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Le quotidien du Correspondant informatique et libertés.
Parution : mardi 8 juillet 2014
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Etre capable de respecter la législation en matière des données à caractère personnel sans être juriste, c’est possible.
Afin d’en savoir plus sur cette fonction pointue qu’est le Correspondant Informatique et Libertés, la rédaction du Village de la justice a rencontré Marie Noëlle Séhabiague, Directeur Audit-Conformité Informatique & Libertés, CIL au sein de la CNAF [1].

Pouvez-vous nous présenter cette fonction ? S’agit-il d’un métier ?

Correspondant Informatique et Libertés (CIL) est un métier faisant partie du répertoire ROME, dans la même catégorie que les juristes. Cette fonction est un travail à part entière qui requiert une expertise tant sur la loi « informatique et libertés » que sur les nouvelles technologies de l’information et la communication.
A mon sens, cette fonction nécessite d’avoir une vision transversale des problématiques ainsi que la capacité de savoir dire « non ».
Pour moi, il s’agit d’un véritable métier à part entière.

Quelle est la formation pour devenir CIL ?

Il existe des ateliers d’initiation mis en place par la CNIL [2]. Ils permettent, en fonction des thématiques et du niveau choisi, de sensibiliser sur le sujet. Une personne qui n’est ni juriste, ni informaticien ou d’aucun profil en lien avec la loi « informatique et libertés » peut bénéficier de ces ateliers d’initiations et d’informations. Le minimum requis y est enseigné car la CNIL présente les fondamentaux de la loi, le métier de CIL ou encore ce qu’elle attend du responsable de traitement.

Au niveau des diplômes, l’ISEP propose une formation d’un niveau exceptionnel et qui permet au futur correspondant « informatique et libertés » d’avoir les compétences requises pour remplir ses missions au sein de n’importe quel type de structure.
Par ailleurs, le CNAM a mis en place, l’année dernière, un cursus dédié au correspond « informatique et libertés » et des cabinets d’avocats proposent des formations sur ce thème afin de sensibiliser leurs clients.

Pouvez-vous nous décrire votre quotidien en tant que CIL ?

Le CIL ne sait jamais de quoi sera fait son quotidien. Il est difficile pour lui de prévoir ses tâches pour le lendemain dans la mesure où son plan de travail est régulièrement perturbé par des urgences.

En ce qui me concerne, je n’exerce pas l’activité de CIL à temps complet. J’ai sous ma responsabilité un chef de projet « informatique et libertés » qui est entièrement dédié à cette thématique. Nous travaillons sur tous les projets de la CNAF qui possèdent une composante liée aux données à caractère personnel. Notre mission consiste essentiellement à l’appréciation de la formalité dans la mesure où nous tenons à jour la liste des traitements. Nous effectuons régulièrement des missions de sensibilisation et de formations auprès de nos collaborateurs. Nous jouons également un rôle de conseils auprès des 102 Caisses d’allocations familiales (Caf) du réseau de la branche Famille.

Je travaille en étroite relation avec le Directeur Général étant donné sa qualité de responsable de traitement pour l’ensemble des Caf.

Le quotidien du CIL à la CNAF est donc de traiter les demandes relatives à nos projets mais également de faire face à tout type d’urgence. Compte tenu de la nature de la mission de la CNAF, nous travaillons en étroite collaboration avec les services de l’Etat et les différents ministères.

Le CIL est donc en interaction permanente avec des interlocuteurs internes et externes de la CNAF selon les dossiers à traiter.

En ce qui concerne les urgences, elles arrivent bien souvent parce qu’un projet va être prochainement déployé et qu’une composante « informatique et libertés » n’a pas été traitée ou que les services de l’Etat souhaitent la mise en œuvre d’une expérimentation qui comporte des données à caractère personnel.

Visiblement, la fonction est bien valorisée au sein de la CNAF ?

Objectivement, je peux dire que oui. Le Directeur Général et son prédécesseur ont pris conscience de l’intérêt de la composante « Informatique et Libertés ». Le Directeur Général, à son arrivée, s’est tout de suite intéressé à la question. Il a demandé à rencontrer la présidente de la CNIL et est entré en contact, en interne, avec les personnes les plus compétentes dans le domaine. Aujourd’hui, nous allons mettre en œuvre l’organisation du réseau « informatique et libertés » au sein la branche Famille, chose qui n’avait pas été faite précédemment.

En cas de manquement à la législation, il est peu probable que nous soyons financièrement pénalisés dans la mesure où nous gérons des fonds publics. Mais il existe une sanction, à mon sens, plus grave qui est celle de l’image. Par conséquent, il est vital pour la CNAF d’être en conformité avec la législation et d’utiliser toutes les ressources nécessaires à cette fin.

Pour ma part, je suis membre des comités de direction ce qui reflète la considération de mon supérieur hiérarchique à l’égard de ma fonction.
Par ailleurs, j’ai été autorisée à suivre une formation lourde au sein de l’ISEP par mon Directeur Général.

Au vu de tout cela, je ne peux que considérer que cette fonction est réellement valorisée et prise en compte au plus haut niveau de la hiérarchie.

Votre fonction semble avoir bien évolué depuis 2005 ?

Je ne dispose que de peu d’antériorités dans le métier mais il est possible de répondre à cette question par l’affirmative.
En effet, le métier a considérablement évolué avec la dématérialisation et le croisement de fichiers.
Par le passé, les CIL étaient seuls alors qu’aujourd’hui, nous pouvons observer que ce n’est plus le cas au sein des grandes entreprises. Ils travaillent en équipe mais aussi avec des CIL à l’extérieur de l’entreprise car ils sont beaucoup plus sollicités que par le passé.
Enfin, la fonction connaît une certaine croissance en raison de la hausse du nombre de sociétés spécialisées et du développement de l’offre des cabinets d’avocats.

Quelles sont selon vous les perspectives d’évolution de la fonction ?

La fonction, selon les termes du règlement européen, devrait évoluer. Toutefois, il existe quelques incertitudes. Nous ne savons pas ce que va devenir le CIL tel qu’il existe aujourd’hui. Pour autant, nous serons dans un métier plus proche de l’audit et de l’analyse de risques en amont. Il s’agira d’un autre métier qui nécessitera d’autres compétences. Les CIL, ou futur DPO, interviendront plus en amont dans les projets et devraient être plus sollicités...

Propos recueillis par Réginald Le Plénier

[1Caisse Nationale des Allocations Familiales

[2Commission nationale de l’informatique et des libertés

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