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Contentieux en matière de raccordement des installations photovoltaïques : un arrêt critiquable du Tribunal des conflits. Par Mounir Meddeb, Avocat.
Parution : jeudi 18 juillet 2013
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Par un arrêt critiquable du 8 juillet 2013, le Tribunal des conflits a décidé que la juridiction compétente pour trancher les litiges relatifs au raccordement des installations photovoltaïques au réseau électrique est l’ordre judiciaire.

Longtemps la question de juge compétent pour trancher les litiges relatifs au raccordement des installations photovoltaïques au réseau électrique a opposé la société ERDF aux producteurs photovoltaïques dans le cadre du contentieux né notamment de l’application du décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil.

Par un arrêt du 8 juillet 2013, le Tribunal des conflits vient de trancher le débat mais dans un sens critiquable.

La convention de raccordement fait partie d’une chaîne de contrats

Certes, comme le rappelle le Tribunal des conflits, « si ce raccordement constitue un préalable technique à la délivrance de l’électricité à EDF et si l’article 5 du décret n°2001-410 du 10 mai 2001 dispose que “la prise d’effet du contrat d’achat est subordonnée au raccordement de l’installation au réseau”, il n’en résulte pas que le contrat de raccordement soit l’accessoire du contrat d’achat de sorte que la qualification de contrat administratif conférée à ce dernier par l’article L.314-7 du Code de l’énergie tel qu’il résulte de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 ne s’étend pas au premier », il n’en demeure pas moins que la convention de raccordement fait partie d’une chaîne de contrats laquelle devait recevoir un traitement uniforme.

En effet, on considère qu’il y une chaîne ou groupe de contrats ou ensemble contractuel lorsque des contrats se succèdent et portent sur une même opération sous-jacente. Cette chaîne peut être homogène si les contrats la formant sont de même nature mais peut être hétérogène si les contrats sont de nature différente.

En l’espèce, pour une installation photovoltaïque, la convention de raccordement constitue le premier maillon de cette chaîne dans la mesure où elle permet de connecter l’installation au réseau public de distribution d’électricité et d’évacuer l’électricité produite. Le contrat d’achat constitue quant à lui le second maillon et permet dans le cadre de cette opération sous-jacente unique, de valoriser l’électricité ainsi évacuée via le réseau. Un troisième maillon pourrait le cas échéant se rajouter à travers la convention d’exploitation.

Ce principe est notamment consacré en matière d’effet relatif des contrats et aurait pu ou dû recevoir une application par le Tribunal des conflits dans le sens de l’attribution d’une compétence unique et globale au juge administratif.

Cette compétence se justifie par le fait qu’en qualifiant le contrat d’achat d’électricité de contrat administratif (Article L. 314-7 du Code de l’énergie), le législateur a entendu explicitement conférer la compétence en matière de contrats d’achat d’électricité au juge administratif.

L’arrêt du Tribunal des Conflits ne tient pas compte du principe de bonne administration de la justice

Comme le démontrent les recours ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal des conflits, les problématiques relevant du raccordement, régies donc par la convention de raccordement et les problématiques relevant du contrat d’achat, régies donc par le contrat d’achat d’électricité sont intimement liées et imbriquées.

Or en application de l’arrêt du Tribunal des conflits, pour un même projet, il appartiendra au porteur du projet de délimiter avec précision l’objet du litige pour déterminer le juge compétent avec tous les risques d’une telle opération de qualification compte tenu de la nature imbriquée des problématiques soulevées par le projet, voire de devoir saisir à la fois le juge administratif et le juge judiciaire pour traiter parfois des aspects identiques mais abordés sous un angle distinct.

Ainsi, si le contrat d’achat n’est plus exécuté en raison d’un problème survenant au niveau du raccordement, les deux ordres juridictionnels seront compétents.

Il est clair qu’il ne s’agit pas là d’une décision qui va dans le sens d’une bonne administration de la justice et peut être de nature à dissuader les porteurs de projet à saisir le juge eu égard à la complexité annoncée.

Dès lors, un bloc de compétence aurait dû être reconnu de manière claire et explicite au juge administratif pour ce qui concerne l’ensemble des aspects électriques des installations de production d’électricité de source renouvelable.

Mounir Meddeb, Avocat à la Cour Docteur en droit mounir.meddeb@energie-legal.com www.energie-legal.com
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