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Prolégomènes sur le mariage homosexuel. Par David Boccara, Avocat.
Parution : jeudi 7 février 2013
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Le projet d’admettre prochainement au sein de notre droit positif le mariage entre personnes de même sexe pose véritablement problème à plus d’un titre.
Non pas qu’il s’agisse de s’insurger contre une idée nouvelle, car tout ce qui fait réfléchir est bon à entendre, mais des implications à rebours sont à craindre en termes de filiation adoptive qui dépend d’un tout autre registre que celui du mariage ; alors que les deux domaines sont liés quant au mode constitutif traditionnel de la famille.
Le débat de fond devrait reprendre au Sénat.

L’expression de « mariage homosexuel » et autre verbiage du genre ne veut absolument rien dire. Cependant, elle illustre parfaitement le concept pour que ces mots creux puissent constituer une pensée, celle qui précisément a indéniablement paru manquer jusqu’ici, hormis les considérations électoralistes dont chacun sait qu’elles sont animées par l’opportunisme.

Pas plus qu’ « il ne faut multiplier les entités sans nécessité », le mariage entre deux – faut-il préciser cette limitation quantitative ? - personnes du même sexe n’était pas nécessaire dans notre édifice juridique. Ce n’est certes là qu’un symbole. Mais de quoi en réalité ? De rien !

La référence au nominalisme que d’aucuns décèleront n’est pas ici indispensable, sinon pour ce que le terminisme implique quant à la sécularisation, dont Guillaume d’Ockham fut un précurseur, lui qui fut aussi accusé d’hérésie.

Car l’Église que l’on a vu se dresser, au milieu des hordes de ses fidèles amassés, pour jeter l’anathème sur le « gay mariage » indispose autant, sinon plus, que la débauche barbare de mauvais goût, le pire des sacrilèges, de cortèges acclamant avec fracas le « droit au mariage pour tous », sans aucune distinction ni discernement de sexes.

Voir se confronter ainsi quels sont là les partis qui s’affrontent pour l’occasion a véritablement de quoi écœurer, sinon à amuser, dans un contexte de pure foire grotesque.

Ceux-là ne sont pas les défenseurs légitimes ni attitrés du mariage, pas plus du reste que de la famille, ni même - pour solder le compte - de la patrie.

Quant à ceux-ci, pleurnicher sur la faculté de pouvoir s’unir désormais légalement, traduit une sensibilité de midinette si ce n’était revendiqué bruyamment dans un battage d’autant plus dérangeant qu’il eût mérité un vaste débat de fond.

La mariage pour des individus de sexe identique n’apportera rien de plus que ne pourraient le faire d’autres instruments existant au sein de notre ordre juridique.

En droit strict, l’argument tenant à la préservation du « conjoint » est donc faux, sinon délibérément mensonger !

La question du mariage entre personnes du même sexe n’a rien non plus de véritablement constitutionnelle au sens où la norme fondamentale de la nation ne s’occupe pas du sujet qui ne l’implique pas, du moins directement au premier chef.

En effet, selon la terminologie consacrée au domaine, le législateur peut prévoir des règles différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, à condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées des garanties égales.

Or, si la minorité homosexuelle ne l’avait déjà remarqué , l’identité de sexe entre prétendants entre-eux au mariage, quel que soit leur nombre, est un élément substantiel constitutif de vice rédhibitoire fondant une distinction de traitement par la loi qui est résolument fondée en l’espèce. Il n’y a donc là aucune atteinte puisque toute homme et toute femme peut toujours se marier pourvu seulement que son conjoint soit de l’autre sexe.

En définitive, seules deux conceptions se dégagent :

- I - Les tenants du mariage homosexuel n’ont pour eux que le fait que d’autres pays occidentaux, et non les moindres, l’admettent actuellement. Rien de plus !

Or cette optique purement sociétale, reposant sur l’observation des mœurs de nos voisins, a certes valeur instructive sous l’approche sociologique, ce qui n’eût pas déplu à Carbonnier qui nous disait beaucoup respecter la liberté « surtout celle des autres… », mais elle n’en constitue pas pour autant – loin s’en faut - le fondement justifiant la création d’une nouvelle norme.

En ce sens, ce n’est pas parce que certains reconnaissent à nos frontières le mariage homosexuel chez eux que notre for interne doit obligatoirement faire de même. Rien ne l’y oblige, du moins pour l’heure.

La notion d’ordre public qui s’opposerait à une telle reconnaissance en France pour l’un de ses ressortissants marié à l’étranger, à un être du même sexe que lui, est là suffisamment évocatrice à cet égard.

Par contre, un sujet français résidant à l’étranger pourrait faire ce qui lui plait, voire se marier valablement avec quelqu’un du même sexe alors que son statut personnel ne l’admet pourtant pas. Pour autant, son état civil n’en serait nullement affecté puisqu’il ne comporterait pas mention d’une telle union en France.

- II - Les détracteurs selon lesquels notre constitution civile, qu’est notre Code civil, n’est d’aucun véritable soutien aux homosexuels pour qu’ils puissent tenir à se marier.

Pourquoi ? Parce l’organisation de la famille, logiquement, ne concerne naturellement ni traditionnellement pas ceux-ci.

À moins bien sûr qu’il s’agisse de tout autre chose, d’un aspect dissimulé qui ne s’avoue pas d’emblée et qui n’avait jamais été annoncé d’entrée. Et pour cause !

Certes, « il ne faut pas multiplier les explications et les causes sans qu’on en ait une stricte nécessité ».

C’est alors que point à l’horizon, sous les brumes qui l’occultent un autre objectif des tenants du « mariage homosexuel ».

Les débats, maintenant, nous l’apprennent clairement en forme d’aveux : il ne s’agit rien de moins que de filiation elle-même !

Mais alors ce but révélé rétrospectivement est proprement illégitime. Car la filiation ne dépend pas du mariage mais, tout d’abord et principalement, de la naissance.

C’est la filiation légitime qui dépend du mariage, en droit interne. Or la distinction avec celle qui est illégitime est désormais un combat d’arrière garde qui n’a plus lieu d’être.

Au sens originaire, la famille est naturelle. Accessoirement, elle peut être adoptive, comme nous l’apprend le famulus en droit romain : instance d’appartenance et de socialisation primaire.

En tout cas, le mariage n’est pas à cet égard, on le voit, indispensable. Néanmoins, curieusement, de manière suffisamment insolite pour devoir être relevée, il révèle, chez les partisans du « gay mariage », une bien curieuse volonté de conformisme trop étriquée, pour ceux qui – à tort ou à raison - s’en détournent pourtant volontairement de leur propre volonté.

Mais si la famille n’exclut pas celui qui lui appartient parce qu’il est homosexuel, puisque cette appartenance est indéfectible, par contre, il est indéniable que celui-ci se heurtera à des complications pour fonder la sienne « dans ses propres mœurs » ; ce qu’il ne pourra jamais pleinement réaliser sans le secours des fictions juridiques.

Cela étant, cette impossibilité d’engendrer n’est pas sociale : elle est naturelle, évidente et ne découle que de l’ordre spontané des choses puisque, jusqu’à plus ample informé, seuls un homme et une femme ont pouvoir de procréer.

Dans l’Antiquité l’homosexualité était ainsi inscrite « dans les mœurs », beaucoup plus couramment que chez nous. Or, jamais nos devanciers n’ont admis le mariage entre personnes de pareil de sexe, même chez les anciens Grecs si « superficiels - par profondeurs ! », selon le bon mot de Nietzsche .

De nos jours, que représente alors exactement la volonté d’accepter au sein de notre ordonnancement normatif le mariage dit « homosexuel » ? Un phantasme seulement, une lubie comme nous en avons tous, un artifice, un ornement, de la poudre de perlimpinpin.

Et si l’on pouvait écouter chacun – mais pourquoi pas ? - alors envisageons pendant que nous y sommes : la polygamie, voire le mariage avec des choses ou des animaux et même pour se divertir un peu plus, soyons large d’esprit, le mariage entre choses elles-mêmes voire le mariage seul, corollaire de l’EURL.
Ce ne serait pas plus ridicule et pas plus insensé que cela.

Plus sérieusement, pourquoi admettre que des individus de même sexe accèdent au mariage et continuer à limiter à deux personnes seulement la possibilité de s’unir ensemble…
S’il convient de remédier à une certaine fixité de notre droit d’origine romaine, pourquoi ne pas nous élargir complètement les idées ; ce dans le respect complet des partenaires sans aucune discrimination .

Il serait possible de l’admettre en s’assurant du principe d’égalité hommes-femmes afin de ne contrarier ni la Charte européenne des Droits fondamentaux ni la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

Si l’on doit concevoir une évolution du droit civil pourquoi alors se limiter à la stricte notion de couple ? Les mariages à plusieurs pourraient justement permettre là de remédier à l’obstacle de la filiation d’enfants de parents de sexe identique. Car un couple homosexuel pourrait alors sans difficulté insurmontable pouvoir être réputé parent d’un enfant légitime pour peu que leur mariage intègre un tiers de l’autre sexe, qui serait lui-même aussi parent.

Et si Rome n’admit jamais le mariage homosexuel, par contre il est des précédents pour le mariage à plusieurs notamment quant à la polyandrie. Car, hormis les Scythes qui s’établirent en Ukraine, Spartes a connu la polyandrie pour que celle-ci fasse partie intégrante de l’histoire occidentale.

Tout ce bruit ne serait pas si grave si le sujet de l’adoption n’était pas sous-jacent. Or celui-ci ne relève manifestement pas du divertissement car il est grave et pose une interrogation fondamentale sur l’état des personnes qui détermine chaque être et qui structure la personnalité de chacun.

Derrière le mariage entre humains de même sexe réside, sous forme d’enjeu capital, le désir compréhensible d’avoir en commun des enfants. Ce non pas naturellement mais par le biais uniquement de ce que la société permet, sanctionne ou facilite, plus commodément et confortablement que dans l’Antiquité : où dominait le pater familias régnant par la patria potestas.

Alors parvenus un jour prochain à ce stade, les créanciers de droit s’insurgeront à nouveau qui dénonceront bientôt la civilisation qui ne permettra toujours pas d’enfanter aux homosexuels mâles pour stigmatiser une incapacité du progrès médical vecteur d’inégalité par rapport aux femmes qui elles le peuvent toujours.

La paternité n’est pas l’égal de la maternité ; elle est son complément inévitable. Les deux notions ne sont pas identiques ; elles ne sont pas des jeux de rôles.

Pour l’illustrer, le père ne peut jamais échapper à l’action de la mère pour ce qu’elle a enfanté. Par contre, celle-ci peut abandonner sous X. Sur ce plan, l’homme n’est pas l’égal de la femme mais c’est leur altérité qui a justifié le mariage.

C’est donc sur cette complémentarité essentielle sinon fondamentale des sexes qu’est fondé le mariage qui n’est pas qu’une simple association civile ; ce que ne saurait qu’être en définitive le « gay mariage ».

Résolument, on ne fait, jamais aussi bien n’importe quoi qu’en n’y comprenant absolument rien…

David Boccara Docteur en droit DDBLAW Paris Avocat à la Cour de Paris

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