Village de la Justice www.village-justice.com

L’expulsion d’un locataire. Par Victoire de Bary, Avocat.
Parution : mercredi 6 novembre 2013
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/expulsion-locataire,15530.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Alors que la période de trêve hivernale vient de commencer, il apparaît utile de rappeler qu’obtenir l’expulsion d’un locataire n’est pas chose facile.

En effet, une fois la décision ordonnant l’expulsion obtenue, la mise en œuvre de cette mesure n’est pas immédiate ce qui peut parfois décourager les bailleurs de louer leur bien.

Il suffit toutefois de suivre une procédure rigoureuse pour obtenir cette mise en œuvre.

Dans tous les cas, l’expulsion résulte d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire document qui constate l’accord des parties sur la libération des lieux, et signé à la fois par les parties et par le juge devant lequel l’accord a été trouvé. [1]

Plus précisément, la décision doit ordonner l’expulsion des locataires et de tous occupants de leur chef, avec l’assistance de la force publique si besoin est.

Les huissiers ayant le monopole légal de l’exécution forcée en vertu de l’article L 122-1 du Code des procédures civiles d’exécution, ce sont eux qui vont mener la procédure d’expulsion.

C’est donc avec l’huissier qu’il faut suivre, pas à pas, le déroulement de cette procédure d’expulsion, ce qui permettra, finalement, d’obtenir la restitution des lieux et, le cas échéant, l’indemnisation des préjudices subis.

La procédure à suivre est faite d’étapes dont les délais sont imposés par les textes.

Tout d’abord, à réception du jugement ordonnant l’expulsion, il convient de le faire signifier.

Cette signification, qui intervient par acte d’huissier, fait courir le délai d’appel (un mois à compter de la signification s’il s’agit d’un jugement moins de 15 jours s’il s’agit d’une ordonnance de référé) et il est donc important d’y procéder au plus tôt.

Il est important d’attendre l’expiration du délai d’appel puisqu’en principe, l’appel interrompt la procédure d’expulsion. Néanmoins, si l’exécution provisoire a été prononcée, seul le Premier Président de la Cour d’Appel pourra interrompre la procédure d’expulsion.

L’huissier doit ensuite délivrer un commandement de quitter les lieux (ou de délaisser) qui obéit, à peine de nullité, à des conditions très strictes de forme et de contenu détaillées à l’article R 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

Ce commandement de quitter les lieux donne aux occupants un délai de deux mois pour restituer les lieux.

Il doit être notifié au préfet par courrier recommandé avec accusé de réception.

C’est la réception par le Préfet, de la notification, qui fait courir le délai de deux mois prévu par le commandement.

Si le juge ayant ordonné l’expulsion a lui-même accordé un délai aux occupants, ces délais s’ajoutent [2] : le concours de la force publique ne peut être valablement requis pendant ce délai.

Lorsque le délai de deux mois est expiré, l’huissier peut enfin tenter d’expulser les occupants et, en cas d’échec, requérir le concours de la force publique.

L’article R 153-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que la réquisition est accompagnée d’un exposé des diligences auxquelles l’huissier a procédé et des difficultés d’exécution.

Cet exposé a pour objet non d’habiliter le préfet à porter une appréciation sur la nécessité de demander le concours de la force publique, cette appréciation relevant de l’huissier, mais de l’éclairer, le cas échéant, sur la situation et sur les risques de troubles que l’expulsion peut comporter.

Dans ces conditions, l’existence d’une tentative matérielle d’exécution du jugement d’expulsion de la part de l’huissier à l’issue du délai donné par le commandement de quitter les lieux aux occupants n’est pas une condition légale de l’octroi de la force publique [3].

A compter de la réquisition du concours de la force publique, l’administration dispose d’un délai de deux mois pour répondre, étant rappelé que son silence vaut refus.

Le préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de donner suite ou non à la demande. Il peut donc surseoir au concours de la force publique, s’y opposer en raison de l’impossibilité de reloger les occupants ou du risque de troubles à l’ordre public ou l’accorder, immédiatement ou de façon différée.

Quoi qu’il en soit, l’Etat est chargé d’exécuter les décisions de justice et son refus engage sa responsabilité à l’égard du propriétaire qui peut alors être indemnisé s’il en fait la demande. Notons que la demande d’indemnisation permet, généralement, de débloquer la situation et d’obtenir le concours de la force publique.

Enfin, il faut rappeler qu’aucune expulsion n’est possible pendant la période de trêve hivernale qui est régie par l’article L 613-3 du Code de la Construction et de l’habitation. [4].

Cependant, l’expulsion reste possible, y compris pendant la trêve hivernale, dans les cas suivants :

-  si le relogement des intéressés est assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille.
-  lorsque l’immeuble occupé a fait l’objet d’un "arrêté de péril".
-  lorsque les occupants sont entrés dans les lieux par voie de fait.
-  lorsqu’il s’agit de l’expulsion d’un conjoint violent ordonnée par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 220-1 du Code Civil.
-  si les lieux sont vides de tout occupant, et inoccupés de façon prolongée. [5]

Au total, les délais sont généralement d’au moins 5 mois à compter de la décision prononçant l’expulsion, sachant qu’à chaque étape, le locataire peut saisir le juge de l’exécution d’une demande tendant à l’octroi de délais complémentaires.

C’est pourquoi il est important d’engager la procédure dès les premiers incidents de paiement du loyer.

Victoire de BARY Avocat Associé www.sherpa-avocats.com

[1article L 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution

[2article L 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution

[3voir CE, 14 novembre 2011, n°343908, mentionné aux tables

[4période du 1er novembre au 15 mars de l’année suivante

[5Civ. 3ème, 20 novembre 1991, Bull. III, n°279, p 164

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).

Comentaires: