(Savoir-faire / s’étonner) : Deyrolle, un cabinet de curiosités unique au monde !
Fondée en 1831 par Jean-Baptiste Deyrolle, entomologiste passionné, la maison Deyrolle est d’abord née d’un amour pour les insectes. Rapidement, elle devient le fournisseur officiel de collections scientifiques pour les écoles, les universités et les musées. Dans ses tiroirs anciens, des planches pédagogiques illustrent encore aujourd’hui l’anatomie du crapaud ou le cycle de la pollinisation.
- Deyrolle Paris © Photo Clémence Rolland-Casado
Mais ce qui frappe en poussant la porte de cette institution parisienne, c’est le silence habité des lieux : une girafe grandeur nature vous regarde du coin de l’œil, des lions trônent près des vitrines, des oiseaux multicolores semblent prêts à s’envoler. Tout ici respire une forme de poésie étrange, un lien discret entre la beauté du vivant et la fragilité de son souvenir. Ici les spécimens ne sont jamais prélevés dans la nature : ils proviennent d’élevages, de parcs animaliers ou sont des dons de muséums. La vocation de Deyrolle est l’éducation de tous à la préservation du Vivant et de la biodiversité.
En février 2008, un incendie ravage le premier étage. Des dizaines de pièces rares sont détruites, des papillons partis en fumée aux animaux irrécupérables, près de 90% des collections disparaissent. « C’était comme voir brûler une bibliothèque de la biodiversité », confiait alors Louis-Albert de Broglie, propriétaire du temple des entomologistes, surnommé avec tendresse le « Prince Jardinier ». L’ancien banquier converti à l’écologie est en effet le propriétaire du château de la Bourdaisière en Indre-et-Loire, devenue une ferme expérimentale où il cultive plus de 700 variétés de tomates.
La mobilisation ne se fait pas attendre. Artistes, mécènes et passionnés de Deyrolle se rassemblent aussitôt pour contribuer à sa renaissance. Près de 80 créateurs s’engagent alors, livrant une centaine d’œuvres inspirées par les trésors des collections historiques. Parmi eux, le Britannique Damien Hirst, ou encore François-Xavier Lalanne, qui offre l’une de ses sculptures emblématiques. Même des anonymes participent à l’élan collectif, déposant ici un insecte, là un objet ancien, en hommage à la mémoire du lieu. En quelques mois à peine, l’âme de Deyrolle ressurgit, tel un phénix aux ailes d’ambre.
Depuis toujours, Deyrolle entretient un dialogue fécond avec le monde de l’art. Haut lieu de fascination, il a inspiré les plus grands : Picasso, Picabia, André Breton, bientôt rejoints par Salvador Dalí. Il y a quelques semaines encore, l’institution accueillait une œuvre en édition limitée signée Johnny Depp. Intitulée « Paciderm », cette création artistique puisait son inspiration dans l’univers iconographique si caractéristique de la maison, mêlant imagination et hommage à la nature.
- Deyrolle Paris © Photo Clémence Rolland-Casado
On vient à Deyrolle pour admirer, mais aussi pour apprendre. Les célèbres planches scolaires, rééditées depuis peu, ont gardé leur charme désuet et leur utilité. C’est peut-être ce mélange qui rend l’endroit si unique : un crocodile empaillé peut côtoyer une planche sur la photosynthèse, et l’on passe d’un squelette de bison à une vitrine de champignons sans quitter une pièce.
Et puis il y a les visiteurs. Un jour, un petit garçon demande sérieusement s’il peut adopter le lynx empaillé « parce qu’il a l’air triste tout seul ». Une autre fois, un grand couturier entre, fasciné par les couleurs d’un scarabée, et repart avec un encadrement pour sa prochaine collection. Chez Deyrolle, le public est aussi bigarré que les spécimens exposés.
À l’heure du numérique et des musées interactifs, comment un lieu aussi intemporel reste-t-il pertinent ? Probablement parce qu’il touche quelque chose de profond, d’enfantin et d’universel : la fascination pour le vivant. Deyrolle n’a pas besoin d’écrans ni d’effets spéciaux. Il suffit d’un regard dans les yeux d’un cerf, figé dans le temps, pour que l’imagination s’envole.
Deyrolle est bien plus qu’un magasin. C’est un monde parallèle, où la nature, la science et l’art se tiennent la main dans un silence plein d’échos. Un endroit qu’on ne visite pas vraiment : on le découvre comme un secret, et on y revient comme à un rêve.
- Deyrolle Paris © Photo Clémence Rolland-Casado
Deyrolle, 46 Rue du Bac, Paris 7
Informations : https://deyrolle.com
Photo en logo : Deyrolle Paris © Photo Clémence Rolland-Casado