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Quels recours face à un mauvais placement financier ou un défaut de conseil lors d’un investissement ? Par Romain Daubié, Avocat.
Parution : mercredi 17 juillet 2013
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Qui ne s’est jamais vu proposer un placement financier « avantageux » par son assureur, un courtier en assurance, un conseiller en gestion de patrimoine ou un banquier ?
Quels sont les recours efficaces si les placements s’avèrent non conformes au rendement annoncé ou non adaptés à la situation particulière de l’investisseur ?

1/ Un placement au rendement non conforme aux prévisions

Il peut arriver de faire un placement qui n’obtient pas les rendements annoncés par le conseiller ou les vendeurs desdits produits financiers.
S’il est admissible qu’un placement financier comporte nécessairement des risques, des personnes peuvent se retrouver dans des situations délicates à la suite de s’être fait abusé par des « conseillers financiers » (assureurs, courtiers en assurance, banquiers, conseiller en gestion de patrimoine indépendants…).
Se pose alors la question d’un éventuel recours juridique afin de se faire indemniser de son préjudice.

2/ Responsabilité civile et responsabilité pénale du conseiller

Nous n’évoquerons pas ici les dossiers qui relèvent de l’escroquerie et du droit pénal comme l’affaire de Bernard Madoff et de sa pyramide de Ponzi et ces déclinaisons françaises. En effet, Bernard Madoff a créé des vocations et a servi de modèle. La France a donc ses Madoff de l’Ain, du Var, de l’Essonne, de Touraine…

3/ Cas de l’investisseur floué dans son investissement

Dernièrement, une juridiction du ressort de la ville de Lyon vient de se prononcer sur la responsabilité d’un courtier en assurance, la société Arca Patrimoine, d’un mandataire de ce courtier et d’une société d’assurance. La juridiction lyonnaise a donné raison au demandeur qui a donc pu obtenir d’importants dommages et intérêts.

• Un placement non conforme au rendement annoncé et la problématique des contrats d’assurance vie à frais précomptés

Dans ce cas d’espèce, une personne s’était vu proposer un placement financier alléchant par un conseiller en gestion de patrimoine indépendant (ci-après CGPI).
Ce CGPI avait pour particularité d’être un travailleur indépendant travaillant exclusivement pour un courtier en assurance, la société Arca Patrimoine, en ayant l’apparence d’être un subordonné de cette dernière. En effet, ce CGPI se présentait comme de la société « Arca Patrimoine » et distribuait massivement des cartes de visites à l’entête de ladite société.
Si le juriste fait la différence entre un mandataire et un salarié, la distinction pour une personne non avisée est délicate, sauf à exiger un extrait KBis et un extrait SIREN de tous ses interlocuteurs…

Par ailleurs, ce CGPI privilégiait, curieusement, les produits sur lesquels il percevait le plus de commissions. En particulier, il conseillait des contrats d’assurance vie avec des « frais précomptés ». Dans ce cas, la rémunération de l’intermédiaire est perçue et prélevée sur les fonds placées durant les deux premières années du placement et non durant toute la durée du placement… Pis encore, cette personne conseillait de placer en réduction le contrat d’assurance souscrit au bout des deux années pour souscrire d’autres placements avec des nouveaux frais précomptés… Si l’enrichissement des intermédiaires et conseillers étaient assurés, la bonne gestion des économies du demandeur l’était beaucoup moins…

Les pertes financières s’avérant massives, aidées également par la crise financière mondiale de l’automne 2008, il fallait donc trouver le ou les responsables de cette situation afin d’obtenir pour l’investisseur floué une juste indemnisation.

• Vérification de la validité du contrat d’assurance

Il s’agit de soulever des nullités propres au droit des assurances et, le cas échéant, d’obtenir l’annulation du contrat. Cela a pour conséquence de se voir indemniser à la hauteur du capital versé et de se faire rembourser les frais de l’opération.

En particulier la communication de la note d’information (article L. 132-5-2 du Code des assurances), la communication des conditions générales du contrat (sanctionnée par la nullité des contrats, dans ce sens, par exemple, deux arrêts du 7 mars 2006, Civ. 2 n°05-10366 et n°05-12338) seront à étudier.

De même, il s’agira de vérifier si l’encadré (article L. 132-5-3 du Code des assurances) ou le modèle type de renonciation au contrat (article L. 132-5-2 du Code des assurances) ont été communiqués ou pas.

Le défaut de délivrance de ces documents est sanctionné par la nullité du contrat signé.

Enfin, il s’agira de s’assurer que le délai rétractation de 30 jours de l’article L. 132-5-1 du Code des assurances a été respecté.

• Engager la responsabilité des conseillers

Dans le droit commun des contrats, il existe une obligation de mise en garde, d’information et une obligation de conseil.
Il existe une gradation dans l’intensité de ces obligations qui obéissent à des régimes juridiques divergents.
En résumé, le client doit recevoir une information claire, adaptée à ses connaissances, complète et non trompeuse. Partant, la simple communication de prospectus ou conditions générales ne seraient, à elles seules, satisfaire à cette obligation d’information (Civ. 2ème, 3 juin 2004).
La notion de conseil consiste à faire part de son opinion quant à l’opportunité d’effectuer ou non une opération.
Les conseillers doivent « s’enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d’investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ».
La mise en garde consiste à attirer l’attention de ce dernier sur les risques d’une opération et donc des précautions à prendre.

En l’espèce, la juridiction a alloué une indemnisation importante au demandeur en raison du non-respect de son obligation d’information relative aux risques de pertes de son capital, aux conséquences de la mise en réduction des contrats mais surtout en raison de la disproportion des cotisations des contrats par rapport à ses revenus.

Ainsi, la juridiction a retenu que « attendu que le reproche fait quant au montant important de l’ensemble des engagements souscrits par rapport aux revenus de Monsieur X est fondé dans la mesure où, sauf à rompre les contrats ce qui est de nature à causer un préjudice financier, le total de la charge mensuelle cumulée est quasiment supérieur aux revenus mensuels indiqués par le demandeur à la SA Arca Patrimoine ; que dans la mesure où la SA Arca Patrimoine a été pour l’ensemble des contrats,, le seul interlocuteur de Monsieur X, elle ne pouvait donc pas ignorer l’importance des engagements mensuels ainsi souscrits et à ce titre et dans le cadre d’une bonne exécution de ses obligations contractuelles elle aurait du incliner le souscripteur à limiter les souscriptions, ce qu’elle n’a pas fait, au contraire ; qu’en agissant ainsi elle a commis un manquement dans l’exécution de son obligation contractuelle de bonne information sur le risque lié à un tel endettement, et ce faisant elle a mis Monsieur X dans la situation de supporter des conséquences financières préjudiciables en procédant trop tôt au rachat de certains contrats ou en n’assurant plus les versements mensuels prévus, et elle en sera déclarée responsable ».

En conclusion, l’investisseur floué peut s’adresser à la justice par le biais d’un avocat pour engager la responsabilité des conseillers financiers. En cas de nullité du contrat de l’investissement ou en cas de défaut de conseil du conseiller, une indemnisation pourra être obtenue.

Romain Daubié Avocat [->romain.daubie@avocat-conseil.fr]

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