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Le secret médical en Côte d’Ivoire : mythe ou réalité. Par Sanogo Yanourga, Docteur en droit.
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Parution : vendredi 17 mai 2013
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Le secret médical qui compte parmi les droits du patient à l’hôpital est dans bien souvent des cas trangressé par ceux qui ont le devoir de le protéger. Ce principe peut-il être correctement observé dans un pays comme la Côte d’Ivoire qui n’a pas encore posé les bases de son droit médical ?
Les personnels de santé, médecins, infirmiers, sages-femmes, les agents administratifs exerçant au sein d’un hôpital et même les étudiants en médecine doivent obligatoirement observer les règles relatives au secret médical. C’est ce qui ressort des recommandations du serment d’Hippocrate : « Admis à l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés ».
La maladie étant propre à la personne malade, il est tout à fait normal que celle-ci refuse que d’autres personnes soient mises au courant du mal dont elle souffre.
La maladie devient donc une sorte d’information partagée avec soi-même et des proches soigneusement choisis. Hormis ces personnes, le personnel de santé ou les différents professionnels du monde médical qui doivent aider le patient à guérir sont les seuls habilités à recevoir les informations liées au mal dont souffre ce dernier. Ces personnes le sont à cause de leur compétence professionnelle ou tout simplement parce qu’on a une confiance totale en elles.
Pour certains patients, la maladie doit rester secrète parce que très souvent, en fonction de la gravité du mal dont on est victime, on a tendance à développer un certain sentiment de culpabilité. Pendant de nombreuses années et aujourd’hui encore, des personnes atteintes du VIH-SIDA refusaient que soit dévoilée à la face du monde leur maladie. Ces malades se sentaient coupables d’avoir contracté cette maladie. Mais c’est plus l’idée que se ferait le reste de la société qui dérangeait.
Le respect du secret médical est l’un des problèmes de l’hôpital en Côte d’Ivoire. Dès qu’une personnalité politique, un artiste se fait hospitaliser, il suffit de très peu de temps pour que la rumeur envahisse les grandes villes ou le pays tout entier sur sont état de santé. Mais d’où, ou de qui proviennent ces informations ou plutôt ces fuites qui le plus souvent ne sont pas éloignées de la réalité ?
La réponse à cette question est un secret de polichinelle. Il suffit de faire le tour de nos hôpitaux et cliniques pour se rendre compte que le mal s’y trouve et y est entretenu.
La Côte d’Ivoire par la loi N° 628-248 du 31 juillet 1962 a institué un Code de déontologie médicale afin d’encadrer la pratique médicale. L’article 7 de ce Code énonce que : « le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf dérogation par la loi ». Nous estimons que les termes de cet article sont assez vagues, car parler de « secret professionnel » touche de façon spécifique à la profession médicale et au médecin en particulier, mais aussi à toute autre profession. Il aurait été plus intéressant de se focaliser sur le terme médical en parlant de « secret médical », ce qui ramènerait à inclure le patient qui reste tout de même l’élément principal de cette relation.
Ensuite, le fait que le droit déontologique ne concerne que les professionnels, il demeure sans efficacité juridique à l’égard de ceux qui n’appartiennent pas à la profession qu’il régit pose problème. Quelle sanction pourrait subir une personne qui propage des confidences faites à elle par un médecin concernant l’état de santé de son patient ?
Le Code de déontologie médicale ivoirienne permet donc aux professionnels de santé de régler les problèmes qui se posent à eux en comité restreint sans intervention externe (à travers le conseil de discipline). Dans ce contexte, les violations de tout genre pourraient trouver une solution qui encouragerait les contrevenants au code à récidiver.
En France par exemple, le Code de déontologie médicale donne une définition plus large du secret professionnel en son article 4 : « le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret concerne tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu et entendu ou compris ».
Nous constatons que le professionnel de santé ici est tenu par des engagements précis et bien définis par le Code. Et l’article 4 affirme même que le secret professionnel est institué dans l’intérêt du patient. Nous pouvons donc affirmer sans risque de nous tromper que le Code de déontologie médicale française protège mieux les malades que celui de la Côte d’Ivoire qui est portant inspiré du premier.
Si le code français a réussi à s’imposer au monde médical hexagonal, c’est tout simplement parce qu’il a su s’adapter aux différentes évolutions qui ont jalonné son existence. En effet, ce Code contrairement à celui de la Côte d’Ivoire a été révisé plusieurs fois et il a même été intégré au Code de la santé publique en France (l’article 4 du Code de déontologie médicale qui traite du secret professionnel correspond à l’article R.4127-4 du Code de la santé publique). Ce qui accentue son caractère coercitif à l’égard des professionnels du secteur. Parce que les sanctions son correctement énoncées et chacun sait où s’arrête sa liberté et où commence celle des autres.
La violation du secret professionnel en Côte d’Ivoire n’est pas spécifiquement définie dans le Code.
Toute divulgation d’information concernant un patient en dehors des dérogations admises par la loi doit être sanctionnée. Il y a des sanctions disciplinaires et des sanctions pénales. Les sanctions disciplinaires sont l’affaire de l’ordre des médecins. Les articles 75 et 76 du Code de déontologie de Côte d’Ivoire définissent les conditions de la répression de la violation de certains articles du code sans faire cas de l’article 7. Si cet article n’est pas clairement identifié comme pouvant faire l’objet d’une certaine protection, comment voulez qu’il soit respecté. C’est la sanction qui permet de freiner certains abus, si elle n’est pas efficace la règle elle-même aura du mal à s’imposer. Le Code pénal ivoirien lui non plus n’est pas explicite en la matière. Seuls les professionnels de santé ont la capacité et le devoir d’agir conformément aux prescriptions du Code qu’ils se sont imposés. Sans ce sursaut, cette volonté de tout changer, les langues se délieront toujours dans nos hôpitaux et les malades seront doublement victimes : victimes de la maladie et victimes du préjudice moral qui leur aura été causé par la révélation sans leur consentement de leur secret.
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