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"L’assimilation ou l’art de lobotomiser en silence". Par Mounira El Ayachi Khebchi, Avocat.
Parution : lundi 13 octobre 2014
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Vendredi 3 octobre 2014. Engourdissement.

L’émission « Des paroles et des actes », diffusée sur « France Télévisions » le jeudi 02 octobre avait invité Alain Juppé et notamment pour débattre avec lui, Madame Marion Maréchal-Le Pen qui a tenu des propos insupportables sur le concept d’assimilation des immigrés.

Bien sûr, le propos n’est pas nouveau. Nihil novi sub sole !

Cependant, il est particulièrement exacerbé dans le contexte actuel marqué par la crise économique et les conflits sociaux de toutes sortes.

Le réveil dans la France du Front National, celle où le Ministre de la Justice, garde des Sceaux est qualifiée de « Guenon » et celle où la liberté de culte ressemble plus à une coquille vide qu’à une véritable liberté, est immanquablement nauséeux.

Le terme nauséeux, employé à dessein, dans une volonté de modération sied mal…un vocabulaire emprunté au langage Célinien irait peut-être mieux…mais n’a pas la verve de Céline qui veut !

L’assimilation aujourd’hui est parfois employée comme un synonyme de la notion d’intégration, ce qui n’est pas, dévoyant ainsi son sens et la réalité glaciale qu’elle représente.

Les chantres de l’assimilation sont nombreux et font entendre leur voix aisément grâce au pouvoir médiatique dont ils jouissent.

Il ne s’agit pas ici de s’étendre sur l’aspect théorique du concept d’assimilation dont le sens a évolué au cours de l’Histoire, mais de mettre en exergue les implications concrètes qu’il sous-tend.

L’assimilation peut être appréhendée aujourd’hui comme un processus de transformation culturelle tendant à imposer à un groupe minoritaire l’adoption des traits culturels d’un groupe majoritaire jusqu’à annihiler les traits culturels d’origine.

Il en irait de la stabilité et de la cohésion de la République ! Cette République qui a bon dos, à qui l’on fait tout dire et dont on ne dit rien, comme s’il s’agissait d’un mot creux dénué de fondement et de sens, juste utile pour constituer un blanc-seing pour ceux qui tendraient à propager des thèses aux limites de l’acceptable dont on a récolté les fruits amers tout au long de l’Histoire de l’Humanité.

Qu’attendent les thuriféraires du concept de l’assimilation des immigrés ?

Qu’ils s’oublient ! Qu’ils oublient leur histoire, leur généalogie, la terre où ils sont nés, le prénom qui leur a été donné, les souvenirs heureux ou malheureux de leur enfance, la langue qu’ils parlaient, la manière dont ils vivaient, le Dieu qu’ils vénéraient, les senteurs qu’ils aimaient, les chemins qu’ils arpentaient, les personnes qu’ils fréquentaient, les musiques qui les apaisaient, les tableaux qui les émerveillaient…
Une manière radicale d’y parvenir résiderait dans la lobotomie !

Un célèbre Président, le plus brillant de nos confrères avait scandé lors de la campagne présidentielle de 2007 : « La France, tu l’aimes ou tu la quittes ! ».

Cette France-là, je la quitte !

La France que j’aime est celle des lumières, celle de Voltaire et de Rousseau, celle des Droits de l’homme. C’est cette France-là qui est belle aux yeux du Monde, même si elle représente une infime partie de la planète.

La France sombre, évoquée plus haut est destinée au dépérissement, à l’engloutissement et la menace est réelle si les citoyens de ce pays ne font pas entendre leur voix.

La stabilité et la cohésion de la République implique l’intégration des populations immigrées et non leur assimilation.

Cependant, force est de constater que le processus d’intégration des populations immigrées est en crise, un rapport de la Cour des Comptes relatif à « l’accueil des immigrants et l’intégration des populations issues de l’immigration » daté de novembre 2004 l’avait déjà relevé.

Depuis l’établissement de ce rapport, une loi datée du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a été promulguée, le volet « intégration » mettant l’accent sur la nécessité pour les nouveaux arrivants souhaitant séjourner en France de façon durable de signer un « contrat d’accueil et d’intégration » par lequel ils s’engageront notamment à suivre une formation linguistique et civique ».

Il ne s’agit pas de prôner une approche « communautariste » comme elle a été développée aux Pays-Bas ou encore aux Royaume-Uni, mais de développer l’interaction entre les populations immigrées et la société Française à laquelle ils souhaitent s’intégrer.

L’idée de ce « contrat d’accueil et d’intégration » est bonne, mais il lui manque une sorte de dynamique pour être totalement efficiente. La nature juridique de ce contrat ne peut être que synallagmatique et non unilatérale.

En effet, il est parfaitement légitime pour la République Française d’exiger des populations immigrées la maîtrise de la langue Française et l’adhésion aux principes et valeurs qu’elle véhicule.

En revanche, la Société Française doit également s’adapter à ces populations immigrées en donnant une consistance réelle aux droits et libertés qu’elle concède à ces populations, à défaut de quoi ce « contrat d’accueil et d’intégration » restera lettre morte, sans aucune efficience pratique.

En définitive, si la République Française doit respecter les populations immigrées en adoptant une approche dynamique du multiculturalisme qui ne doit en aucun tendre vers le communautarisme, creuset de l’entre-soi, les populations immigrées quant à elles doivent également s’ouvrir à la Société Française, en maîtrisant sa langue, en apprenant son Histoire, en appréciant sa littérature, sa gastronomie…

Ce n’est que de cette façon que les populations immigrées pourront s’intégrer et vivre en bonne intelligence dans une société Française qui voudra s’enrichir de leurs différences pour pérenniser une République vivante et moderne.

Mounira El Ayachi Khebchi Docteur en Droit, Avocat

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