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Le mirage de la créance forclose en procédure collective. Par Brigitte Ghandour, juriste.
Parution : mardi 15 janvier 2013
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Le droit des entreprises en difficulté oscille en permanence entre la volonté de sauvegarder au maximum l’entreprise en difficulté et respecter les droits des créanciers.
Bien que sa créance ne soit plus éteinte, le créancier forclos n’a que peu de raisons d’espérer être payé.

En procédure collective (Sauvegarde, Redressement Judiciaire ou Liquidation Judiciaire), les créances nées avant l’ouverture de la procédure – dites créances antérieures - sont « gelées », il est interdit de les payer au moins jusqu’au dénouement de la procédure (1).

Ce « gel » répond à un objectif louable : celui de donner un peu d’oxygène à l’entreprise. Mais cette suspension –provisoire – du paiement cache aussi un risque pour le créancier peu vigilant : celui de ne pas être payé du tout.
Les créances « gelées » doivent en effet faire l’objet d’une déclaration auprès d’un professionnel nommé par le Tribunal lors de l’ouverture de la procédure, le mandataire judiciaire. Cette déclaration doit être faite dans les deux mois de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (2). Passé ce délai, la créance est forclose. Qu’est-ce à dire ?

Sous l’empire de la loi de 1985, la forclusion empêchait non seulement de participer à la procédure collective mais entraînait aussi l’extinction de la créance. Le créancier n’avait plus aucun droit à être payé. La loi de 2005 (3), si elle a maintenu la forclusion, a supprimé l’extinction de la créance. Le créancier peut donc garder un espoir d’être payé. Disons-le tout de suite, l’espoir est très mince.

Certes il y a une session de rattrapage pour le créancier forclos, il peut demander au juge chargé du suivi de la procédure, le juge-commissaire, un relevé de forclusion, l’autorisant à déclarer –tardivement- sa créance et à participer au règlement organisé dans le cadre de la procédure (4).
Si le créancier a raté cette occasion, sa créance continue désormais à exister. La loi lui offre une session de rattrapage : en cas d’ouverture d’une autre procédure collective, le créancier pourra réparer son oubli précédent et déclarer sa créance.

Encore faut-il qu’une autre procédure collective soit ouverte…

Encore faut-il que sa créance ne soit pas atteinte par la prescription. L’absence de déclaration ne permettant pas de suspendre le délai de prescription.

Si l’entreprise en difficulté respecte son plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la créance non déclarée ne pourra plus être payée. La loi n°2009-526 du 12 mai 2009, figurant à l’article L622-26 al 2 du Code de commerce est en effet venue préciser qu’une fois la procédure clôturée, le créancier dont la créance était forclose ne peut pas poursuivre l’entrepreneur redevenu in bonis.
En liquidation judiciaire, c’est de longue date que même le créancier non payé à l’issue de la procédure, qui avait pourtant régulièrement déclaré sa créance, ne retrouvait en principe pas de droit à poursuivre son débiteur (5).

Dernier espoir : poursuivre les cautions. Encore faut-il l’avoir prévu…

Notes
(1) A quelques exceptions près, dont les créances salariales.
(2) Le délai de 2 mois pour déclarer une créance court aussi à partir de la notification individuelle adressée par le mandataire judiciaire au créancier titulaire d’une sûreté ou d’un contrat publiés L622-24 du Code de Commerce et Cour de Cassation Chambre commerciale 30 octobre 2012, n°11-22836.
Les créances salariales sont dispensées de déclaration.
(3) Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005_
(4) Le délai pour demander le relevé de forclusion est de 6 mois, voire un an dans certains cas._
Cf art L622-26 al 3 Code de commerce_
(5) Ce principe de non reprise des poursuites est posé par l’article L643-11 du code de commerce qui dresse aussi la liste des exceptions.

Brigitte Ghandour, Formatrice en Droit

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