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Lettres-plaintes, présomption d’innocence et responsabilité de l’Etat. Par Sébastien Lagoutte, Juriste.
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Parution : lundi 19 août 2013
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L’envoi de "lettres-plaintes" aux possibles victimes de malversations commises par une société constitue-t-il une violation de la présomption d’innocence susceptible de constituer une faute lourde engageant la responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service de la justice ? (Cass. 1ère Civ. 10 Juillet 2013, pourvoi n°12-23.158)
Des investigations ont été diligentées au cours d’une enquête préliminaire sur des malversations mettant en cause le dirigeant d’une société.
Une lettre circulaire a ainsi été adressée aux clients de cette société en septembre 2007 aux fins de rechercher s’ils avaient ou non été victimes d’infractions.
En janvier 2009, les enquêteurs ont fait parvenir à chacune des victimes potentielles identifiées une "lettre-plainte" mentionnant les délits dont ils pensaient qu’elles avaient pu être l’objet de la part de la société et les invitant à choisir entre ne pas porter plainte ou porter plainte.
Le 23 mars 2009, la société et son gérant ont assigné l’État en la personne de l’agent judiciaire du Trésor en déclaration de responsabilité pour faute lourde résultant d’une atteinte à la présomption d’innocence.
Déboutés de leur demande, ils ont formé un pourvoi en cassation aux termes duquel ils soutiennent que la violation par les services de police judiciaire de la présomption d’innocence est susceptible de constituer une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice sans qu’il soit besoin qu’elle revête un caractère public.
Selon eux, les lettres adressées par les officiers de police judiciaire en charge de l’enquête préliminaire sur la société à différents clients de celle-ci portaient gravement atteinte à la présomption d’innocence de la société et de son gérant dès lors qu’elles présentaient comme acquise leur culpabilité du chef d’un certain nombre d’infractions.
La Cour de cassation ne partage pas cette vision : chaque "lettre-plainte" était individualisée en fonction du destinataire auquel elle était adressée, à qui étaient révélées les seules infractions dont il pouvait être victime, et qu’elle n’était pas destinée à être portée à la connaissance d’autres personnes que son destinataire de sorte que la Cour d’appel a pu décider que de tels envois ne suffisaient pas à caractériser une faute lourde au sens de l’article L.141-1 du Code de l’organisation judiciaire.
Sébastien LAGOUTTE Président Cabinet SL CONSULTING CONSILIUM www.cabinet-sl-consulting.com Twitter : @SASConsilium Google+ : +SébastienLagoutteCet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).