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Rupture brutale de relations commerciales établies et marques de distributeurs. Par Amandine Labro, Avocat.
Parution : mardi 13 mai 2014
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Conformément aux dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, en cas de rupture d’une relation commerciale établie portant sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, il est nécessaire de concéder un préavis, supérieur au préavis requis dans le cadre d’une relation de vente « classique ».

En France, la part des marques de distributeurs (ci-après « les produits MDD ») se stabiliserait autour de 34,8 % en valeur des PGC (Produits de Grande Consommation) . [1]

En moyenne, les prix des produits MDD seraient de 20 à 30 % plus bas que les grandes marques équivalentes.

A quelques rares exceptions près, les distributeurs font, d’une manière générale, appel à des sous-traitants, petites et moyennes entreprises pour fabriquer leurs produits en vertu d’un cahier des charges.

Le distributeur appose alors sa marque sur le produit et engage à ce titre, sa notoriété.

La seule définition légale d’un produit MDD est donnée à l’article L.112-6 alinéa 2 du Code de la consommation :

«  Est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l’entreprise ou le groupe d’entreprise qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu »

Lorsque son produit est déférencé, le fabricant est confronté à deux problématiques principales [2] :

• d’une part, il perd toute présence sur le marché, son nom restant inconnu des consommateurs et des professionnels ;

• d’autre part, il lui est difficile de trouver de nouveaux clients étant généralement en situation de dépendance avec le distributeur initial.

Pour ces raisons, le législateur a instauré deux principaux garde-fous :

• le producteur a la faculté de demander au distributeur pendant la durée du contrat de mentionner sur l’étiquetage du produit vendu son nom et son adresse [3]. Si le distributeur refuse, il engage alors sa responsabilité [4] ;

• une durée minimale de préavis double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. [5].

Ainsi, en vertu de l’article L. 442-6,I,5° du code de commerce,en cas de rupture d’une relation commerciale établie portant sur la fourniture produits MDD, il est nécessaire de concéder un préavis, supérieur au préavis requis dans le cadre d’une relation de vente « classique ».

La centrale d’achat d’un célèbre distributeur a ainsi été condamnée à respecter un préavis de 12 mois pour une relation de 10 ans avec un fournisseur de pizzas . [6]

De même, s’agissant d’une relation de 25 ans visant à la commercialisation de levures sous marque de distributeur, relation non contractualisée mais matérialisée par une succession de commandes, livraisons, il a été jugé qu’ un préavis de deux ans aurait dû être octroyé et non un préavis de trois mois . [7]

En revanche, si les produits ne répondent pas stricto sensu à la définition des produits MDD de l’article L.112-6 alinéa 2 du Code de la Consommation, le fabricant ne peut prétendre à un préavis doublé.

Illustration de la non-application de la durée du préavis doublé :

• cas concernant des bouteilles de vin rosé « que si cette étiquette comporte le dessin d’un losange de couleur orangée, elle n’évoque aucunement le logo figuratif de la société Monoprix ; considérant par voie de conséquence, qu’il n’y a pas lieu de doubler la durée minimale du préavis » [8]

• cas concernant des pièces de chauffage « que les fabrications confiées à Abil étaient destinées à être intégrées dans des produits sous marque de la société Elster ; elles ne constituent pas en elles-mêmes un produit sous marque ; qu’il n’y a pas lieu de doubler la durée du délai de préavis » [9] ;

• cas concernant des prestations s’incorporant dans le cycle de production de produits sous marque MDD : il s’agissait d’une relation commerciale entre une centrale d’achat et une société chargée du contrôle de conformité de ses produits textiles commercialisés sous sa marque distributeur . [10]

Enfin, la Commission d’examen des pratiques commerciales recommande aux distributeurs et fournisseurs de définir contractuellement la durée minimale du préavis en fonction des variables suivantes [11] :
• Durée de relation entre les parties ;
• Importance des actifs spécifiques engagés par la victime de la rupture ;
• Durée raisonnable pour la victime de la rupture de retrouver sur le marché une solution équivalente ;
• Part du chiffre d’affaires réalisé sur le ou les produits en cause dans le total du chiffre d’affaires de la partie victime de la rupture.

Conformément aux dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, le professionnel qui ne respecte pas un préavis de rupture doublé en cas de relation commerciale établie portant sur des produits MDD engage, à ce titre, sa responsabilité civile délictuelle et s’expose à une condamnation à des dommages-intérêts.

Amandine LABRO

[1Communiqué de Presse du Salon MDD EXPO 8-9 avril 2014 - A la découverte des futures stars des linéaires en MDD - Mars 2014 -

[2M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis, séance du jeudi 27 avril 2000 concernant l’adoption de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques

[3C. consom., art. L. 112-6

[4C. com., art. L. 442-6, I, 10°

[5Article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce

[6CA Lyon, ch. civile 01 A, 8 avril 2010, RG n°09/01012, GEA WestfaliaSurge France c/ Agro Service 2000.

[7CA Douai, 28 janvier 2010, RG n° 08/04937

[8CA Versailles, 12e ch., 3 juill. 2012, n° 10/08577, SA Escarelle c/ SA Monoprix : JurisData n° 2012-016676

[9CA Paris, 1er septembre 2011, RG n° 09/12526

[10Cass, Com., 7 juin 2011, n°10-12095

[11Recommandation de la CEPC n° 10-01 relative à l’élaboration des contrats de marques de distributeurs

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