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En finir avec le monopole de l’avocat aux Conseils : lettre ouverte à Monsieur Emmanuel MACRON, ministre de l’Economie. Par Pierrick Gardien, Avocat.
Parution : lundi 8 décembre 2014
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La réforme actuelle des professions réglementées est une occasion unique pour ouvrir le débat sur l’ouverture du monopole des avocat aux Conseils à tous les avocats de France. Ceci mettrait un terme à une situation monopolistique n’apparaissant plus justifiée de nos jours, et diminuerait le coût d’accès au droit et à la justice pour les justiciables.

Monsieur le ministre,

Poursuivant l’entreprise de votre prédécesseur, Monsieur Arnaud Montebourg, vous vous apprêtez à associer votre nom à une grande loi pour l’activité et l’égalité des chances économiques, tendant principalement à relancer l’activité, et à rendre du pouvoir d’achat aux Français. Votre projet de loi-fleuve (107 articles) qui sera présenté mi-décembre en Conseil des Ministres s’annonce déjà comme un marqueur politique fort de la seconde moitié du quinquennat du Président François Hollande.

Les travaux préparatoires à l’élaboration de votre projet de loi, et notamment son Titre 1er relatif à la révision des conditions d’exercice des professions réglementées, ont eu le mérite d’ouvrir la réflexion, et de mettre sur la place publique un certain nombre de débats sur les réformes à entreprendre pour le devenir de la profession d’avocat : ainsi de la suppression annoncée de la territorialité de la postulation devant le Tribunal de Grande Instance (et du tarif correspondant), ou de la création d’un statut d’avocat salarié en entreprise. Ces travaux ont toutefois provoqué l’ire des institutions représentatives des barreaux français, et d’un certain nombre d’avocats, qui demeurent actuellement mobilisés sur le sujet.

Au-delà des appréhensions naturelles, du réflexe corporatiste et de la tendance toute française au conservatisme, l’occasion est unique de réfléchir ensemble aux réformes à engager, à la fois pour la profession, mais également du point de vue des citoyens, bénéficiaires des services des professionnels du droit. Dans ce contexte, alors que le moment semble être idéal pour esquisser toutes les pistes de réformes envisageables, il est possible de s’interroger sur le maintien du statut, et du monopole, de l’ « avocat aux Conseils », seul habilité à représenter les justiciables devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation lorsque la représentation y est obligatoire. Il est étonnant de constater que cette piste de réflexion n’a jamais été abordée, et à peine évoquée, dans les travaux relatifs à l’élaboration de votre projet de loi.

Loin d’être anecdotique, ce monopole détenu par une minorité d’avocats (au 1er janvier 2013, la France comptait 105 avocats aux Conseils selon le ministère de la Justice) a pour effet d’augmenter considérablement le coût d’accès à la justice pour les justiciables (le simple accès à l’une des deux plus Hautes juridictions française occasionnant systématiquement des honoraires très conséquents). Bien souvent, le justiciable constate en effet que les honoraires de l’avocat aux Conseils s’ajoutent aux honoraires déjà réglés à son propre conseil pour le traitement en amont de son dossier.

Le monopole détenu par l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, régi par une ordonnance du 10 septembre 1817, apparaît aujourd’hui daté. Sans remettre en cause le travail effectué au quotidien par les avocats aux Conseils, il me semble pertinent de profiter de l’élaboration de votre projet de loi pour engager le débat sur l’ouverture de ce monopole à l’ensemble des avocats français, qui pourraient ainsi librement accéder au Conseil d’Etat et la Cour de cassation, dans une optique de meilleur service offert à leurs clients, et de concurrence saine. L’objectif serait double : mettre un terme à une situation monopolistique n’apparaissant plus justifiée de nos jours, dans un contexte de libéralisation toujours plus avancée des services, et diminuer le coût d’accès au droit et à la justice pour les justiciables.

Je ne doute aucunement de la capacité des avocats français, dont le professionnalisme n’est plus à démontrer, à exercer de la meilleure des manières une activité contentieuse devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, au service de leurs clients.

Je suis enfin convaincu qu’une telle mesure saura emporter une large adhésion des barreaux français, dans un contexte difficile.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de ma haute considération.

Pierrick Gardien Avocat Droit Public [->contact@sisyphe-avocats.fr] http://www.sisyphe-avocats.fr/ http://twitter.com/avocatpublic

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