Cet article est proposé par le Magazine "Liberalis"...
Avec ce numéro du magazine LIBERALIS, nous vous invitons à poser un autre regard sur vos professions libérales.
Nous vous invitons à découvrir nos rubriques à travers le prisme des sentiments et de l’action comme « Se passionner », « S’étonner » pour découvrir les savoir-faire ou encore « S’enflammer » pour les témoignages de collectionneurs.
(Découvrir / Insolite) : Découverte de la cathédrale industrielle Levavaseur dans l’Eure.
La filature Levavasseur dans la vallée de l’Andelle, au sud-est de Rouen en Normandie, trésor du patrimoine industriel, s’apprête à reprendre vie. Le Département de l’Eure, qui possède cette impressionnante cathédrale de style néo-gothique, se prépare à sa renaissance et à l’ouvrir au public. Le réveil de ce joyau endormi est imminent !
Ces ruines charment, séduisent, envoûtent. Elles arrêtent le temps, invitent à la méditation et nous font voyager dans le passé, nous font imaginer ce qu’était autrefois ce site majestueux, imposant, grandiose ! Des dimensions hors normes, mesurant 96 mètres de long et 36 mètres de haut, qui ont fait de la filature Levavasseur l’une des plus grandes filatures de France en son temps. Si elle détient des records d’architecture, elle détient aussi vraisemblablement le record d’une des histoires les plus courtes. La filature Levavasseur n’a fonctionné, bon an, mal an, que...13 ans. Enfin pour le bâtiment principal.
- Filature © Département de l’Eure
Au début du XIXe siècle, l’activité textile bat son plein sur le secteur de l’Andelle. Plusieurs usines voient le jour sur le domaine de Fontaine-Guérard, voisin direct du terrain qui accueille la filature, mais elles sont détruites par des incendies en 1845. En 1851, Charles Levavasseur, industriel normand, veut remplacer ces usines disparues afin de continuer l’activité de l’entreprise familiale. Pour cela, il détourne le cours de l’Andelle (rien que ça) pour créer un canal d’alimentation et un barrage, capables de produire de puissantes chutes d’eau ; l’industrie de l’époque fonctionne essentiellement avec la force hydraulique. Une fois ces aménagements faits, commence, en 1855, le chantier, la construction de plusieurs bâtiments, dont deux usines. Une immense filature de coton, qui fonctionne dès 1861 ; une usine, plus petite, mais à la même allure néogothique, destinée au tissage, opérationnelle en 1868.
- Filature © Département de l’Eure
À peine en service, la grande filature enchaîne les déconvenues. La guerre de Sécession en Amérique du Nord met un frein aux importations de coton, matière première de l’usine. Les machines ne peuvent être toutes alimentées et la filature, conçue pour faire travailler 600 personnes, n’accueille que 155 ouvriers.
En 1874, après seulement 13 ans d’existence, la grande filature est ravagée par un incendie dévastateur. Le feu a probablement été provoqué par un effet de loupe produit par les vitraux des rosaces sur les balles de coton stockées dans les combles. Fort heureusement, aucune victime humaine n’est à déplorer, l’incendie ayant eu lieu un dimanche. En une poignée d’heure, l’usine-cathédrale n’est plus que ruines, vestiges que nous connaissons aujourd’hui.
Les mésaventures Levavasseur ne s’arrêtent pas là ! Le coût de reconstruction étant prohibitif, Charles Levavasseur ne fait pas reconstruire la grande filature et transfère la production dans la petite (24 mètres de haut tout de même). Ses héritiers construiront, au début du XXe siècle, de nouveaux bâtiments à proximité, dont la salle des machines qui existe encore aujourd’hui. Mais la petite filature subit également des incendies : un en 1913 (qui la détruit partiellement) et un autre en 1946, qui entraîne la fermeture définitive du site.
- Filature © Département de l’Eure
Dans les années 1960, les héritiers Levavasseur vendent le domaine par lots. Les deux anciennes filatures restent à l’abandon, avant d’être rachetées par l’Etablissement public foncier de Normandie en 1995. Après des travaux de consolidation et de défrichement, les usines sont revendues au Département de l’Eure en 1999. En 2021, la filature est sélectionnée par la mission Stéphane Bern. En 2022, elle accueille une création de l’artiste Sébastien Preschoux, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine. En 2024, la belle endormie se réveille...
Filature Levavasseur, impasse des Quatre Tours, 27380 Douville-sur-Andelle
Informations sur les visites et événements : https://filaturelevavasseur.fr
Photos en logo : Filature © Département de l’Eure