Être mère ou être père ne disparaît pas après la rupture du couple. Cela est gage de stabilités sociale et juridique : l’enfant conserve sa filiation envers ses deux parents, et s’il est encore mineur, reste soumis à l’autorité parentale qu’exerce sur lui ces deux derniers. [1]
Ceci étant dit, la rupture du couple de concubins ou de co-pacsés entraîne souvent une souffrance pour les membres qui le composent, mais également pour les enfants qui en sont issus. Ces souffrances ne facilitent pas la nouvelle organisation familiale.
Contrairement à une pensée commune qui préfère un mauvais arrangement à un bon procès, je crois encore suffisamment à la Justice et au Droit de la Famille pour espérer qu’un bon procès soit bien plus utile à la famille qu’un mauvais arrangement.
Toutefois, avant même d’envisager le procès, des services mis à la disposition des citoyens permettent aux parents d’organiser la vie familiale post-séparation. Il existe en effet des lieux de rencontre et d’échanges entre les deux parents, qui permettent d’aller vers l’apaisement des conflits, vers la réalisation d’un consensus autour de la nouvelle organisation de la vie des enfants, et de leurs parents. [2]
Dans l’idéal, la séparation devrait se réfléchir entre le couple. Malheureusement, certaines situations ne le permettent pas, ou avec beaucoup de difficultés. Je pense notamment aux situations de violences psychologiques et/ou physiques entre les concubins ou les partenaires liés par un PACS, ou bien aux maltraitances infantiles. Il existe, par ailleurs, d’autres séparations qui créent une souffrance émotionnelle sans que pour autant il y ait violences au sens du droit pénal.
Dans le secret de nos Cabinets, nous recevons beaucoup de ces émotions, de ces moments difficiles, et il nous appartient de les entendre.
Notre travail est alors d’accompagner et de soutenir au mieux notre Client ou notre Cliente dans l’épreuve qu’il ou qu’elle vit, dans les difficultés rencontrées, et surtout, de transformer cette réalité vécue et ressentie en ce qui est acceptable des points de vue juridique, et si nécessaire judiciaire.
Notre travail est aussi d’aller vers l’apaisement des conflits.
Voilà pourquoi de mon expérience je voulais faire le partage, car les règles de notre Justice viennent parfois régir nos vies, et que pour les utiliser à bon escient, il faut en comprendre la teneur et la portée.
Parents séparés : sans jugement, comment ça marche ?
Aussi étrange que cela puisse paraître, lorsque les parents sont séparés, et en l’absence de toute décision judiciaire, la règle est que chaque parent doit remettre l’enfant à l’autre parent dès qu’il le réclame. Cela ne s’applique évidemment que si les parents exercent l’autorité parentale conjointement.
Dans les premiers temps qui suivent la séparation, il est souvent conseillé de réfléchir ensemble un cadre, puis de le mettre en place pour vérifier s’il est adapté aux besoins de l’enfant, et de le redéfinir jusqu’à ce qu’il le soit. Nul besoin de passer devant le Juge si les parents trouvent un accord, toutefois un nouvel événement peut venir bouleverser l’équilibre trouvé (l’arrivée d’un nouveau compagnon ou d’une nouvelle compagne, l’arrivée d’un nouvel enfant, une opportunité professionnelle, etc.). Pour se prémunir d’un tel bouleversement, le passage anticipé devant le Juge peut s’avérer précieux.
Parents séparés : et si nous saisissions le Juge aux affaires familiales ?
Comment fonctionne le Tribunal ?
Les affaires familiales sont un service du tribunal de grande instance. Ce service est composé de Juges aux affaires familiales (JAF) et des Greffiers qui travaillent avec eux.
Le Tribunal de Grande Instance compétent est, en général, celui du lieu de résidence de la famille, ou à défaut celui de résidence des enfants. Les règles dites de « territorialité » peuvent être différentes dans des situations spécifiques.
Le Juge aux affaires familiales est saisi par requête simple ou par requête conjointe (la procédure fera l’objet de mon prochain article).
Les missions et le rôle du JAF dans le cadre de l’organisation de la vie familiale
Pour les couples non mariés, il n’est, en général, nul besoin de passer devant le JAF pour être autorisé à vivre séparément – ce qui n’est pas le cas des couples mariés.
Le Juge aux affaires familiales va donc seulement se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale [3], qui s’entend aussi bien de la fixation de la résidence des enfants, que des droits de visite et d’hébergement de la mère ou du père, ainsi que de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, communément appelée pension alimentaire.
Qu’est-ce que je peux demander au JAF ?
1 – La résidence habituelle et les droits de visite et d’hébergement
On parle de résidence habituelle [4] de l’enfant commun lorsqu’elle est fixée habituellement, c’est-à-dire au quotidien, chez l’un ou l’autre des parents.
L’autre parent disposera alors, dans la plupart des cas, d’un droit de visite (c’est-à-dire en journée) et d’un droit d’hébergement (c’est-à-dire avec nuitée). Le droit de visite et d’hébergement peut être classique (un week-end sur deux, et la moitié des vacances scolaires), ou bien réduit (par ex : deux samedis par mois), ou bien encore élargi (par ex, une semaine du jeudi au dimanche, et l’autre semaine, le mercredi, ainsi que la moitié des vacances scolaires). L’important est que cela corresponde au rythme et à l’intérêt de votre enfant.
Le droit de visite et d’hébergement doit être particulièrement réfléchi, et ce pour plusieurs raisons :
il va déterminer votre nouvelle organisation familiale,
plus il sera précis (notamment jour de la semaine, horaires de remise de l’enfant), moins il y aura de couacs [5],
la précision n’empêche pas de conserver une certaine souplesse en demandant au Juge de spécifier dans le jugement « sauf meilleur accord des parties »,
pensez au futur afin de bien organiser les vacances scolaires de votre enfant en tenant compte des disponibilités et des contraintes, notamment professionnelles, de chacun des parents [6],
si l’autre parent a tendance à annuler ses droits de visite au dernier moment, prévoyez un délai de prévenance [7] afin d’éviter que votre enfant se retrouve à attendre son parent en vain, et que vous puissiez avoir le temps de vous réorganiser.
2 – La résidence alternée
Lorsque la résidence est fixée chez les deux parents, on parle de résidence alternée. La résidence alternée n’est pas forcément complètement équitable en termes de temps passé avec l’enfant, et elle est vraiment réfléchie à la carte, c’est-à-dire en fonction des besoins spécifiques de l’enfant et des possibilités de ses parents. Tout dépend donc de l’âge de l’enfant, de ses besoins spécifiques, de l’organisation familiale et des contraintes / disponibilités de chacun des parents.
J’ai déjà vu des résidences alternées deux jours / deux jours, ou a contrario des résidences alternées 1 mois / 1 mois.
3 – La pension alimentaire
La pension alimentaire relative aux enfants s’appelle la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.
Elle n’a pas pour rôle de venir compenser les disparités de revenus entre chacun des parents, mais bien de répondre aux besoins spécifiques de l’enfant en étudiant les facultés respectives de chacun des parents.
Pour l’évaluer, il est nécessaire de réaliser un tableau des revenus et des charges de chacun des parents, et pour le parent qui la réclame, des charges propres à l’enfant.
Une table de référence [8] vient donner un ordre d’idée de ce que peut être le montant de la contribution, toutefois ce dernier n’est qu’une référence, le Juge ne peut pas fonder sa décision sur celle-ci : il a l’obligation d’examiner les pièces justificatives apportées par chacune des parties.
Afin de faciliter le travail du magistrat, je vous conseille fortement de réaliser ce tableau, justifié par les pièces financières que vous apporterez.
4 - Les autres éléments à aborder
Le JAF n’a pas vocation à revenir sur la rupture du couple parental et à la juger. Il ne sert à rien de perdre de l’espace sur votre requête en exprimant votre ressenti envers l’autre.
Toutefois, si l’autre a commis des infractions pénales à votre encontre ou à l’encontre de votre enfant, qui ont amené à des dépôts de plainte ou à des condamnations, il est nécessaire d’en informer le Juge car cela va lui permettre de mieux connaître de votre situation.
De la même façon, si une procédure est en cours devant le Juge des enfants, le Juge aux affaires familiales doit impérativement en être informé.
Je procéderai au décorticage de la procédure à envisager dans un tout prochain article.
Discussion en cours :
très bon article bien écrit et suffisamment clair pour que les personnes en tirent une réflexion avant toute décision parentale. il serait encore plus complet avec une explication sur la médiation familiale puisque toute rencontre devant un juge implique une information auprès d’un médiateur familial.