé, le reporter ou le refuser pour des raisons précises. À défaut de réponse dans ce délai, son accord est réputé acquis.
Demande hors délai : quelles conséquences ?
Possibilité de différer le départ.
Si le salarié ne respecte pas le délai de prévenance de trois mois, cette irrégularité peut permettre à l’employeur de différer la date de départ du congé sabbatique. Cela lui offre la possibilité de s’organiser face à l’absence du salarié.
Obligation de réponse de l’employeur.
Toutefois, même en cas de demande formulée hors délai, l’employeur est tenu de répondre dans les 30 jours suivant la réception de la demande. L’article D3142-53 du Code du travail précise que, à défaut de réponse dans ce délai, l’accord de l’employeur est réputé acquis. Ainsi, son silence vaut acceptation tacite du congé sabbatique.
Jurisprudence récente : l’arrêt Lidl du 2 octobre 2024.
Les faits de l’affaire.
Dans l’affaire opposant Mme Y. à la société Lidl, la salariée, engagée en qualité de caissière employée libre-service depuis le 6 juin 2012, a présenté une demande de congé sabbatique par lettres des 22 avril 2016, notifiées les 27 et 28 avril 2016, pour un départ fixé au 1ᵉʳ mai 2016. Cette demande ne respectait pas le délai de prévenance de trois mois prévu par l’article D3142-47 du Code du travail.
Absence de réponse de l’employeur.
L’employeur n’a pas répondu à cette demande dans le délai légal de 30 jours. Ce n’est que par lettres du 19 juillet 2016 et du 27 juillet 2016 qu’il a demandé à la salariée de justifier son absence et l’a mise en demeure de reprendre son poste.
Licenciement pour faute grave.
Considérant l’absence de la salariée comme injustifiée, la société Lidl a procédé à son licenciement pour faute grave le 19 septembre 2016. La salariée a alors saisi la juridiction prud’homale pour contester cette décision.
Décision de la Cour de cassation.
Position de la cour d’appel.
La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 14 juin 2023, a débouté la salariée de ses demandes. Elle a estimé que Mme Y. ne pouvait se prévaloir du silence de l’employeur pour établir un accord tacite, dès lors qu’elle avait mis l’employeur devant le fait accompli en partant en congé sans respecter le délai de prévenance.
Cassation partielle par la Cour de cassation.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 2 octobre 2024 [2], a cassé l’arrêt de la cour d’appel. Elle a jugé que, même si la demande de congé sabbatique avait été formulée hors délai, l’employeur restait tenu de répondre dans les 30 jours suivant la présentation de la demande. À défaut, son accord était réputé acquis, conformément aux articles L3142-30 et D3142-53 du Code du travail.
Motivation de la cour.
La Haute juridiction a souligné que l’irrégularité liée au non-respect du délai de prévenance permettait à l’employeur de différer le départ du congé, mais ne le dispensait pas de répondre dans le délai légal. En ne répondant pas, l’employeur a tacitement accepté le congé. Par conséquent, l’absence de la salariée n’était pas fautive et ne pouvait justifier un licenciement pour faute grave.
Implications pour les employeurs et les salariés.
Pour les employeurs.
Cet arrêt rappelle l’importance pour l’employeur de respecter ses obligations légales, notamment celle de répondre aux demandes de congé sabbatique, même lorsqu’elles sont irrégulières quant au délai de prévenance. Le silence de l’employeur peut entraîner une acceptation tacite du congé, limitant ainsi ses possibilités de contestation ultérieure.
Pour les salariés.
Les salariés doivent s’efforcer de respecter les délais légaux pour la formulation de leur demande de congé sabbatique. Toutefois, en cas de non-respect de ces délais, ils peuvent se prévaloir de l’accord tacite de l’employeur si ce dernier ne répond pas dans les 30 jours, comme le confirme la jurisprudence.
Portée de la décision.
Confirmation d’une jurisprudence constante.
L’arrêt du 2 octobre 2024 s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure. La Cour de cassation avait déjà affirmé que l’absence de réponse de l’employeur vaut acceptation tacite du congé sabbatique, même en cas de demande hors délai, notamment dans les arrêts [3].
Importance du respect des obligations légales.
Cette décision souligne la nécessité pour les employeurs de respecter scrupuleusement les dispositions du Code du travail. Ne pas répondre à une demande de congé sabbatique expose l’employeur à voir le congé accepté tacitement, et rend illégitime toute sanction prise à l’encontre du salarié pour absence injustifiée.
Conclusion.
En conclusion, même si le salarié ne respecte pas les délais prévus pour demander un congé sabbatique, l’employeur est tenu de répondre dans le délai de 30 jours suivant la présentation de la demande. À défaut, son accord est réputé acquis, et l’absence du salarié ne peut être considérée comme fautive. L’arrêt de la Cour de cassation du 2 octobre 2024 [4] confirme cette position, rappelant aux employeurs l’importance de respecter leurs obligations légales pour éviter des litiges coûteux.
Références légales et jurisprudentielles.
Code du travail :
L3142-28 : conditions d’accès au congé sabbatique.
L3142-30 : délai de réponse de l’employeur et acceptation tacite.
D3142-47 : modalités de la demande de congé sabbatique.
D3142-51 et D3142-53 : notification de la décision de l’employeur.
Jurisprudence :
Cass. soc., 2 octobre 2024, n° 23-20.560 : acceptation tacite du congé sabbatique en l’absence de réponse de l’employeur.
Cass. soc., 12 mars 2008, n° 06-43.866 : l’irrégularité de la demande n’exonère pas l’employeur de son obligation de réponse.
Cass. soc., 14 décembre 2017, n° 16-24.027 : confirmation de l’obligation de réponse de l’employeur, même en cas de demande hors délai.