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Licenciement et état de santé du salarié
Parution : vendredi 20 mai 2011
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Le licenciement motivé non pas par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié est possible dans les cas où ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder au remplacement définitif de celui-ci.

Un remplacement définitif est un remplacement entraînant l’embauche d’un autre salarié.

Si de nombreuses entreprises ont mis en place des plans de lutte contre les discriminations liées à l’origine ou au sexe du salarié, peu s’intéressent officiellement à l’exclusion de ce dernier selon son état de santé.

Lorsque le contentieux du licenciement est lié à l’état de santé du salarié, il importe dans un premier temps de savoir si son état physique a une origine professionnelle ou non.

En effet, dans l’hypothèse où la cause de la rupture trouve son origine dans une maladie professionnelle, le salarié bénéficie d’une protection particulière depuis la loi n° 81-3 du 07 janvier 1981, non abordée dans notre étude.
Au contraire, dans l’hypothèse d’une maladie non professionnelle, seul l’article L 1132-1 du Code du travail, qui prohibe le licenciement discriminatoire en raison de l’état de santé, protège le salarié malade.

Or, le maintien d’un salarié en congé maladie peut parfois se concilier difficilement avec les impératifs économiques de la société. L’absence prolongée ou les absences répétées peuvent entrainer dans le fonctionnement de l’entreprise des perturbations qui rendront nécessaire le licenciement du salarié.

Fort de ce constat, la conciliation entre les intérêts de l’entreprise et du salarié est une nécessité qui peut toutefois présenter de grandes difficultés dans son application.

Nous verrons dans une première partie les conditions d’un tel licenciement (I) et dans une seconde partie l’apport de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 avril 2011 (II)

I/ Les deux conditions à remplir pour licencier un salarié en raison de son état de santé

A) Première condition : nécessité de son remplacement

Toute absence du salarié malade pouvant être une cause de désorganisation plus ou moins importante de l’entreprise, il appartient à l’employeur d’établir le caractère réel et sérieux de la perturbation générée par la prolongation de l’absence du salarié ou par sa répétition.

Ainsi, tout remplacement dans les tâches du salarié par une solution temporaire (telle par exemple que le remplacement en interne par un CDD ou encore par le recours à une entreprise prestataire de services..) démontre que l’employeur a pu pallier la perturbation causée par l’absence du salarié.
Les juges du fond apprécieront souverainement les perturbations dans l’entreprise causées par l’absence du salarié (Soc., 05 juin 2002 n° 00-41701).

La nécessité de le remplacer n’est donc avérée que lorsqu’il s’agit de le remplacer définitivement.

B) Seconde condition : le caractère définitif de son remplacement

La nécessité du remplacement définitif du salarié malade a été posée clairement par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
Dorénavant, une limite claire est posée : Une perturbation causée par les absences du salarié ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle entraîne la nécessité pour l’employeur de procéder au remplacement définitif du salarié.

L’employeur pourra avoir eu recours à des contrats à durée déterminée ou bien à des contrats d’intérim ou encore des stagiaires, mais pour que le licenciement soit admis, il devra établir que le recours à une situation temporaire n’est plus compatible à ses impératifs et qu’il a entrepris des démarches pour embaucher un salarié dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée ( Soc., 02 mars 2005, n° 03-42800).

Cependant, le caractère définitif du remplacement a fait l’objet de nombreux débats et l’assemblée plénière de la Cour de cassation a été amenée à préciser cette condition.

II/ La précision de la Cour de cassation réunie en Assemblée Plénière du 22 avril 2011 quant au caractère définitif du remplacement du salarié malade

A) Seul le remplacement assuré par un CDI est qualifié de définitif

Par un arrêt rendu le 22 avril 2011, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a précisé une des conditions de validité du licenciement d’un salarié en congé maladie à savoir la notion de remplacement définitif.

En l’espèce, une gardienne d’immeubles en arrêt de travail depuis plusieurs mois pour maladie s’était vu notifier son licenciement en raison des difficultés que la prolongation de son absence causait dans le gardiennage et l’entretien de la copropriété, une entreprise spécialisée dans l’entretien d’immeubles étant désormais chargée des tâches qu’elle effectuait.
Alors que la Cour d’appel de Paris avait jugé que le recours à une telle entreprise pour le remplacement de la salariée avait un caractère définitif, cet arrêt a été cassé par la chambre sociale de la Cour de cassation du 18 octobre 2007, qui considérait que seule l’embauche d’un nouveau salarié peut constituer un remplacement définitif et exclue ainsi de ce cas le recours à une entreprise de prestations de services.
La juridiction de renvoi (Cour d’appel de Paris autrement constituée) résiste à la Cour de Cassation en considérant que ce remplacement pouvait être considéré comme définitif.
L’Assemblée Plénière casse cet arrêt et confirme ainsi la position de la chambre sociale.

La Cour de cassation établit ainsi une distinction entre le remplacement dans les tâches (entreprise de prestation de service) et le remplacement dans l’emploi (CDI).

Seul un remplacement dans l’emploi est à même de justifier que l’employeur ne peut plus surmonter la difficulté l’absence du salarié malade par une solution temporaire.

B) Une solution de la Cour de cassation jugée très rigoureuse.

La rigueur de la chambre sociale de la Cour de Cassation, illustre la différence entre le licenciement pour trouble objectif et le licenciement pour motif économique.
Le motif du licenciement économique doit ainsi être non inhérent à la personne du salarié et a pour effet de supprimer un emploi. Au contraire, le motif du licenciement pour trouble objectif est personnel au salarié et ne doit pas avoir pour effet de supprimer l’emploi mais de pourvoir à un emploi vacant.
Ainsi, admettre que la rupture du contrat de travail ne s’accompagne pas d’un remplacement effectif et définitif du salarié reviendrait à autoriser que le licenciement couvre des suppressions d’emplois hors des règles du licenciement économique.

De plus, cette solution rigoureuse de la Cour de cassation peut s’expliquer par la nécessité de pallier les risques de contournement de motifs prohibés de licenciement comme le fait pour un employeur de se séparer d’un salarié dont il est mécontent.

Rédaction du village

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