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Professions réglementées : les dangers du projet de loi Macron dénoncés.
Parution : vendredi 5 décembre 2014
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Face au blocage total des échanges avec le gouvernement, les professions du droit forment un front commun d’opposition au volet « professions juridiques réglementées » du projet de loi pour la croissance et l’activité dit "Macron".

Une mobilisation nationale unitaire est organisée le 10 décembre, jour de présentation du projet de loi en Conseil des ministres. Première manifestation du genre, elle rassemblera près de 50 000 professionnels avec leurs collaborateurs, en provenance de la France entière.

Une conférence de presse s’est tenue le 5 décembre 2014 au cours de laquelle chaque président des organes représentatifs des professions juridiques a tenu à expliquer les dangers que représente le projet de loi Macron pour sa profession.

Les reproches sont unanimes : l’absence totale de concertation avec les acteurs concernés et la gestion du dossier par Bercy et non par la place Vendôme.

Le droit n’est pas une marchandise livrée à l’économie comme elle peut l’être dans les pays anglo-saxons.

Tels sont les mots employés par Pierre-Luc Vogel, Président du Conseil Supérieur Notariat.
A ses yeux, il s’agit d’un texte mal écrit qui méconnait la réalité de l’ensemble des professions juridiques.
Principal point d’inquiétude : le contenu relatif au tarif des notaires est incompris par l’ensemble de la profession et mélange tous les systèmes et modes tarifaires : proportionnel, forfait, tarif plancher, tarif plafond, la méthode des coûts, etc. Une telle disposition aurait pour conséquence d’augmenter le coût des petits actes. Il mettrait également en péril 4 600 entreprises et 47 000 emplois.
Autre enjeu : l’accès au droit à savoir le maillage territorial qui se trouve menacé.
Selon lui, la profession est donc en présence «  d’un cocktail dangereux pour l’économie notariale sans effet bénéfique pour les français ».

La garantie de la sécurité des citoyens, de leurs libertés et leur droit de se défendre

Voici le grand sujet d’inquiétude de Jean-Marie Burguburu, Président du Conseil National des Barreaux.
Ce dernier a commencé son intervention en soulignant l’aspect exceptionnel de la manifestation à venir : le front commun des six professions juridiques réglementées contre un projet de loi.
Il a précisé que ces professions ont vocation à véhiculer des valeurs autres que de simples valeurs économiques, d’où son désaccord sur la gestion du projet par l’équipe d’Emmanuel Macron.
Il critique la méthode « brutale » de Bercy sur ce dossier ainsi que l’absence totale de concertation. Il a notamment insisté sur l’absence du rôle des parlementaires dans la conception de ce projet de loi qui doit être légiféré par ordonnance. Pour lui, ce procédé est « inadmissible » car il aura un impact sur l’ensemble des citoyens.
Il est à noter que sur ce point, le Ministre de l’Economie a déclaré, lors du congrès de l’UNAPL qui s’est aussi tenu le 5 décembre, que la question de l’avocat en entreprise sera débattue devant le parlement. En outre, il a précisé que si celui-ci venait à rejeter cette disposition, il ne reviendrait pas dessus.
Jean-Marie Burguburu est revenu sur la question de la territorialité élargie à la Cour d’appel qui provoquerait la disparition des petits cabinets d’avocats.
Autre point soulevé : l’introduction de capitaux extérieurs car elle représente une atteinte à l’indépendance des avocats.
Enfin, la notion de l’avocat en entreprise a été évoquée car si elle peut « prospérer dans certains pays où le terme « avocat » n’a pas la même charge émotionnelle » qu’en France, il n’en sera pas de même chez nous.

La mort de la profession des commissaires priseurs judiciaires par ordonnance.

Les mots d’Agnès Charlier, Présidente de la Chambre Nationale des Commissaires-Priseurs Judiciaires sonnent graves mais reflètent le sort que réserve le gouvernement à la profession.
La Présidente a tenu à rappeler que sa profession a déjà connu deux profondes réformes, en 2000 et 2011, alors qu’il est reproché aux commissaires-priseurs judiciaires de ne pas évoluer.
Selon elle, la plus grande lacune du projet de loi est l’absence d’étude d’impact contrairement à ce qui a pu être dit. Si une telle étude avait eu lieue, le gouvernement aurait pris conscience que le « marché de l’art à la française » allait disparaître.

Le soutien sans faille de Patrick Sannino

Patrick Sannino, Président de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, a tenu à souligner sa détermination à soutenir ce mouvement. Il a rappelé que, depuis le début de son mandat, il a pour objectif d’apporter une modernité à sa profession. Lorsque ce projet de loi a été divulgué, il a pu obtenir quelques réponses satisfaisantes mais loin d’être suffisantes. Ses principaux sujets d’inquiétudes concernent le système tarifaire sur le point d’être mis en place et le bouleversement du maillage actuel qui va désertifier le milieu rural.

La mise en place d’une grande profession de l’exécution va à l’encontre de l’Europe.

Monsieur Huertas, Président du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires, s’est déclaré totalement surpris de la suppression prévue de sa profession dans un délai de 6 mois à partir de l’entrée en vigueur de l’ordonnance. 300 000 emplois seraient supprimés.
Il a rappelé que les mandataires et administrateurs judiciaires n’ont pas de clientèle, de numérus clausus, de charges et ne sont pas des officiers ministériels. La profession répond aujourd’hui aux conditions fixées par l’Europe à savoir un professionnel de l’insolvabilité indépendant et détaché de toute clientèle.
La création d’une grande profession de l’exécution n’aurait donc pas de sens dans la mesure où les mandataires judiciaires ne sont pas une profession de l’exécution, c’est une profession qui vient suspendre l’exécution d’une procédure collective.
Il précise par ailleurs que, depuis le 28 novembre 2014, les mandataires judiciaires refusent l’ensemble des mandats qui pourraient leur être confiés. Ils sont soutenus par les tribunaux dans la mesure où ils ne les désignent plus depuis cette date.

Vers une divulgation totale des données personnelles des dirigeants d’entreprise ?

Philippe Bobet, Président du Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce, critique l’absence, dans ce texte, de toute dimension européenne : il s’agit d’un texte franco-français qui ne respecterait pas les règles édictées par l’Union Européenne.
Il conteste l’approche exclusivement économique du projet qui ne prend pas en compte la sécurité juridique apportée par les greffiers.
Enfin, monsieur Bobet est particulièrement inquiet par l’idée que le registre du commerce et des sociétés soit repris et donné à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) mais aussi à des opérateurs français et étrangers qui pourront divulguer les données personnelles de la totalité des dirigeants d’entreprise. Il s’agit d’une expérimentation totalement inédite sans précédent dans le Monde. Cette dernière mesure représenterait une totale violation des droits fondamentaux de l’Homme et du droit européen.
Une autre conséquence serait l’augmentation des coûts dans les Tribunaux de commerce et de l’accès à la Justice d’une façon générale.

Les six professions juridiques manifesteront, malgré leurs divergences, côte à côte et main dans la main, le 10 décembre 2014. Si malgré cette action, la position du gouvernement ne fléchissait pas, Pierre-Luc Vogel envisagerait d’aller plus loin et d’organiser une manifestation avec l’ensemble des professions réglementées c’est à dire avec les médecins, pharmaciens, les chauffeurs de taxi ou encore les auto-écoles.

Réginald Le Plénier
Rédaction du Village de la justice

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