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L’avenir du conciliateur de justice et de la conciliation au sein de la justice du 21ème siècle : l’impossible réforme ? Par Christophe M. Courtau, Conciliateur de justice.
Parution : jeudi 31 juillet 2014
Adresse de l'article original :
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Après la remise à Madame la Garde des Sceaux, courant 2013, de 4 rapports sur la justice du 21ème siècle, vient d’être publiée sur le site du Ministère de la Justice (1), la synthèse des consultations des juridictions organisées de mars à avril dernier relatives aux propositions de réforme de notre justice.

Cette très courte synthèse des contributions des différentes juridictions appellent plusieurs commentaires d’abord sur les MARC/MARL/REL (mode alternatif de règlement des conflits/ mode alternatif de règlement des litiges/ règlement extra-judiciaire des litiges) (1) et ensuite sur la future organisation des juridictions (2).

1/ Sur les MARC/MARL/REL : inciter à la déjudiciarisation des litiges privés : vers une privatisation partielle de la justice étatique ?

3 questions sont notamment abordées dans cette contribution d’une part, la promotion de la médiation et de la conciliation avec l’apparition d’un nouveau concept de « médiation/conciliation », d’autre part, la revalorisation du statut du conciliateur de justice et enfin la création d’un diplôme d’état de médiateur/conciliateur.

- Sur la médiation et la conciliation : une fusion programmée avec, à terme, la disparition de la conciliation ?

Se confirme la volonté d’harmonisation des procédures de médiation et conciliation conventionnelles mais aussi judiciaires consacrées notamment aux articles 1531 et suivants du CPC (Code de procédure civile) issus du décret de 2012 transposant en droit interne, la directive UE 2008 sur la médiation.
Donc à terme, n’y a t-il pas un risque de disparition de la conciliation et du conciliateur pourtant spécificités de notre système judiciaire depuis 1790... au profit de la médiation ou conciliation/médiation (terme repris dans la contribution précitée) ?

En effet, différentes propositions marquent une préférence pour la médiation judiciaire souvent citée, notamment page 6 : (Cour d’appel Versailles recourant à la double convocation en matière sociale en renvoyant devant les associations de médiation) ; Et page 4 ( "étape post médiation" devant le TGI (Tribunal de grande instance) de Narbonne menée par le juge sur le fondement de l’article 21 du CPC).

- Sur le principe d’une revalorisation du statut du conciliateur (page 4) : des propositions très, trop, modestes...

La majorité des juridictions insiste sur la revalorisation nécessaire du statut des conciliateurs sans préciser quand, comment et jusqu’où (attributions, formation, recrutement, moyens, frais et indemnisation...) ainsi que sur la nécessité d’une réflexion sur leur éthique, là encore sans aucune précision....

Mais la portée de cette proposition intéressante est réduite par la phrase suivante : "....revalorisation limitée notamment à la mise à disposition de locaux ...". Le statut du conciliateur se limiterait-il à la mise à disposition d’un local ?

-Enfin, sur l’exigence d’un diplôme d’état de médiateurs/conciliateurs (page 5) :

Proposition que les médiateurs/conciliateurs suivent une formation initiale obligatoire en droit et négociation débouchant sur un diplôme d’état ; Très bien, mais qui la financera ?

Le conciliateur ? Car en sa qualité d’ auxiliaire de justice et pas de magistrat non professionnels (comme les juges de proximité (JP), les conseillers prud’homaux (CPH) ou juges consulaires), ce n’est pas à l’état de la financer mais au conciliateur lui même comme n’importe quel autre auxiliaire de justice. S’agissant des avocats, cette formation en médiation est désormais incluse dans leur cursus initial (EFB de Paris notamment).

Ou l’Etat ? Car le conciliateur est certes un auxiliaire de justice mais doté d’un statut spécifique car nommé par l’institution judiciaire. À terme se pose donc la question d’une réforme du statut hybride du conciliateur de justice de 1978 modifié en 1996 (soit médiateur, soit magistrat non professionnel).

Ces propositions sont elles de nature à favoriser le recrutement de conciliateurs et notamment de candidats en activité professionnelle ?

2/ Sur l’organisation future des juridictions du 21ème siècle : pas de grand bouleversement en vue... :

- Exit les juridictions de proximité et les juges éponymes !

Pas un mot dans ces recommandations sur la justice de proximité et nos collègues JP, dont 2 rapports rendus en 2013 avaient portant préconisés le maintien sous l’appellation "de juges citoyens".

Quid de l’ avenir de la justice de proximité ou "justice de paix" au 1er janvier 2015, date de la suppression des juridictions éponymes qui ne sera présente dans chaque canton, aux plus près des justiciables, qu’avec l’institution du conciliateur de justice, auxiliaire de justice bénévole « de bonne volonté », sans moyen ni formation suffisants et qui peine à recruter des candidats.

- Hostilité à la mise en place de l’échevinage devant le Conseil de Prud’hommes (CPH) et le Tribunal de commerce : l’éternel « serpent de mer »...

Ce refus arrange à la fois l’Etat et son budget contraint (pas de recrutement de magistrats et greffiers) mais aussi les syndicats de salariés et de patrons qui "gèrent" les CPH et les chefs d’entreprises et commerçants qui "détiennent" les tribunaux de commerce.

Pourtant, le fonctionnement de ces juridictions ne serait-il pas plus efficace avec la participation d’un juge professionnel notamment devant le CPH où le départage par le juge d’instance disparaîtrait avec un gain de temps s’agissant des délais d’attente d’une décision (le fameux délais raisonnable consacré par la CEDH) ?

- Multiplication des assistants du juge : où le refus de recruter des magistrats...

Recommandation de recruter des collaborateurs devant assister le juge dans sa fonction de juger : assistants de justice (existaient déjà dans les années 80), assistants juridiques ou assistants du juge ... Bref de la précarité dans le domaine judiciaire par le recours aux CDD....

En conclusion :

Des propositions qui hélas, ne sont pas à la hauteur de la justice que notre pays et ses citoyens sont en droit d’attendre (notre justice se place à la 37ème place parmi les 43 pays du Conseil de l’Europe pour le budget annuel alloué au service public de la justice).

Quant à la volonté de promouvoir les MARC, ne masque t-elle pas un début de privatisation "rampante" de notre justice étatique au profit d’une justice privée en rupture avec le principe de l’égalité et de la gratuité d’accès des citoyens à la justice ? même si la gratuité de l’accès au conciliateur est réaffirmée mais jusqu’à quand ? Car se pose la question de la concurrence déloyale des conciliateurs à l’accès gratuit notamment en matière de conciliation conventionnelle (près de 90% de leur saisine) à l’égard des autres professionnels du droit et de la médiation à l’accès payant (avocats, notaires, huissiers, juristes médiateurs ou médiateurs non juristes...) ;

La mise en place d’une justice de proximité citoyenne rénovée fondée sur un conciliateur juge intégré aux tribunaux d’instance (avec un faible coût budgétaire), serait de nature à promouvoir la conciliation et le conciliateur et notamment de :

(1) http://www.justice.gouv.fr/la-justi...

Christophe M. COURTAU Diplômé d\'études supérieures en droit de l\'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Conciliateur de Justice près le Tribunal d\'Instance de Versailles - (ccourtau-cj78370@sfr.fr)

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