1. Les modalités de preuve de la maladie imputable au service
Les statuts de la fonction publique n’utilisent pas expressément la notion de « maladie professionnelle », ils renvoient à l’article L. 27 du Code des pensions civiles et militaires de retraite, lequel fait référence à la notion de maladies « contractées ou aggravées (…) en service ».
Une maladie contractée ou aggravée en service ou dans l’exercice des fonctions est celle qui est la conséquence directe de l’exposition du fonctionnaire à un risque physique, chimique, biologique ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle.
La difficulté principale pour le fonctionnaire réside dans l’établissement du lien de causalité entre sa maladie et ses fonctions, la charge de cette preuve lui incombant. Or, la seule preuve que la maladie est intervenue lors des heures de travail et sur le lieu de travail est insuffisante.
Le caractère professionnel de la maladie peut parfois être reconnu par référence aux tableaux des maladies professionnelles du Code de la sécurité sociale (article L. 461-2). Les listes qui figurent dans ces tableaux ne sont toutefois pas exhaustives, c’est à dire que la maladie d’un fonctionnaire qui n’y apparait pas peut tout de même être reconnue comme une maladie imputable au service.
Lorsque la maladie ne figure pas dans l’un de ces tableaux, la preuve de son imputabilité au service est nécessairement plus complexe, l’agent doit alors démontrer l’existence d’un « lien direct et certain de causalité » (CE, 18 février 1991, n° 95773, Giordani).
A titre d’exemple, un état dépressif « qui a motivé la mise en congé de longue durée (…) est en relation directe tant avec l’incident qui l’a opposé en cours de service à l’un de ses collègues qu’avec les suites administratives qui ont été données à cet incident ; qu’il est constant qu’aucune prédisposition ni aucune manifestation pathologique de cette nature n’avait été décelée antérieurement chez le fonctionnaire ; l’affectation en cause devait être regardée comme « contractée dans l’exercice des fonctions » (CE, 11 février 1981, n° 19614).
Lorsque la maladie figure dans l’un des tableaux en question, l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale énonce qu’« est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ». Le lien de causalité est ainsi présumé établi.
Attention toutefois sur ce dernier point, en effet, le Conseil d’Etat a récemment estimé que cette présomption n’était pas applicable aux fonctionnaires de l’Etat (CE, 23 juillet 2012, n° 349726), rendant nécessairement plus délicate pour ces agents, la preuve de l’imputabilité au service de la maladie. Les fonctionnaires de l’Etat doivent donc établir l’existence du lien de causalité entre l’affection et le service, peu important que la maladie en question relève ou non des tableaux de la sécurité sociale.
Cette différence de traitement s’explique selon le Conseil d’Etat par le fait « qu’aucune disposition ne rend applicable aux fonctionnaires de la fonction publique de l’Etat (…) les dispositions de l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ».
2. Les démarches pour la reconnaissance de l’imputabilité de la maladie au service
L’agent souhaitant faire établir l’imputabilité de sa maladie au service doit avant tout obtenir un certificat médical d’un médecin, agréé ou non. Il doit ensuite souscrire une déclaration auprès de l’administration qui l’emploie, et apporter tous les éléments susceptibles de prouver la matérialité des faits. Le juge administratif a récemment estimé que la demande tendant à ce que la maladie d’un fonctionnaire soit reconnue comme ayant été contractée dans l’exercice des fonctions doit être présentée dans les quatre ans qui suivent la date de la première constatation médicale de la maladie (CAA, 5 juillet 2012, n° 11VE01424).
L’employeur doit de son côté établir un rapport hiérarchique contenant des informations relatives à l’agent et à sa maladie, lequel sera transmis à la Commission de réforme dans l’éventualité de sa saisine.
La saisine pour avis de la Commission de réforme est obligatoire excepté lorsque l’imputabilité au service de la maladie est reconnue par l’administration. Cette exception doit alléger le travail de l’instance médicale, déjà surchargée.
Pour aider l’employeur à prendre sa décision, celui-ci peut consulter un médecin expert agréé. Ce médecin, en raison de l’exigence du respect du secret médical qui pèse sur lui, ne peut communiquer à l’administration que ses conclusions relatives à la relation de cause à effet entre la maladie et le service.
Si malgré les informations fournies par ce médecin, l’administration ne parvient pas à se prononcer sur l’imputabilité au service de la maladie, elle doit obligatoirement saisir la Commission de réforme et transmettre à son secrétariat l’ensemble du dossier.
L’avis de cette Commission est uniquement consultatif et ne lie donc pas l’administration. Après le prononcé de cet avis, que celui-ci soit favorable ou défavorable à la reconnaissance de l’imputabilité, la décision d’accorder ou non le bénéfice du régime des maladies imputables revient finalement à l’administration.
L’avis de la Commission étant obligatoire, excepté dans la seule hypothèse où l’administration reconnaît d’elle-même l’imputabilité, il ne fait néanmoins pas grief. Il s’agit simplement d’un acte préparatoire à la décision finale de l’administration, laquelle est seule susceptible d’être attaquée devant une juridiction. Toutefois, les vices entachant les actes préparatoires pourront être invoqués pour obtenir l’annulation de la décision finale.
S’agissant de la décision finale de l’administration relative à l’imputabilité, elle doit être motivée en application de l’article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public. Elle peut néanmoins se borner à se conformer de façon expresse à l’avis de la Commission de réforme, à la condition que cet avis soit joint à la décision et qu’il soit notifié à l’agent en même temps que la décision.
L’agent peut enfin exercer différents types de recours contre la décision de refus d’imputabilité prise par l’administration.
Il peut d’une part exercer un recours gracieux, lequel entrainera le réexamen du dossier par la Commission de réforme qui devra rendre un nouvel avis et donnera lieu à une nouvelle décision de l’administration.
Il peut d’autre part, exercer un recours contentieux contre toute décision de refus d’imputabilité, le recours gracieux n’étant pas obligatoire. Ce type de recours devra s’exercer devant le juge administratif dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision au fonctionnaire.
3. Le point sur le régime de réparation des maladies imputables au service
- Le droit à traitement lors des congés
Lorsque l’administration a reconnu à un agent l’imputabilité de sa maladie au service, celui-ci va bénéficier d’un régime de congé favorable. L’imputabilité de la maladie peut être reconnue indifféremment dans le cadre d’un congé maladie « ordinaire », d’un congé longue maladie ou d’un congé longue durée (CE, 29 septembre 2010, n° 329073).
Le principe est que le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite (CE, 3 mai 2006, n° 267765)
Les fonctionnaires en congé maladie conservent en plus de leur traitement, leurs droits au supplément familial de traitement et l’indemnité de résidence.
Par ailleurs, la nouvelle bonification indiciaire est versée en intégralité durant toute la durée du congé, dans les mêmes proportions que le traitement indiciaire.
S’agissant des primes et indemnités, il convient de distinguer selon les différentes fonctions publiques.
- Le remboursement des frais :
Le fonctionnaire atteint d’une maladie professionnelle a en outre droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident (CE, 3 mai 2006, précité).
Seuls seront remboursées les dépenses véritablement entrainées par la maladie. L’employeur vérifie scrupuleusement l’utilité et le montant de ces dépenses dont la preuve doit être rapportée par le fonctionnaire.
Toutefois, s’il est justifié, ce principe de remboursement des frais bénéficie également à l’agent radié des cadres à la suite de la contraction de la maladie ou de l’accident.
Enfin, l’agent est également protégé dans l’hypothèse d’une rechute. L’employeur au service duquel se trouvait l’agent au moment de l’apparition de la maladie, doit supporter les charges financières résultant de cette rechute, et ce, même si l’agent a changé d’employeur.
- Le régime des pensions
Pendant longtemps la règle dite du « forfait à pension » empêchait à l’agent d’exercer une action afin d’obtenir une réparation complémentaire pour le préjudice subi par l’agent. L’agent ne pouvait bénéficier que d’une allocation temporaire d’invalidité ainsi que d’une rente viagère d’invalidité, lesquelles ne prennent en compte que le préjudice physique.
Ce principe issu de la jurisprudence, pour son caractère injuste et dérogatoire au droit commun de la responsabilité administrative, était largement critiqué.
Le Conseil d’Etat est donc revenu sur cette jurisprudence restrictive par un important arrêt d’Assemblée du 4 juillet 2003 (CE, 4 juillet 2003, Moya Caville, n° 211106).
Depuis, le fonctionnaire atteint d’une maladie imputable a donc droit à la réparation forfaitaire des dommages corporels, à laquelle s’ajoutent désormais d’une part, la réparation des préjudices esthétiques, moraux, d’agrément et résultant des souffrances subies, et des indemnités complémentaires d’autre part, si la maladie imputable au service résulte d’une faute de l’administration.
Discussions en cours :
bonjour
cet article nous est très utile car mon epoux se trouve dans cette situation
Ce qui est dommage c’est que les décisions de la Commission de réforme ne s’imposent pas à l’administration et qu’on soit obligé de faire une démarche contentieuse su l’administration ne reconnait pas l’imputabilité au service.
bonne reception
Votre site est bien fait . Mais vous êtes la seul à détenir l’information pour obtenir des simples réponses . Difficile de vous joindre et pourtant je vous ai communiquer mon tel:0645996340
je le redis , votre site est bien utile mais un peu difficile à comprendre certain mot juriste ou son sens
bonjour,
je suis rédacteur territorial titulaire d’une collectivité depuis 1986. Aujourd’hui après de nombreuses pressions de mes supérieures hiérarchiques je me retrouve en arrêt longue maladie pour dépression suivie de fibromyalgie (conséquence directe lié à ma dépression) et cela depuis 6 ans. Je me suis battue pour obtenir la reconnaissance en maladie imputable au service, ce qui a été délibéré depuis peu en commission de réforme et a eu un accord favorable. A l’heure actuelle je me retrouve en demi traitement et depuis mi octobre je ne perçois plus mon maintien de salaire. voici ma question : Que dois-je faire aujourd’hui afin de percevoir mes traitements, suis-je en droit de demander des dommages et intérêts pour abus sur personne ? Comment dois-je m’y prendre afin de subir le moins de désagréments possible ?
Merci de votre réponse et de vos conseils, j’avoue être vraiment dépassée par les évènements.
BONJOUR,
je n’ai pas de réponse mais j’ai une question :
Sur quel principe (jugement, CE, TA , etc,,,,, votre fribromyalgie a t-elle été reconnue ???
Car une amie, ayant chuté , a débuté ensuite un fribro et personne ne veut la prendre en charge en prétextant aucun lien de cause à effet !!!
Merci de ce vous pourrez m’apporter
Bonjour,
Je suis fonctionnaire depuis 1999. J’ai été en Congé Longue Maladie de juin 2010 à juin 2013 pour "dépression réactionnelle en lien avec une souffrance au travail" (termes du médecin sur les arrêts de travail). J’ai ensuite repris le travail à mi-temps thérapeutique pendant un an puis à temps plein jusqu’en septembre 2014, date à laquelle j’ai rechuté, mes conditions de travail s’étant fortement dégradées. Après un an de Congé Longue Maladie, je viens de demander un Congé Longue Durée. Jusque là, je n’avais pas osé demander l’imputabilité au service car je craignais des "représailles" de la part de mon employeur. La mise en CLD me fait perdre mon poste de travail, auquel je tenais beaucoup. Aussi ai-je décidé de faire une demande d’imputabilité au service (je n’ai plus rien à perdre), le dossier passe en commission de réforme dans une semaine. Le délai de 4 ans est dépassé de deux mois et je crains que ce "petit dépassement" me fasse perdre mes droits. Ma question est la suivante : vous dites avoir obtenu l’imputabilité au service au bout de 6 ans de maladie, étiez-vous en arrêt de travail pour maladie depuis plus de 4 ans ? D’autre part, en cas de refus, pourrais-je demander une imputabilité pour rechute à compter de septembre 2014 ?
Concernant vos questions, voici ce que je sais : au bout de 6 mois de Congé ordinaire de maladie, on est convoqué chez un expert qui doit se dire si l’arrêt est justifié. Pendant cette première année d’arrêt maladie, on a la possibilité de demander le Congé Longue Maladie (qui est rétroactif). Au bout d’un an de CLM, certaines pathologies (dont la dépression) permettent de choisit entre Congé Longue Maladie et Congé Longue Durée. Le ClM dure 3 ans (1 an ) plein traitement et 2 ans à demi traitement) le CLD dure 5 ans (3 ans à plein traitement et 2 ans à demi traitement). En CLM, on conserve son poste de travail, en CLD on le perd et on peut être réintégré sur une autre position. Le CLD est prolongé de 3 ans en cas d’imputabilité au service. Je n’ai pas de réponse à vos autres questions.
Message destiné à Philippe Benji :
Bonjour,
J’ai lu avec beaucoup d’attention votre message car je suis également une victime de la "dépression suite à un épuisement professionnel". Je suis en arrêt de travail depuis septembre 2015. Le médecin psychiatre qui me suit ainsi que le psychologue du travail ne me confortent pas dans une démarche telle que la vôtre, c’est-à-dire demander l’imputabilité de ma maladie au service car, selon eux, je n’y "gagnerai" pas grand chose. C’est certain que moralement, d’un côté il faut avoir la force d’effectuer une telle demande (après avoir été tant épuisée !) mais de l’autre c’est aussi une forme de reconnaissance de notre maladie (ce que nous cherchons tellement de la part de notre hiérarchie, peu aidante dans mon cas). Et bien oui, c’est aussi le "nerf" de cette guerre car recevoir un demi-salaire est difficile à vivre tant psychologiquement pour nous qui nous nous sommes tant dévalorisés, que pécunairement car notre famille subit aussi cette injustice indirectement donc par notre "faute" qui pourtant n’en est absolument pas une !!
J’aimerais donc savoir où vous en êtes aujourd’hui dans vos démarches en vous souhaitant de bien prendre soin de vous, car là est l’ESSENTIEL...
Bonjour et merci pour cet article très lumineux qui va bien m aider a traverser des difficultés un burn-out notamment ,dû a des conditions de travail très particulières.
Il est plus que recommandé d être bien armé juridiquement face a une collectivité locale qui ne fait généralement pas de cadeaux !
Voilà, merci et bravo a vous
Merci pour les éclairages,
Les informations reçues me permettront d’avancer avec plus de force
dans mes démarches de reconnaissance de maladie professionnelle.
La collectivité dans laquelle je travaille a enregistré de nombreux épuisements et autres maladies liées au stress au travail. Mais sa politique est de ne pas reconnaître les faits.
Donc les agents en congé subissent des préjudices à plusieurs niveaux :
physique,
psychologique (c’est peu dire)
financier
administratif (pression des administrations pour le règlement de dossiers. ex. impôts...)
professionnel...
L’agent outre, sa maladie, doit rester veillatif et réactif pour que le chaos ne s’installe pas dans sa vie.
Quand c’est le cas, il faut savoir que cela constitue une perte à l’échelle de la famille, de l’équipe de travail, et de la société.
D’où la nécessité d’avoir un accompagnement juridique efficace et des professionnels de la défenses des droits des travailleurs, volontaires, pour donner du sens à la démarche de reconnaissance de maladie professionnelle.