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Entreprises en difficulté : les outils juridiques dont dispose l’entrepreneur. Par Dominique Ducourtioux.
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Parution : mardi 6 novembre 2012
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Plus que jamais, en cette période de crise, les entreprises peuvent être exposées à des difficultés de paiement, dont l’aboutissement peut être la liquidation ou la fin de l’activité. Mais avant d’arriver à cette extrémité, il existe de nombreux moyens d’aider les entreprises à surmonter ces problèmes.
Les remèdes offerts par la loi du 26 juillet 2005, modifiée par l’ordonnance du 18 décembre 2008, sont adaptés à la gravité des maux que peut rencontrer l’entreprise.
Les procédures contenues dans cette loi bénéficient tant aux personnes morales qu’aux personnes physiques (commerçant, artisan, professionnel libéral ou agriculteur), et doivent être considérées comme de véritables outils mis au service de l’entrepreneur, outils qu’il pourra utiliser tant à titre préventif qu’à titre curatif.
Comme pour une maladie, et afin d’éviter une aggravation des difficultés, la loi entend en effet inciter l’entrepreneur à réagir au plus tôt, sans attendre le stade d’une cessation durable des paiements. Des règlements amiables ont ainsi été institués pour se dégager d’une situation de blocage ou pour sortir d’une mauvaise passe.
Le mandat ad hoc, pour se dégager d’une situation de blocage
Lorsque l’entreprise éprouve des difficultés, celles-ci peuvent provoquer une défiance de la part de ses partenaires et de ses créanciers, et entraîner une situation de blocage.
Le mandat ad hoc est donc une procédure préventive destinée à éviter une aggravation de la situation, qui pourrait conduire à la cessation de paiement.
Comment cela se passe-t-il ? L’entrepreneur peut demander au Président du Tribunal que soit nommé un mandataire ad hoc de son choix, avec pour mission de résorber ces difficultés.
La demande doit exposer la situation de l’entreprise, ses difficultés et les remèdes envisagés.
Cette procédure est particulièrement adaptée lorsque les difficultés de l’entreprise revêtent un caractère ponctuel. Elle n’est pas publiée et demeure confidentielle.
La rémunération du mandataire est fixée par le Président du Tribunal, en fonction de sa mission. Le montant de la rémunération est soumis à l’entrepreneur, qui peut refuser de maintenir sa demande de mandat ad hoc si le coût lui paraît trop élevé.
La mission peut prendre fin à tout moment, à la demande de l’entrepreneur.
La conciliation, pour sortir d’une mauvaise passe
La conciliation est également une procédure préventive et amiable.
Elle est destinée aux entreprises connaissant des difficultés financières importantes, mais qui conservent suffisamment de répondant pour pouvoir négocier avec leurs créanciers.
Ainsi, l’entreprise ne doit pas être en cessation de paiements, ou ne l’être que depuis moins de 45 jours.
Cette procédure étant amiable, cela suppose que les créanciers conservent une certaine confiance dans les engagements et la solvabilité de leur interlocuteur.
Comme dans le mandat ad hoc, la demande doit être présentée au Président du Tribunal. Elle doit comporter des informations sur l’entreprise, selon une liste fixée par la loi, ainsi que les mesures envisagées en vue de régler les difficultés.
L’entrepreneur peut proposer le conciliateur de son choix, mais le Président du Tribunal peut désigner le professionnel lui paraissant le mieux adapté. En règle générale, le conciliateur est un praticien des procédures collectives (administrateur ou mandataire judiciaire), ce qui facilite la négociation avec les créanciers auxquels un arrangement est demandé. La rémunération du conciliateur est arrêtée par le Président du Tribunal après accord de l’entrepreneur.
Contrairement aux règlements judiciaires (sauvegarde, redressement et liquidation), la conciliation n’est pas une procédure collective, et ne réunit donc que les créanciers avec lesquels l’entrepreneur souhaite obtenir une modification de ses engagements comme, par exemple, une remise de dettes, l’obtention de délais ou l’octroi de nouveaux concours financiers.
Cette procédure est confidentielle, et le conciliateur aura pour mission de rechercher un accord uniquement avec les créanciers concernés. La mission ne pourra pas excéder cinq mois (quatre mois avec prorogation possible d’un mois).
Si la mission aboutit à un accord avec les principaux créanciers, celui-ci est formalisé par un écrit.
Les créanciers qui n’ont pas accepté l’accord peuvent se voir imposer par le Président du Tribunal des délais de paiement dans la limite de deux ans.
L’entrepreneur peut demander que l’accord soit homologué et, dans ce cas, le jugement sera publié.
Les cautions peuvent se prévaloir de l’accord, de sorte qu’elles ne pourront pas être recherchées par les créanciers signataires tant que l’accord sera respecté par l’entreprise.
Les mesures que nous venons d’examiner peuvent s’avérer insuffisantes. Si l’entrepreneur constate que les difficultés affectent gravement son entreprise et qu’elles ne pourront pas être surmontées par la voie de la négociation avec les créanciers, il a la possibilité de rechercher la protection de la loi. En effet, lorsque les difficultés menacent la pérennité même de l’entreprise, la négociation amiable avec les créanciers n’a plus aucune chance d’aboutir, car l’endettement est trop important et la confiance a disparu. Dans ces cas-là, les règlements judiciaires doivent être mis en œuvre. Il en existe de trois sortes.
La sauvegarde, pour sortir de difficultés insurmontables
La procédure de sauvegarde est ouverte aux entreprises qui sont dans l’incapacité de surmonter par elles-mêmes les difficultés auxquelles elles sont confrontées, mais qui ne sont pas encore en état de cessation de paiement.
La notion de cessation de paiement est définie par l’impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Pour apprécier si le passif exigible peut être couvert par l’actif, il faut prendre en compte les réserves de crédit ainsi que les moratoires dont le débiteur bénéficie.
La sauvegarde prévue par la loi est une procédure collective qui permet à l’entreprise de se redresser.
Dans ce cas de figure, les mesures de sauvetage ne dépendront plus de l’accord des créanciers, elles leur seront imposées.
En fait, la sauvegarde s’analyse comme un redressement judiciaire anticipé, dans la mesure où elle a pour but la continuation de l’entreprise. Les deux procédures, sauvegarde et redressement judiciaire, empruntent d’ailleurs les mêmes dispositions.
Les avantages de ces procédures sont de deux ordres ; d’une part, les dettes antérieures à la saisine du Tribunal sont suspendues, et le cours des intérêts est arrêté, ainsi que les poursuites individuelles ; d’autre part, un plan de continuation est recherché, passant notamment par l’étalement des dettes.
Leurs différences tiennent à la situation de l’entreprise. En effet, dans le cadre de la sauvegarde, l’entreprise n’est pas encore en cessation de paiement. Par ailleurs, la sauvegarde octroie certaines faveurs aux dirigeants et aux cautions. Le dirigeant d’une entreprise en sauvegarde conserve en effet ses pouvoirs qu’il peut exercer seul, sans l’assistance de l’administrateur. Quant aux cautions, elles peuvent se prévaloir du plan de sauvegarde, de sorte qu’elles ne peuvent pas être poursuivies.
Examinons plus avant le déroulement de la procédure de sauvegarde.
L’entrepreneur saisit le Tribunal d’une demande accompagnée des pièces dont la liste est précisée par la loi, et propose, s’il le souhaite, la désignation d’un administrateur de son choix.
Le Tribunal nomme un administrateur, ainsi qu’un mandataire judiciaire qui recueillera les informations sur les créances, et un juge commissaire qui veillera au déroulement de la procédure.
La procédure s’ouvre par une période d’observation limitée à six mois, renouvelable, au cours de laquelle un bilan économique et social est établi, destiné à présenter l’entreprise au Tribunal et à identifier l’origine, l’importance et la nature des difficultés.
Un inventaire des biens de l’entreprise est aussi dressé.
Les créanciers doivent déclarer leurs créances, en vue notamment de connaître le passif de l’entreprise, mais ils ne peuvent pas engager des poursuites pour en obtenir le paiement.
Durant toute la période d’observation, l’entrepreneur conserve ses prérogatives car, même si ses pouvoirs sont encadrés par la loi, il continue d’assurer l’administration de l’entreprise.
En concertation avec l’administrateur, l’entrepreneur établit un projet de plan de sauvegarde comportant des mesures destinées à régler le passif, ainsi que les engagements qui sont nécessaires pour assurer l’avenir de l’entreprise.
Le plan ne peut pas excéder une durée de dix ans (quinze ans pour les agriculteurs).
Le projet est soumis au Tribunal qui peut l’adopter s’il répond aux exigences d’apurement du passif et de continuation de l’entreprise.
Une fois arrêté par le Tribunal, le plan est opposable aux tiers et entraîne la levée des interdictions d’émettre des chèques, qui auraient éventuellement été prononcées avant l’ouverture de la procédure.
L’adoption du plan met fin aux missions de l’administrateur et du mandataire, et l’entrepreneur retrouve sa liberté d’action, sachant toutefois que le commissaire à l’exécution du plan nommé par le Tribunal pour en contrôlera la mise en œuvre.
Le redressement, pour se sortir de la cessation des paiements
Dans le cas d’une cessation de paiements, si la poursuite de l’activité de l’entreprise est néanmoins envisageable, le redressement judiciaire peut être prononcé.
Le redressement obéit sensiblement aux mêmes dispositions que la procédure de sauvegarde : les praticiens nommés sont les mêmes ; la procédure démarre par une période d’observation ayant pour objet l’établissement d’un bilan économique et social ; les avantages concernant la suspension des dettes et l’arrêt des poursuites individuelles sont identiques. Un plan de redressement est aussi arrêté si les conditions de faisabilité sont réunies : apurement du passif et continuité, etc ...
Pour le régime du redressement judiciaire, la loi renvoie d’ailleurs, pour la plupart des dispositions, à celles de la sauvegarde.
Mais il y a cependant une différence sensible avec la sauvegarde. La loi privilégiant cette dernière, afin d’inciter l’entrepreneur à agir avant la cessation des paiements, ce dernier bénéficie d’un traitement moins favorable en cas de redressement. Il perd notamment ses pouvoirs au profit de l’administrateur durant la période d’observation.
Les cautions sont aussi moins bien traitées que dans le cadre de la sauvegarde, dans la mesure où elles ne peuvent pas se prévaloir du plan de redressement. Cela implique qu’elles sont tenues au paiement du solde des prêts contractés par l’entreprise avant le prononcé du redressement.
La fin de l’entreprise : la liquidation
Enfin, si l’entreprise n’a plus d’activité suffisante pour redresser la situation, la liquidation s’impose.
Ainsi, si le redressement est manifestement impossible, ou s’il s’avère qu’au cours de la période d’observation un plan n’est pas réalisable, la liquidation est ordonnée.
Les personnes auxquelles s’appliquent la liquidation sont les mêmes que celles visées par la sauvegarde et le redressement.
Les cautions sont tenues aux engagements qu’elles ont garantis.
Agir à temps et faire appel à un conseil compétent
Il n’est pas anormal qu’une entreprise soit, à un moment ou à un autre de son existence, et pour différentes raisons, confrontée à des difficultés.
Les dispositions relatives au traitement de ces difficultés doivent avant tout être considérées comme une aide destinées aux entrepreneurs soucieux de leur avenir et de l’activité de leur entreprise.
En cas de survenance de difficultés, voire de tiraillements, l’entrepreneur ne doit pas hésiter à consulter son conseil habituel, mais il est aussi indispensable qu’il s’adresse à un praticien du droit pouvant le guider sur les mesures à entreprendre.
L’entrepreneur doit aussi savoir que les professionnels des procédures collectives, administrateur et mandataire judiciaire, ont vocation à rechercher et proposer la solution la plus conforme aux intérêts de l’entreprise lorsque celle-ci a choisi de demander le bénéfice d’une de ces procédures.
Dominique Ducourtioux Avocat. Barreau de StrasbourgCet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).