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L’Autorité de la concurrence publie ses "bonnes pratiques" en matière de programmes de conformité.
Parution : mardi 21 février 2012
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L’Autorité de la concurrence a publié le 10 février 2012 un document-cadre sur les programmes de conformité aux règles de concurrence. Ce document fournit des recommandations aux entreprises sur la façon de construire un programme de conformité crédible et efficace et précise la façon dont l’Autorité peut les prendre en considération dans le cadre du traitement des affaires d’entente ou d’abus de position dominante. Les principes énoncés dans ce document sont opposables à l’Autorité.

L’objectif de l’Autorité est d’encourager les entreprises à se doter d’un programme de conformité aux règles de concurrence et à y consacrer les moyens nécessaires pour en assurer le succès. Elle met à leur disposition, dans le document-cadre, un recueil de « bonnes pratiques » permettant de contribuer à l’efficacité de ces programmes.

1. Intérêt des programmes de conformité :

- Les programmes de conformité sont destinés à développer une culture de respect des normes ainsi qu’à leur permettre de détecter de possibles manquements à ces règles, de mettre fin à ces manquements et d’en prévenir la réitération ;

- Les programmes de conformité sont un élément important d’anticipation, de maîtrise et de gestion des risques ;

- L’Autorité considère que la mise en place d’un programme de conformité efficace peut jouer un rôle clef en donnant des garanties accrues de responsabilité et de sécurité aux actionnaires et au grand public, en particulier lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est coté(e) en bourse ou contrôlé(e) par l’État.

2. Conditions d’efficacité des programmes de conformité :

Pour que les programmes de conformité puissent être efficaces, l’Autorité estime qu’ils doivent s’attacher à poursuivre deux objectifs :

- Prévenir les risques d’infraction ;

- Donner les moyens de détecter et de traiter les cas d’infraction qui n’ont pas pu être évités.

L’Autorité considère que les programmes de conformité doivent, pour être efficaces, inclure les éléments suivants, qui sont susceptibles de varier dans leur forme selon les caractéristiques de chaque entreprise (taille, secteur d’activités, organisation, culture d’entreprise) :

- L’existence d’une prise de position claire et publique des dirigeants en faveur du respect des règles de concurrence ;

- L’engagement de désigner une ou plusieurs personne(s) chargée(s), au sein de l’entreprise du programme de conformité, ces personnes devant disposer des moyens nécessaires pour assurer cette mission ;

- L’engagement de mettre en place des mesures effectives d’information, de formation et de sensibilisation à destination des dirigeants, des actionnaires, des salariés et des partenaires commerciaux ;

- L’engagement de mettre en place des mécanismes effectifs de contrôle, d’audit et d’alerte ;

- L’engagement de mettre en place un dispositif de suivi du programme de conformité (notamment une échelle de sanctions disciplinaires en cas de violation).

Ces éléments devront être réunis dans une documentation actualisée et facilement accessible à tout le personnel sous format papier ou numérique.

Les indicateurs d’efficacité du programme de conformité proposés par l’Autorité de la concurrence sont les suivants :

- Le fait qu’une entreprise découvre par elle-même qu’elle a commis une infraction grâce à son programme de conformité ;

- Les suites que l’entreprise concernée réserve à cette découverte.

3. Conséquences de l’adoption d’un programme de conformité :

La mise en place d’un programme de conformité ne suffit pas pour obtenir une réduction d’amende. Lorsqu’une infraction a été effectivement commise, l’Autorité estime qu’il n’est en aucun cas justifié de tenir compte de l’existence d’un programme de conformité dans le cadre de la détermination du montant de l’amende. En effet, selon l’Autorité, le programme de conformité ne doit pas être considéré comme une circonstance atténuante ni même une circonstance aggravante.

La réduction d’amende est subordonnée à :

- Une procédure de clémence. Si une entreprise disposant d’un tel programme découvre grâce à celui-ci l’existence d’une entente horizontale secrète entre concurrents, l’Autorité estime qu’il est de sa responsabilité, non seulement de mettre fin à sa participation à cette infraction, mais aussi de présenter rapidement une demande de clémence ;

ou

- La cessation de l’infraction par l’entreprise elle-même pour les infractions non éligibles à la clémence. Si une entreprise qui s’est dotée d’un programme de conformité découvre d’elle-même, avant toute ouverture d’une enquête ou d’une procédure par une autorité de concurrence, l’existence d’une infraction non éligible à la procédure de clémence et y met fin de sa propre initiative, l’Autorité estime qu’elle pourra bénéficier à ce titre d’une circonstance atténuante dans le cadre de la détermination de sa sanction ;

ou

- Une non-contestation des griefs. Lorsqu’une entreprise ne disposant pas d’un programme de conformité se voit notifier des griefs, elle peut renoncer à les contester dans les conditions prévues par le code de commerce et s’engager à modifier son comportement pour l’avenir, notamment en mettant en place un programme de conformité. Lorsque l’entreprise disposait déjà, avant la notification des griefs, d’un programme de conformité ne répondant pas aux bonnes pratiques, elle peut s’engager à l’améliorer. Les entreprises faisant l’objet d’une enquête ou qui sont susceptibles d’en faire l’objet n’ont donc pas intérêt à mettre en œuvre un programme de conformité avant une éventuelle notification des griefs, dès lors que la mise en place d’un tel programme peut être proposée comme engagement.

Si elle accepte une proposition d’engagements prévoyant la mise en place d’un programme de conformité ou l’amélioration d’un programme préexistant l’Autorité accordera, à ce titre, une réduction de sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 10 %. Lorsqu’elle a accepté un engagement de mise en place d’un programme de conformité et l’a rendu obligatoire, l’Autorité sera ultérieurement conduite à en vérifier sa mise en œuvre effective.

Il est important de ne pas se méprendre sur la portée de ce texte et la position de l’Autorité. Du point de vue du régulateur, l’adoption et la mise en œuvre d’un programme de conformité sur le modèle préconisé par le document-cadre ne sauraient en elles-mêmes constituer un élément d’atténuation de la responsabilité de l’entreprise justifiant une réduction de la sanction en cas d’infraction et de poursuites. Une telle réduction n’interviendra en principe que dans le cadre d’une procédure de clémence ou de non-contestation des griefs. L’Autorité conçoit ainsi essentiellement les programmes de conformité comme un instrument supplémentaire pour améliorer la prévention, la détection et le traitement des infractions et considère que ces objectifs – indépendamment de toute incitation financière - devraient être suffisants pour inciter les entreprises à renforcer leur politique de conformité.

Rédaction du village

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