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Contrefacon de brevet : indemnisation. Par Frédéric Wagret, CPI.
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Parution : vendredi 13 décembre 2013
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L’indemnisation octroyée aux titulaires de brevet comporte d’une part le dédommagement du fait de l’atteinte au brevet, et d’autre part le manque à gagner résultant de la contrefaçon.
Nous nous intéressons ici au manque à gagner.
Deux cas peuvent se présenter, selon que le breveté exploite ou non son invention.
1) Si le breveté n’exploite pas l’invention brevetée, son manque à gagner est généralement calculé sur la base d’une redevance de licence qu’il aurait perçue si la contrefaçon n’avait pas eu lieu.
Cependant, pour tenir compte du fait que l’exploitation par le contrefacteur n’était pas autorisée, le taux de cette redevance est généralement supérieur au taux usuel qu’un licencié aurait obtenu par négociation (donc sans contrefaire). Le taux est fixé soit directement par les magistrats, soit sur proposition d’un rapport d’Expert judiciaire nommé par ces derniers.
Un jugement du TGI de Paris du 24 mai 2013, apporte des précisions sur cette licence et énonce que celle-ci doit être « équitable, raisonnable et non discriminatoire ».
Un moyen simple et pratique pour calculer cette redevance est d’appliquer un coefficient multiplicateur (entre 1,1 et 1,5 ou parfois plus) au taux usuel de redevance dans le domaine concerné.
2) Dans le cas où le breveté exploite son invention, le calcul de l’indemnité est différent. L’indemnité inclut un montant égal au produit du chiffre d’affaires réalisé par le contrefacteur par la marge brute du breveté.
Cependant, se pose la question de savoir si le breveté aurait eu la capacité technique et/ou commerciale de fabriquer et réaliser la totalité des ventes faites par le contrefacteur. En effet, selon le principe fondamental de notre Droit, on ne peut « redistribuer » au breveté tout le gain du contrefacteur, mais seulement ce que le breveté aurait pu vendre en l’absence de contrefaçon.
Le contrefacteur tente souvent d’invoquer « l’incapacité » du breveté à réaliser toutes les ventes qu’il a faites, de façon à réduire la masse contrefaisante, et donc l’assiette sur laquelle est calculée l’indemnité. Cette « incapacité » peut être due, par exemple, à la grande différence de taille économique entre le breveté et le contrefacteur.
Dans une affaire récente, un contrefacteur a invoqué l’argument selon lequel l’appareil contrefaisant présentant des améliorations, le breveté n’aurait donc pas été en mesure de fabriquer et vendre la totalité des appareils vendus par le contrefacteur (incluant le perfectionnement invoqué).
La Cour d’appel de Lyon a rejeté cet argument [1], considérant que ledit perfectionnement « est une contrefaçon et ne permet pas d’écarter une partie des ventes de l’appréciation de la masse contrefaisante », mettant ainsi en application le célèbre adage « perfectionner, c’est contrefaire ». La Cour inclut donc dans la masse contrefaisante la totalité des ventes du contrefacteur.
3) En conclusion, le calcul de l’indemnisation des effets de la contrefaçon de brevet obéît à des règles, qui, si elles sont assez bien établies en théorie, restent délicates à mettre en œuvre en pratique.
Frédéric WAGRET Conseil en PI www.wagret.com[1] Arrêt du 12 septembre 2013, 1ière ch. civile A
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