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La protection sociale des expatriés. Par Sandra Thiry, Avocat
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Parution : jeudi 17 novembre 2011
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Lorsqu’une entreprise envoie un salarié à l’étranger, elle doit connaître ses obligations en matière de couverture sociale, mais aussi les démarches à accomplir et les choix qui s’offrent à elle pour offrir une bonne couverture sociale à ses expatriés.
Les obligations en matière de protection sociale découlent soit de la loi, soit de la convention collective. Dans les grands groupes, il faut également tenir compte des politiques de mobilité. Sont concernés tous les employeurs français qui conservent un lien contractuel avec leur salarié, quelle que soit la nature du contrat, et même si le contrat français est mis en sommeil pendant la durée de l’expatriation (à savoir : un contrat est conclu avec l’employeur étranger).
La seule obligation légale pour l’employeur est d’assurer le salarié contre le risque de privation d’emploi, afin qu’il puisse bénéficier, lors de son retour en France, des prestations chômage.
Mais la convention collective peut prévoir des dispositions relatives aux missions à l’étranger et imposer une protection sociale équivalente à la protection sociale française. Si la convention collective ne le prévoit pas, le salarié ne pourra pas se retourner contre son employeur ultérieurement, par exemple pour lui demander de racheter les trimestres manquants (CA Paris, 28 sept. 2004, n°S04/31578). Pour le salarié, il est donc crucial de négocier la protection sociale préalablement au départ.
L’employeur a le choix entre assurer une protection minimum compte tenu de ses obligations légales et conventionnelles, ou au contraire accompagner le salarié dans l’aventure internationale en lui proposant une couverture sociale analogue à celle qu’il avait en France. C’est très majoritairement cette seconde solution qui est retenue, ne serait-ce que pour motiver les candidats au départ.
Par principe, les cotisations sont dues dans l’Etat où l’activité est exercée : les cotisations sont payées à l’étranger et la protection sociale est assurée par le pays d’emploi. Le salarié est alors « expatrié » au sens de la sécurité sociale. En France, l’employeur complétera la couverture sociale étrangère grâce aux caisses expatrié, après avoir comparé les prestations sociales de l’Etat d’accueil versus les prestations françaises. Il arrive également que l’Etat d’accueil ne prélève aucune cotisation pour les ressortissants étrangers, auquel cas l’expatrié est uniquement couvert par le régime français.
Par exception, l’employeur peut « détacher » le salarié, qui est alors maintenu au régime obligatoire français. Le détachement est toujours optionnel, sauf pour les courtes missions de moins de trois mois en Union Européenne.
Plusieurs facteurs guideront le choix de l’entreprise entre détachement ou expatriation : si la mission est de courte durée, si l’employeur a peu d’expérience des situations internationales ou s’il s’agit d’une PME, le détachement peut être privilégié, car l’entreprise, en conservant le régime français obligatoire, est sûre de couvrir son salarié pour l’ensemble des risques. Si la mission est plus longue, qu’il existe une filiale dans le pays d’expatriation pour gérer les affiliations locales, qu’il existe une convention internationale et que les cotisations sociales locales sont faibles voire inexistantes pour les expatriés, il vaut mieux opter pour l’expatriation qui permet souvent de substantielles économies.
Prenons l’exemple d’un salarié qui gagne 50000 € annuels et qui dispose de diverses primes d’expatriation pour un montant de 20000€. Si ce salarié est envoyé un an en Chine, où les expatriés n’ont pas à cotiser localement, les cotisations obligatoires françaises s’élèveront approximativement à 48000 €, part patronale et salariale, tandis que les cotisations aux caisses expatriés peuvent être estimées à 25000 € y compris la mutuelle internationale. Le rapport est donc du simple au double.
Le détachement
Si l’employeur opte pour le détachement, le salarié continuera à cotiser, comme par le passé à l’ensemble des caisses, sur la base du salaire total, y compris les primes d’expatriation (70000€ dans notre exemple).
L’entreprise doit remplir un formulaire de détachement avant le départ à l’étranger, et l’adresser auprès de la CPAM dont elle dépend. Le site du CLEISS (www.cleiss.fr),organisme étatique gérant les relations internationales en matière de sécurité sociale, comporte tous les formulaires utiles pour les pays avec lesquels une convention bilatérale a été conclue, ou pour les pays de l’Union Européenne. Si aucun accord international n’existe, le détachement, dit « de droit interne » s’effectue par le biais de formulaires disponibles sur le site www.ameli.fr. Dans ce cas, le détachement n’exonère pas du paiement des cotisations dans l’Etat d’expatriation.
L’employeur devra conserver toute la couverture française, y compris la mutuelle et la prévoyance groupe, sous peine d’une remise en cause des exonérations des cotisations patronales pour tous les salariés de l’entreprise et donc d’importants redressements URSSAF… En complément, et selon les pays de destination, une mutuelle internationale est recommandée car la CPAM et la mutuelle française ne rembourseront les soins que sur la base des tarifs français. Il convient également de prévoir une assurance rapatriement.
L’expatriation
Les cotisations sont alors dues dans le pays d’accueil et le régime français social des expatriés viendra compléter la couverture sociale locale.
Au minimum, les salariés doivent être affiliés au GARP, la caisse chômage des expatriés. L’affiliation doit être effectuée par l’employeur français dans les 8 jours du départ.et les formulaires peuvent être obtenus auprès du pôle emploi. Lors de la première expatriation, le ou les salariés doivent être consultés pour déterminer la base de cotisation : tout le package, ou le salaire de référence. L’affiliation au GARP ne concerne pas les expatriés au sein de l’Union Européenne, car alors, la législation européenne permet de bénéficier du chômage en France, au retour de l’expatriation, en tenant compte des périodes travaillées et cotisées dans l’autre Etat européen.
La retraite peut être maintenue à titre volontaire par le biais de cotisations à la CFE pour la vieillesse de base, et à la CRE et l’IRCAFEX, gérés par le groupe Taitbout, pour la retraite complémentaire. Les cotisations CFE sont reversées à la CNAV, l’expatrié accumule ainsi ses trimestres comme s’il n’était pas parti à l’étranger. Le cas échéant, des accords bilatéraux internationaux, ou le règlement européen, peuvent prévoir la totalisation des périodes cotisées pour la vieillesse de base, rendant superfétatoire la cotisation à la CFE vieillesse. Ces accords internationaux ne concernent pas les retraites complémentaires : il est hautement recommandé à l’expatrié de demander une extension territoriale de ses régimes de retraites complémentaires, ou une adhésion à la CRE et l’IRCAFEX, pour continuer à accumuler des points retraites pendant sa mission à l’étranger. Selon le cas, l’affiliation à la CFE et à la CRE et l’IRCAFEX s’effectue par l’employeur, désigné entreprise mandataire, ou par le salarié lui-même. Les formulaires sont disponibles sur le site www.cfe.fr et www.novalistaitbout.fr. Ils doivent être remplis avant le départ à l’étranger, pour que la protection sociale soit mise en place dès le premier jour de l’activité à l’étranger.
S’agissant de la maladie, maternité, invalidité, décès, l’entreprise a le choix entre prendre une mutuelle internationale remboursant au 1er euro, ou cotiser à la CFE pour ses risques et faire intervenir la mutuelle en complément. En l’absence de mutuelle internationale, l’expatrié remplira des formulaires de soins à l’étranger, disponibles sur le site de la CFE, et sera remboursé sur la base des taux et des tarifs français. La CFE a des accords avec des hôpitaux à l’étranger permettant au salarié d’être hospitalisé sans faire l’avance des frais. Si l’employeur a souscrit à une mutuelle internationale, les soins sont généralement pris en charge directement par la mutuelle, qui coordonne avec la CFE : le régime est alors similaire à celui que les salariés français connaissent avec leur mutuelle. Bien évidemment, la prise en charge des soins dispensés à l’étranger concerne non seulement le salarié expatrié, mais également ses ayant-droits, apparaissant sous son numéro d’immatriculation dans les formulaires d’adhésion.
Comme dans le cas du détachement, il est recommandé de souscrire une assurance rapatriement.
Le salarié doit aborder la protection sociale sous deux angles : celui des prestations, et celui des cotisations. S’agissant des prestations, il doit vérifier l’étendue de la couverture proposée et se conformer aux recommandations ci-dessus. Notamment, s’agissant de sa couverture retraite, il doit soit demander à être détaché, soit en cas d’expatriation vérifier que le pays d’accueil où il cotisera a conclu avec la France une convention bilatérale de sécurité sociale (liste disponible sur le site du cleiss : www.cleiss.fr), ou à défaut demander l’adhésion à la CFE pour le risque vieillesse ; il doit également demander le maintien des cotisations aux régimes de retraite complémentaire. Pour la maladie, selon le niveau des tarifs applicables dans le pays d’accueil, il est recommandé de négocier la prise en charge d’une mutuelle internationale par l’employeur. Il doit également veiller à désigner comme ayant droits son conjoint et ses enfants, avant le départ à l’étranger.
Sous l’angle des cotisations, le salarié doit s’assurer qu’il ne paiera pas plus de cotisations sociales que celles qu’il aurait payées s’il était resté en France. Ce principe dit de « l’égalisation sociale » est très courant dans les grands groupes. Pour sa mise en œuvre, il suffit de prélever des cotisations sociales théoriques en paie, en complément des cotisations expatriés part salariale réellement dues, afin que le total corresponde à ce que le salarié supportait le salarié avant son départ.
Toutes ces démarches et recommandations ne constituent qu’un point de départ, puisque le salarié doit également négocier son package de rémunération et la prise en charge du surcoût fiscal généré par l’expatriation !
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