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Victimes du « contrat d’avenir », vous avez des droits ! Par Éric Rocheblave, Avocat
Parution : mercredi 8 juin 2011
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Vous pouvez demander au Conseil de Prud’hommes qu’il vous soit alloué : des dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation, une indemnité de requalification de votre contrat de travail, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, une indemnité pour procédure de licenciement irrégulière, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Vous avez été engagé par un établissement public d’enseignements dans le cadre d’un « contrat d’avenir ».

Ce « contrat d’avenir » avait donné lieu à une convention tripartite entre vous-même, l’établissement public d’enseignements et l’ANPE prévoyant une formation d’adaptation au poste occupé.

La relation contractuelle a duré sur trois années (ou moins) et a pris fin, à la suite de deux renouvellements (ou moins) du contrat initial.

Vous considérez que l’établissement public d’enseignements ne s’est pas acquitté de ses obligations et qu’en réalité le contrat conclu doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

En effet, la majorité des titulaires de « contrats d’avenir » font valoir qu’aucune action de formation n’a été organisée durant les trois années pendant lesquelles ils ont été employés.

Vous avez peut-être, comme quelques-uns, bénéficié seulement de quelques journées de formation sans contenu qualifiant et peu en lien avec votre insertion professionnelle future.

Bien souvent, les quelques actions spécifiques de formation dispensées ont été réalisées tardivement, sans progression pédagogique définie et surtout sans grand rapport avec l’objectif initial du contrat d’avenir de faciliter aux intéressés leur insertion sur le marché du travail.

Cette carence résulte clairement des « attestations de compétences » délivrées par les chefs d’établissement à l’expiration des contrats d’avenir.

Cette absence de définition d’un parcours de formation et de mesures d’accompagnement dans la recherche d’un emploi pérenne qui sont au cœur même du dispositif du contrat d’avenir est d’autant plus critiquable de la part d’un établissement public de formation qu’il entre dans sa mission de conduire des actions de formation continue à l’égard des jeunes et des adultes et qu’il dispose pour cela des moyens propres – ainsi que de moyens mutualisés au niveau de chaque académie – pour concevoir et mettre en œuvre de telles actions.

En concluant des « contrats d’avenir », les établissements publics d’enseignements ont d’abord cherché à satisfaire des besoins en personnels auxiliaires.

Ils se sont contentés d’assurer une formation d’adaptation aux tâches qui étaient confiées aux bénéficiaires de ces contrats, sans programme préétabli et sans dispositif de suivi et d’évaluation permettant aux intéressés – qui n’avaient pas vocation à s’intégrer définitivement dans des établissements publics d’enseignements – de pouvoir construire – et valoriser dans leur future recherche d’emploi – une réelle qualification professionnelle au cours des trois années d’emploi.

Les établissements publics d’enseignements ne sauraient – pour s’exonérer de cette responsabilité qui incombe à l’employeur signataire d’un contrat d’avenir – se retrancher derrière les termes de la convention tripartite qui a pour première finalité de déterminer et de coordonner le rôle et les attributions des différents intervenants dans la mise en œuvre des contrats d’avenir et que, compte tenu de la durée des contrats, il leur appartenait en tout état de cause de construire – en mobilisant leurs ressources formatives propres – et d’offrir un accompagnement individualisé en termes de formation et de développement de leur employabilité à chacun des salariés concernés.

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Dans ces circonstances, vous pouvez demander au Conseil de Prud’hommes qu’il vous soit alloué, des dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation, une indemnité de requalification de votre contrat de travail, une indemnité de préavis et des congés payés afférents, une indemnité pour procédure de licenciement irrégulière, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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Le Conseil de Prud’hommes est compétent car le litige ne porte pas sur les termes de cette convention mais sur l’exécution du contrat d’avenir et le non-respect de l’article L. 5134-47 du Code du travail.

Ce n’est donc pas sur l’appréciation d’un acte administratif sur lequel le Conseil de Prud’hommes est appelé à se prononcer.

En outre, les « contrats d’avenir » ne font pas références à l’article 136 de la Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et à son décret d’application n° 88-145 du 15 février 1988 qui permet aux Etablissements Publics de conclure des contrats de travail temporaires sous statut de droit public.

De surcroit, l’article L. 5134-1 du Code du travail dispose que « le contrat d’avenir est un contrat de droit privé ».

Les litiges relèvent donc bien de la compétence des Conseils de Prud’hommes.

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L’ancien article L. 322-4-12 du Code du travail avait été réécrit à droit constant aux articles L. 5134-41 à L. 5134-52.

L’article L. 5134-41 du Code du travail disposait :
« le contrat d’avenir est un contrat de travail privé à durée déterminée conclus en application de l’article L 1242-3 avec l’un des employeurs mentionnés au 3° de l’Article L 5134-38. »

L’article L. 5134-35 du Code du travail disposait :
« Le contrat d’avenir a pour objet de faciliter l’insertion sociale et professionnelle des personnes bénéficiant du revenu minimum d’insertion, de l’allocation de solidarité spécifique, de l’allocation de parent isolé ou de l’allocation aux adultes handicapés.
Il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits.
Le contrat d’avenir donne lieu :
1° A la conclusion de conventions dans les conditions prévues à la sous-section 2 ;
2° A la conclusion d’un contrat de travail entre l’employeur et le bénéficiaire dans les conditions prévues à la sous-section 3 ;
3° Au bénéfice d’une aide financière et d’exonérations dans les conditions prévues à la sous-section 4
. »

L’article L. 5134-47 du Code du travail disposait :
« Le contrat d’avenir prévoit des actions de formation au profit de son titulaire qui peuvent être menées pendant le temps de travail ou en dehors de celui-ci.
Il ouvre droit à une attestation de compétence délivrée par l’employeur et est pris en compte au titre de l’expérience requise pour la validation des acquis de l’expérience
 ».

L’article R. 5134-49 du Code du travail disposait que la convention individuelle tripartite préalable à l’embauche du bénéficiaire comporte :
« 8° la nature et la durée des actions d’accompagnement et de formation »

L’article R. 5134-50 disposait qu’une annexe à la convention individuelle précise :
« 1° Les objectifs, le programme et les modalités d’organisation et d’évaluation des actions d’accompagnement et de formation.
2° Les modalités d’intervention de la personne ou de l’organisme désigné comme référent en application de la sous-section 2 pour le suivi du parcours d’insertion professionnelle du bénéficiaire
 ».

C’est à la lumière de ces dispositions qu’il appartient aux employeurs de rapporter la preuve qu’une formation obligatoire a été proposée au salarié, qu’un projet d’accompagnement professionnel a existé, qu’un référent professionnel a suivi lesdits projets, qu’une quelconque étape d’insertion a été définie.

En effet, la carence de l’employeur dans l’offre de formation à l’égard de salariés titulaires d’un contrat d’avenir enfreint les dispositions de l’article L. 6321-1 du Code du travail tel que rédigé à l’époque de la conclusion des contrats de travail et qui disposait :

« L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme.
 »

La Circulaire DGEFP n° 2005-13 du 21 mars 2005 relative à la mise en œuvre du contrat d’avenir (CA) article 3-1 intitulé « quelles sont les caractéristiques du contrat de travail conclu en application de la convention de contrat d’avenir ?  » précise « qu’il s’agit d’un contrat de droit privé et à durée déterminée conclu en application de l’article L. 122-2 du Code du travail (…). Le contrat d’avenir comprend un volet emploi et un volet formation et accompagnement obligatoire »

Selon la circulaire DGEFP 2005/13 du 21 mars 2005 § 6-2, «  les employeurs sont au premier chef responsables de la mise en œuvre des actions d’accompagnement de formation nécessaires à l’insertion des personnes embauchées en contrat d’avenir.

Les salariés en contrat d’avenir ont accès aux dispositifs de formation et d’accompagnement de droit commun et il appartient aux employeurs de favoriser et de faciliter l’accès de ces salariés à ces dispositifs notamment via les plans de formation des entreprises et le droit individuel de formation »

***

Ainsi, les termes de l’article L. 1222-1 du Code du travail, reprenant l’article 1134 du Code civil, selon lesquels « le contrat doit être exécuté de bonne foi  », n’ont donc pas été respectés.

Les employeurs n’ayant pas rempli les obligations que leur impose le « contrat d’avenir », ils ne peuvent se prévaloir des spécificités de ce contrat.

Les dispositions relatives au contrat à durée déterminée sont d’interprétation stricte.

Le contrat d’avenir est, conformément aux dispositions de l’article L. 5134-41, un contrat de travail de droit privé conclu en application de l’article L. 1242-3 du Code du travail qui autorise la conclusion de contrats à durée déterminée notamment quand l’employeur s’engage pour une durée et dans des conditions déterminées à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.

L’article L. 1245-1 prévoit la requalification en contrat à durée indéterminée lorsqu’un contrat est conclu en violation des articles L. 1242-1 à L 1242-4 du Code du travail.

Il résulte de ce qui précède qu’en concluant des contrats d’avenir sans pour autant assurer une formation professionnelle aux salariés concernés hormis une simple action d’adaptation aux tâches qui leur étaient confiées, bien loin des exigences d’une démarche de professionnalisations, les établissements publics d’enseignements se sont placés volontairement hors du cadre de l’article L. 1242-3 du Code du travail.

Dans ces circonstances, les salariés peuvent à juste titre demander la requalification de leurs « contrats d’avenir » en contrats à durée indéterminé conformément à l’article L. 1245-1 du Code du travail.

En conséquence, les Conseils de Prud’hommes font droit pour chaque salarié aux différentes demandes nées de la requalification du contrat et de la rupture du contrat en accordant pour chacun d’eux :

- En ne satisfaisant pas aux exigences inhérentes à la signature du contrat d’avenir, les établissements publics d’enseignements en tant qu’employeur ont également contrevenu aux dispositions de l’article L. 6321-1 du Code du travail à l’égard de salariés en grande précarité et dont la réinsertion professionnelle à l’issue de trois années de service dans les établissements publics d’enseignements s’avérait très problématique, ce qui s’est vérifié ultérieurement. Dès lors, il est fait droit aux demandes de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation.

- Les salariés ont droit à une indemnité de requalification en application de l’article L. 1245-2 du Code du travail à raison d’au moins un mois de salaire.

- Les employeurs aurait dû se conformer aux articles L. 1232-1 et suivants du Code du travail lorsqu’ils ont souhaité mettre fin aux contrats ce qu’ils n’ont pas fait, les salariés ont droit à une indemnité sur le fondement de l’article L. 1235-2 du Code du travail.

- Les contrats ont été rompus sans préavis, les salariés ont droit à une indemnité compensatrice de préavis – ainsi que l’indemnité de congés payés y afférent – en application des articles L. 1234-1 et L. 3146-26 du Code du travail à raison de deux mois de salaire.

- Les salariés ont droit à une indemnité de licenciement en application des articles L. 1245-2, R. 134-1 et R. 1234-2 du Code du travail.

- La procédure n’ayant pas été respectée, l’application de l’article L. 1235-2 du Code du travail s’impose.

- Les employeurs ont en réalité procédé à des licenciements sans cause réelle et sérieuse de salariés, qui sont parfois toujours sans emploi – le fait qu’ils n’aient bénéficié d’aucune formation ayant sans aucun doute contribué à cette situation -, les salariés sont donc fondés à percevoir des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail.

- Les salariés ont droit à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du CPC.

Cour d’Appel de Bordeaux, 10 mai 2011
Cour d’Appel d’Orléans, 11 mars 2010
Conseil de Prud’hommes de Libourne, 7 avril 2010
Conseil de Prud’hommes d’Angers, 14 avril 2011
Conseil de Digne les bains, 7 avril 2011
Conseil de Prud’hommes de Nevers, 5 avril 2011
Conseil de Prud’hommes de Montluçon, 2 décembre 2010
Conseil de Prud’hommes d’Amiens, 29 septembre 2010

Éric ROCHEBLAVE Avocat au Barreau de Montpellier Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale [->http://www.rocheblave.com]

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