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Précisions sur l’action en réparation d’un accident de service. Par Antoine Louche, Élève-Avocat.
Parution : mercredi 11 décembre 2013
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Les dispositions de la législation sur les accidents de service ne font pas obstacle, d’une part, à ce que l’agent qui a enduré, du fait de l’accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d’agrément, obtienne de la collectivité qui l’emploie, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l’atteinte à l’intégrité physique. D’autre part, à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l’accident serait imputable à une faute, de nature à engager la responsabilité de cette collectivité.

En l’espèce, un agent d’un l’institut médico-éducatif départemental recruté en qualité d’agent d’entretien spécialisé par contrat à durée déterminée, titularisé par la suite, a été victime d’un accident durant son service le 16 janvier 2006.

L’intéressée a ressenti de vives douleurs aux lombaires qui ont immédiatement été diagnostiquées en un lumbago aigu avec sciatique droite.

Cet accident a été reconnu imputable au service et l’intéressée a été placée en congé maladie.

Le 19 juillet 2007, la commission de réforme a proposé son placement en congé longue maladie en évaluant son incapacité permanente partielle totale à 12%, décomposés en un taux de 5% imputable à l’accident de travail et à un taux de 7% non imputable à cet accident en raison de l’existence d’une pathologie antérieure invalidante que présentée l’intéressée.

Le 18 février 2010, le comité médical départemental a émis un avis favorable à la mise à la retraite d’office de l’intéressée pour invalidité totale et définitive à toute fonction à compter du mois de juin 2010.

Cette dernière sera finalement mise à la retraite pour invalidité et radiée des cadres à compter du 1er février 2011.

L’agent a formé un recours de plein contentieux tendant à la condamnation de son employeur à l’indemniser des conséquences dommageables de son accident de travail à hauteur de 35 000 € et a sollicitée une expertise.

Par jugement en date du 22 octobre 2010, le Tribunal administratif de Nice a reconnu la responsabilité de l’institut et mais à limité le montant de sa condamnation à 1 000 € correspondants aux douleurs subies par l’intéressée dans le cadre d’un régime de responsabilité sans faute et a rejeté le surplus des conclusions de l’intéressée.

Cette dernière a lors interjeté appel de ce jugement.

La Cour d’appel administratif de Marseille a tout d’abord prononcé l’annulation du jugement attaqué en ce que ce dernier avait méconnu les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

En effet, le Tribunal administratif de Nice n’avait pas appelé en déclaration de jugement la CPAM des Alpes-Maritimes alors que cette dernière avait exposé des frais et débours à la suite de l’accident de travail de l’intéressée.

Plutôt que de renvoyer l’affaire audit Tribunal, la Cour a décidé de trancher au fond le litige dans le cadre de l’évocation.

La Cour a tout d’abord rappelé le principe selon lequel l’agent victime d’un accident de service peut engager contre la collectivité qui l’emploie une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble de son dommage, dans le cas notamment où l’accident serait imputable à une faute de cette collectivité de nature à engager sa responsabilité (CE, 4 juillet 2003, n°211106).

Les juges d’appel marseillais ont ensuite procédé à une analyse des circonstances de l’espèce pour déterminer si l’institut avait ou non commis une faute.

En l’espèce, l’agent avait été recruté comme travailleur handicapé notamment en raison de la scoliose que cette dernière présentée depuis l’enfance.

A la suite d’un arrêt de travail survenu en 2005, le médecin du travail a pu indiquer à l’occasion de deux visites médicales survenues entre juin et septembre 2005 qu’il convenait d’affecter l’agent sur un poste allégé sans effort et qu’à ce titre un reclassement était à envisager.

Or, malgré ces éléments médicaux, et une demande de l’intéressée de se voir affecter à un poste de secrétariat-accueil, l’institut a affecté cette dernière lors de sa reprise sur un poste en lingerie-buanderie, poste dont il n’est pas contesté qu’il comporte des tâches de transport et manipulation de linge qui sont incompatibles avec les prescriptions médicales sus-rappelées.

Cette affectation constitue une faute en lien suffisamment direct et certain avec l’accident de service dont a fait objet l’intéressée, élément qui a permis à la Cour de considérer que la responsabilité pour faute de l’institut était engagée en l’espèce.

A cette occasion les juges d’appel marseillais ont indiqué, dans le cadre d’un considérant de principe que « les dispositions de la législation sur les accidents de service ne font pas obstacle, d’une part, à ce que l’agent qui a enduré, du fait de l’accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d’agrément, obtienne de la collectivité qui l’emploie, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l’atteinte à l’intégrité physique. D’autre part, à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l’accident serait imputable à une faute, de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ».

La Cour a ensuite déterminé l’indemnisation à laquelle pouvait prétendre l’intéressée.

Elle a fixé à un montant total de 12 000 € le montant de son préjudice extra-patrimonial et a ordonné une expertise pour fixer le montant de son préjudice patrimonial, comme l’y autorise et invite son office de juge de plein contentieux (pour un exemple récent voir notamment CE, 23 octobre 2013, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, n° 360961).

Références : CAA Marseille, 1er octobre 2013, n°11MA00158 ; CE, 4 juillet 2003, n°211106 ; CE, 23 octobre 2013, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, n° 360961

Antoine Louche, Avocat associé chez Altius Avocats www.altiusavocats.fr

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