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Modèles : appréciation de la contrefaçon. Par Marie-Cécile Roussel, CPI.
Parution : lundi 10 mars 2014
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Le Tribunal de l’Union Européenne a rendu le 4 février dernier deux arrêts intéressants sur la reconnaissance d’une contrefaçon en matière de modèles (cf. T-339/12, Gandia Blasco / OHMI – Sachi et T-357/12, Sachi / OHMI – Gandia Blasco).

Ces deux affaires portaient sur des modèles de fauteuils à structure rectangulaire.

Un bref rappel tout d’abord sur les textes en vigueur.

En droit français, l’article L513-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « la protection conférée par l’enregistrement d’un dessin ou modèle s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente ».

En droit communautaire, le texte est similaire puisque l’article 10 du règlement n°6/2002 dispose que : « la protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente. »

On s’attache donc à comparer les modèles sur le plan visuel, pour établir l’existence d’une contrefaçon.

Or, dans les arrêts précités, le Tribunal a déclaré que :

-  (…) le fauteuil représenté par le dessin ou modèle antérieur a une assise basse alors que celui représenté par le dessin ou modèle contesté a une assise plus haute. L’utilisateur averti percevra ces différences comme influençant la manière dont il sera assis, notamment concernant la position de ses jambes (affaire T-339/12) ;

-  l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par un dessin ou modèle doit nécessairement être déterminée aussi au regard de la manière dont le produit en cause est utilisé, il y a lieu de tenir compte de la différence entre les dessins ou modèles en conflit liée à l’inclinaison du dossier et de l’assise du fauteuil représenté par le dessin ou modèle contesté. Un dossier et une assise inclinés conférant un confort différent de celui d’un dossier et d’une assise droits, l’usage qui sera fait de ce fauteuil par l’utilisateur avisé est susceptible d’en être influencé
(affaire T-339/12) ;

-  les coussins, du fait qu’ils ne sont pas fixes, ont une importance moindre dans la perception de l’utilisateur averti, lequel sera plus sensible à la structure générale des fauteuils) (…) l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit est dominée par la structure même des fauteuils et non par les coussins, qui peuvent être considérés comme des éléments secondaires (affaire T-357/12).

Ainsi, la position de l’utilisateur sur les fauteuils, le confort différent procuré par les fauteuils, mais encore la possibilité de retirer les coussins disposés sur les fauteuils sont autant d’éléments relatifs à l’usage qui ont été pris en compte par le Tribunal pour la comparaison des modèles.

Il semble donc, au regard de ces arrêts, que la comparaison des modèles n’est pas uniquement basée sur une appréciation visuelle. Elle s’attache également à des considérations fonctionnelles.

D’un point de vue linguistique, il est intéressant de noter à cet égard que le mot « visuel » ne figure que dans les traductions française et roumaine de l’article 10 du règlement communautaire précité, et non dans les autres versions, où il est question de « different overall impression » (en anglais), « impresión general distinta » (en espagnol), « impressione generale diversa » (en italien) ou encore « impressão global diferente » (en portugais).

Marie-Cécile ROUSSEL CPI

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