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Précisions sur le recours à l’enquête publique préalable en matière d’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Par Antoine Louche, Elève-Avocat.
Parution : jeudi 7 novembre 2013
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La décision par laquelle le préfet fixe les prescriptions initiales applicable à une ICPE soumise à autorisation est assujettie à la procédure préalable de l’enquête publique. Cette soumission au régime de l’enquête publique préalable trouve à s’appliquer en toute hypothèse, y compris lorsque l’autorisation et les prescriptions du projet n’ont pas été prises dans un même acte. Ces deux éléments constituent un tout indissociable.

En l’espèce, la société Guy Dauphin Environnement avait sollicité une autorisation d’exploitation d’un centre de stockage de déchets non dangereux ultimes et un centre de tri de déchets industriels banals, relevant tous deux de la législation sur les ICPE.

Le préfet de l’Orme ayant refusé de délivrer l’autorisation sollicitée, la société a formé un recours en annulation à l’encontre de cette décision.

Par jugement en date du 18 février 2011, le Tribunal administratif de Caen a, d’une part, annulé le refus opposé par le préfet de l’Orme et, d’autre part, délivré l’autorisation sollicitée. Ledit Tribunal a également renvoyé la société requérante devant le préfet afin que soient fixées les prescriptions applicables à ces installations.

Par arrêté en date du 12 juillet 2011, le préfet a fixé ces conditions.

Trois associations ont demandé la suspension de l’exécution de cet arrêté préfectoral sur le fondement des dispositions de l’article L. 123-16 du Code de l’environnement.

Par trois ordonnances, le juge des référés du Tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes. Ces trois associations ont alors formé des pourvois en cassation à l’encontre de ces ordonnances.

Le Conseil d’Etat a tout d’abord logiquement décidé de statuer par une même décision sur ces trois pourvois dirigés contre le même arrêté préfectoral.

Aux visas des dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-1 à -3 du Code de l’environnement, la Haute Assemblée a indiqué qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’autorisation d’exploiter une ICPE est indissociable des prescriptions qui l’accompagnent, l’installation projetée ne pouvant, en l’absence de ces prescriptions, fonctionner dans des conditions permettant, le respect des intérêts visés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement.

La logique du principe dégagée par ce considérant est indiscutable et renvoie à une conception objective et d’ensemble du projet d’exploitation de l’installation en cause. Ce projet ne pouvant être envisagé qu’à l’aune de ses conditions d’exploitation. Ces deux éléments sont indissociables l’un de l’autre.

Partant de ce principe, les juges du Palais Royal ont également indiqué que dans le cadre d’une procédure de suspension de l’exécution d’une décision en application des dispositions de l’article L. 123-12 du Code de l’environnement, procédure dans laquelle aucune urgence ne doit être démontrée par le requérant, l’arrêté fixant les prescriptions initiales applicables à l’ICPE doit être regardé comme une décision soumise à une enquête publique préalable.

Or, dans la mesure où une enquête publique a eu lieu dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation d’exploitation, le préfet n’est pas tenu de procéder à une nouvelle enquête publique pour édicter les prescriptions dudit projet.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a censuré pour erreur de droit les ordonnances attaquées. Le premier juge ayant considéré que l’arrêté par lequel le Préfet fixe les conditions d’exploitation d’une ICPE n’est pas soumis à enquête publique préalable.

Statuant sur l’affaire au fond, la Haute Assemblée a tout d’abord rappelé que le commissaire enquêteur, en l’espèce, a émis un avis défavorable pour le projet de stockage de déchets et un avis favorable assortis de réserves pour le projet de tri de déchets, qui au regard des réserves formées doit être regardé comme constituant un avis défavorable.

Le Conseil a ensuite écarté comme étant inopérant la quasi-totalité des autres moyens soulevés par les associations requérantes.

En effet, l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal administratif de Caen du 18 février 2011 fait obstacle à ce que le Préfet puisse remettre en cause l’autorisation délivrée par ledit Tribunal.

Enfin, les juges du Palais Royal ont considéré que les autres moyens soulevés ne sont pas de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du 12 juillet 2011.

In fine, le Conseil a donc rejeté les demandes formées par les associations requérantes après avoir annulé l’ordonnance attaquée.

Références : CE, 18 octobre 2013, Centre national d’information indépendante sur les déchets, n°366508

Antoine Louche, Avocat associé chez Altius Avocats www.altiusavocats.fr

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