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Le licenciement pour faute de son conjoint salarié. Par Michel Ribas.
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Parution : vendredi 27 septembre 2013
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S’il arrive que des conjoints travaillent ensemble dans une même entreprise, la situation peut se compliquer lorsque l’un des deux est le salarié de l’autre dans une relation professionnelle affectée par une procédure de divorce.
I) L’existence d’un lien de subordination entre les conjoints
La question de l’existence d’un contrat de travail entre mari et femme s’est posée pour torpiller la mise en cause, devant le conseil des prud’hommes, de l’employeur par son époux ou son épouse.
Le conjoint chef d’entreprise peut avoir ainsi la tentation de mettre en évidence l’incompatibilité d’un lien de subordination, qui est le caractère d’une relation salariée, avec les traditionnels liens conjugaux qu’on peut observer entre mari et femme.
Dans une affaire où la femme gérante de l’entreprise avait licencié son mari pour faute lourde, les juges ont estimé que le mari participant effectivement à l’activité de la société de son épouse à titre professionnel et habituel et qu’il percevait une rémunération égale au Smic, la relation salariée était établie .
Les magistrats avaient, en outre, ajouté que l’existence d’un lien de subordination n’était pas une condition d’application des dispositions du Code du travail invoquées par la chef d’entreprise. (Cass.soc. 6 novembre 2001
n° 99-40756)
Dans un autre dossier, les juges avaient indiqué que le mari avait assuré pendant vingt ans des fonctions de conducteur de travaux moyennant un salaire accompagné de bulletins de payes, qu’il "n’était pas prouvé qu’il avait pu s’octroyer la plus grande liberté dans ses heures de travail sans réaction de la gérante" (sa femme), et qu’en conséquence, "il n’était nullement établi que le contrat de travail apparent ait été fictif (Cass.soc. 6 octobre 2010 n° 09-68962)
Des juges d’une Cour d’appel avaient, avec un peu d’ironie, dans une affaire d’emploi non déclaré ( l’homme étant le travailleur clandestin de sa femme ) estimé que le mari "était sous les ordres de son épouse, autant que les relations conjugales permettaient cet état de choses..." (Cour appel Riom 3 juillet 2003)
II ) La modification du contrat de travail du conjoint dans le cadre d’une procédure de divorce
Un expert comptable, en instance de divorce, avait retiré la signature et la gestion du cabinet à son épouse salariée.
Celle-ci a pris acte de la rupture du contrat de travail invoquant une modification unilatérale de ses fonctions.
La Cour de cassation devant laquelle la salariée avait formé un pourvoi, avait reproché aux juges d’appel de ne pas avoir recherché si la femme de l’expert comptable n’était pas en fait essentiellement chargée de la gestion du cabinet, auquel cas on se trouverait dans la configuration d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat devant se traduire par la condamnation de l’employeur pour un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. (Cass.soc.12 décembre 2012 n° 11-23025)
Dans un autre dossier, la femme gérante de l’entreprise où son mari était salarié avait réduit la rémunération de ce dernier de 40 % avant d’entamer une procédure de divorce.
Son mari, ayant développé un contentieux très longtemps après cet événement, les juges ont néanmoins estimé qu’en matière de modification importante du contrat de travail, "l’absence de contestation même pendant plusieurs années ne saurait faire la preuve de l’acceptation." (Cass.soc.
6 octobre 2010 n° 09 -68962)
III) Les fautes graves reprochées au conjoint
Suite à une ordonnance de non-conciliation des époux, Mme X n’avait pas repris ses fonctions au sein du laboratoire d’analyses médicales dans lequel elle était employée par son mari.
Celui-ci l’a licencié ...au bout de deux ans et demi d’absence au motif d’un abandon de poste.
La Cour de cassation, approuvant les juges d’appel, avait estimé que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que "l’abandon de poste, qui présente un caractère instantané, ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois et se trouvait donc prescrit." (cass.soc. 29 janvier 2003 n° 01-40036)
Dans une autre affaire, les juges ont approuvé le licenciement pour faute grave d’un ambulancier d’une entreprise gérée par son épouse pour utilisation frauduleuse du chéquier de la société. (Cour appel Pau 17 mars 2008 RG 06/02641)
En revanche, doit être qualifié d’abusif le licenciement de l’épouse salariée d’un gérant d’entreprise qui avait manifesté violemment contre son conjoint, sur les lieux de travail, pour réclamer le paiement de ses derniers salaires mensuels et pour protester contre le contrôle oppressant assuré par la secrétaire particulière de son mari, sur son activité professionnelle.(Cass.soc. 4 février 1976 n ° 74-40387)
Si à la lecture de ce contentieux entre époux au sein d’une relation de travail et sur fonds de procédure de divorce, on voit que l’on peut aboutir parfois au licenciement d’un des conjoints par l’autre, on peut aussi se demander, si dans d’autres hypothèses, le licenciement pour faute de son conjoint ne pourrait pas être invoqué par l’autre partie comme un motif légitime de divorce ?
Michel RIBAS formateur en droit social http://ribasformations.wifeo.com/Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).