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Le démarchage pour les avocats enfin autorisé : merci à la loi Hamon et (involontairement) aux experts-comptables ! Par Thierry Vallat, Avocat.
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Parution : mercredi 25 septembre 2013
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La fin de la prohibition du démarchage pour les avocats vient d’être adoptée par le Sénat le 13 septembre 2013.
Le projet de loi "Consommation" porté par le ministre Benoît Hamon, et qui vient d’être récemment adopté par le Sénat le 13 septembre dernier s’avère décidément très foisonnant.
Un petit article, coincé entre l’introduction des actions de groupe et la résiliation plus facile des contrats d’assurance est ainsi passé logiquement fort inaperçu, mais va certainement avoir de grandes conséquences pour les avocats français.
Au détour d’un amendement n° 641 présenté par le gouvernement y a en effet été inséré un article 5 quinquies ainsi libellé :
"L’article 3 bis de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, l’avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu’à la sollicitation personnalisée.
« Toute prestation réalisée à la suite d’une sollicitation personnalisée fait l’objet d’une convention d’honoraires. »"
Cette disposition va tout simplement permettre de mettre fin à la prohibition du démarchage qui existe actuellement pour la profession d’avocat !
La France va ainsi se conformer à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 5 avril 2011 (Affaire C-119/09, Société fiduciaire nationale d’expertise comptable) estimant que l’article 24 paragraphe 1 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui interdit totalement aux membres d’une profession réglementée, telle la profession d’expert-comptable, d’effectuer des actes de démarchages."
Cette décision s’appliquant également à la profession d’avocat, la Commission européenne avait adressé à la France une demande d’information relative au non-respect de la "directive services".
En conséquence, la France se devait de mettre sa réglementation en conformité avec les exigences européennes : c’est désormais chose faite.
Rappelons que jusqu’à présent, « le fait d’offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d’un contrat aux mêmes fins, notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d’une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public » était interdit aux avocats.
En effet, l’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 punit d’une amende de 4.50 euros, et 9.000 euros si récidive, ainsi que d’un emprisonnement de 6 mois "quiconque se sera livré au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique."
De plus, l’alinéa 3 de l’article 15 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 rajoute que "toute offre de service personnalisée adressée à un client potentiel est interdite à l’avocat.", ce qui était repris à l’article 10-2 de notre règlement intérieur national de la profession d’avocat qui interdit tout acte de démarchage aux avocats.
Cette prohibition va pouvoir être levée et les textes adaptés, mais attendons surtout les conditions qui seront fixées par le décret à venir.
On dit néanmoins d’ores et déjà merci, pour une fois, aux experts-comptables pour leur contribution involontaire à cette évolution, dont on espère qu’elle sera une avancée et pas un nouveau terrain de chasse pour les braconniers du droit !
Thierry Vallat, Avocat www.thierryvallatavocat.comCet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).
Bravo pour ce courage de dénoncer une situation que peu de personnes ne relèvent ou feignent de ne pas voir.
Frédéric Bontemps
Merci de votre intérêt pour cet article !
Question probablement idiote mais peut-on penser que dès aujourd’hui un avocat ou un cabinet peut faire de la publicité (bannière publicitaire sur des sites spécialisés ou simplement même sur les pages jaunes, référencement payant google etc... sans prendre le risque de se heurter au conseil de l’ordre ?
Question pertinente et oh combien d’actualité : Il faudrait de toute manière, comme aujourd’hui, respecter l’article 10.1 de notre règlement intérieur et donc les grands principes de notre déontologie, ce qui semble devoir radicalement exclure tout aspect commercial. Je rappelle juste pour information que ledit article 10.1 dispose que " Le site de l’avocat ne peut comporter aucun encart ou bannière publicitaire pour quelque produit ou service que ce soit" Bien entendu, on voit beaucoup de sites, et pas des moindres, qui ne respectent malheureusement pas ces règles.
Donc, en théorie, pas de publicité autre qu’informative.