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L’adoption de l’enfant du conjoint issu d’une PMA à l’étranger est-elle possible ? Par Juliette Daudé, Avocate.
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Parution : jeudi 2 octobre 2014
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Dans deux avis rendus le 23 septembre dernier, la Cour de cassation a estimé que le recours à une PMA à l’étranger « ne fait pas obstacle à ce que l’épouse de la mère puisse adopter l’enfant ainsi conçu ». Cette décision vient mettre fin à l’insécurité juridique dans laquelle se trouvaient les couples de femmes mariées.
La procréation médicalement assistée, appelée communément PMA est défini par l’article L.2141-1 du Code de la santé publique comme « un ensemble de techniques médicales cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d’embryons, et l’insémination artificielle, ainsi que toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ».
En France elle est réservée aux couples hétérosexuels mariés, ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans, dont l’infertilité a été médicalement diagnostiquée ou dont le processus de procréation naturelle pourrait transmettre à l’enfant ou à un membre du couple une maladie d’une particulière gravité, type VIH [1].
Les couples homosexuels lesbiens désireux de bénéficier de ces techniques doivent donc se rendre l’étranger. En Europe seuls quelques pays acceptent la PMA pour les couples homosexuels, notamment la Belgique, le Danemark, l’Espagne, les Pays-Bas, et le Royaume-Uni.
Les enfants nés de ces assistances médicales à la procréation ne rencontrent pas d’obstacle en France quant à l’établissement de la filiation de leur mère biologique. Conformément à l’article 311-25 du Code civil « la filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance ». Or, cette désignation se fait automatiquement après l’accouchement.
Cependant tel n’était pas le cas pour la compagne de cette dernière. En effet, la PMA étant interdite en France aux couples homosexuels, la filiation ne pouvait être légalement établie à l’égard de la compagne de la mère, car cela constituait une fraude à la loi : il n’était en effet alors pas possible d’avoir deux liens de filiations naturels.
Or, la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples homosexuels a changé les choses. En effet, il est désormais légal pour un couple homosexuel marié, que l’un d’entre eux adopte l’enfant de son conjoint.
Toutefois, la loi n’apporte aucune précision concernant le mode de conception de l’enfant. Adopter l’enfant de son conjoint, issu d’une PMA à l’étranger peut-il être considéré comme une fraude ? C’est la question à laquelle la Cour de cassation a dû répondre dans ses avis du 23 septembre 2014.
Le Tribunal de grande instance de Versailles avait estimé dans une décision du 30 avril 2014 que cette pratique constituait une fraude à la loi. Il avait en effet considéré que « le procédé qui consiste à bénéficier d’une assistance médicale à la procréation interdite en France , puis à demander l’adoption de l’enfant conçu conformément à la loi étrangère, mais en violation de la loi française, constitue une fraude (…) et interdit donc l’adoption de l’enfant illégalement conçu ». C’est sur la base de l’interprétation de la loi de 2013 faite par le Conseil Constitutionnel, que le Tribunal de Versailles a rendu cette décision. Le Conseil Constitutionnel avait, dans une décision du 17 mai 2013, précisé que la PMA n’étant pas ouverte aux couples de femmes, les juges étaient tenus de vérifier que « la situation juridique qui leur est soumise ne consacre pas une fraude à la loi ».
Dans les avis rendus le 23 septembre 2014, la Cour de cassation revient donc sur cette jurisprudence et met fin à l’incertitude juridique qui régnait, en considérant que « Le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ».
La Cour de cassation exclut donc toute fraude à la loi et considère que la PMA étant autorisée en France, « certes sous certaines conditions (…) le fait que des femmes y aient eu recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français ».
La question reste entière quant à la force juridique de cette décision. Bien qu’elle ne soit qu’un avis consultatif (à la demande des Tribunaux d’Avignon et de Poitiers) la réponse de la Cour de cassation à ce vide juridique risque d’influencer énormément la pratique des juridictions.
Rappelons, que dans la majorité des cas, les tribunaux avaient accepté l’adoption de l’enfant du conjoint par les couples homosexuels (281 demandes acceptées sur 295 demandes déposées). La décision du Tribunal de Grande Instance de Versailles était assez isolée.
Dans un communiqué du 23 septembre 2014, jour de la décision de la Cour de cassation, la garde des Sceaux, Madame Christiane TAUBIRA a exprimé son approbation face à ces avis : « L’adoption est désormais clairement ouverte, sous toutes ses formes, à tous les couples mariés conformément à la loi du 17 mai 2013 ».
Juliette Daudé Avocate à la Cour Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/[1] art L2141-2.
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Bonjour,
quel est le délai moyen pour qu’une adoption par le conjoint dans un couple lesbien soit validée par un tribunal ?
merci,
Catherine.
Bonjour Maître,
Pourriez-vous me confirmer que dans le cas évoqué dans votre article, les deux procédures d’adoption (simple ou plénière) peuvent s’appliquer ?
Par ailleurs, pourriez-vous me confirmer que dans le cas évoqué dans votre article la procédure la plus adéquate est, si le souhait des deux femmes est le partage de l’autorité parental, l’adoption plénière avec maintien du lien de filiation préexistant envers la mère qui a donné naissance à l’enfant ?
Dans l’éventualité contraire, pourriez-vous expliciter les avantages et limites des deux procédures (simple et plénière) dans le cas évoqué dans votre article (adoption de l’enfant de la conjointe issu d’une PMA à l’étranger) ?
Je vous remercie par avance pour l’attention que vous pourrez porter à ma demande et vous prie d’agréer, Maître, l’expression de mes sentiments distingués.
Bonjour Maître,
Mon épouse a donné naissance à notre fille en juillet 2017 dernier et avons formulé une requête en adoption plénière dès janvier 2018 (afin de justifier de 6 mois de vie commune avec l’enfant adopté).
Notre fille est issue d’une PMA pratiquée à l’étranger.
Nous sommes convoquées cette semaine par le juge et nous nous interrogeons quant aux questions qui vont nous être posées concernant les modalités de la conception.
Est-ce qu’aujourd’hui, une PMA pratiquée à l’étranger peut être un motif de refus à l’adoption ?
Par avance, je vous remercie de votre retour.
Cordialement,
Caroline Barlahan
Bonjour Maître,
Est-il nécessaire de procéder à une adoption de l’enfant si le couple homosexuel s’est marié avant la naissance de cet enfant ?
En effet, en belgique dès lors qu’il y a naissance post mariage le couple obtient les droits parentaux.
Qu’en est-il en France ?
Merci de votre retour
Cordialement
Bonjour
Avec ma conjointe, on aimerait avoir un bébé et donc passer par la PMA mais je n’arrive pas à trouver la réponse à ma question.
Doit-on se marier impérativement avant d’avoir recours à la PMA ou peut-on le faire pendant voire juste après la naissance du bébé ?
Merci par avance pour votre réponse.
Cordialement