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Droit au logement opposable : le DALO ne protège pas suffisamment de l’expulsion. Par Valérie Moulines Denis, Avocat.
Parution : mardi 10 février 2015
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Alors que la menace d’expulsion résultant d’une décision de justice constitue en elle-même un cas d’attribution du DALO (droit au logement opposable), le dernier rapport du Comité de suivi de la Commission DALO dénonce le paradoxe que constitue le nombre alarmant de bénéficiaires du DALO encore expulsés.
Différents leviers pourraient pourtant être actionnés pour garantir l’effectivité du droit au logement opposable et protéger les personnes en situation imminente d’expulsion.

Les critères d’attribution du DALO

Institué par la loi n°2007-290 du 5 mars 2007, le DALO permet à toute personne résidant sur le territoire français de manière stable et continue d’accéder à un logement décent, indépendant et adapté.
Afin de bénéficier de ce droit au logement, et en vertu de l’article L 441-2-3, II du Code de la construction et de l’habitation, il suffit de remplir les conditions cumulatives suivantes :
-  Résider sur le territoire français de façon régulière (avec carte d’identité française, ou titre de séjour régulier) et stable ;
-  Ne pas être en mesure d’accéder par ses propres moyens au parc locatif privé ;
-  Remplir les conditions réglementaires d’accès au logement social.
Il convient de préciser que la loi prévoit différentes hypothèses ouvrant droit au logement social :
-  Les demandeurs de logement social n’ayant pas eu de proposition au terme d’un délai anormalement long, lequel délai est fixé par arrêté préfectoral ;
-  Les demandeurs de logement social dépourvus de tout logement fixe et stable ;
-  Les personnes hébergées ou logées temporairement dans des établissements de transition ou logement foyer, hôtel social depuis plus de 18 mois ;
-  Les personnes logées dans des locaux impropres à l’habitation, insalubres ou dangereux ;
-  Les personnes logées dans des locaux sur-occupés ou dans un logement présentant des caractéristiques de non-décence et être handicapées ou, ayant à charge un enfant mineur ou une personne handicapée ;
-  Et, ainsi qu’on vient de l’évoquer plus haut, les personnes menacées d’expulsion, après décision judiciaire d’expulsion, sans relogement.
Concernant cette dernière catégorie, elle regroupe pour l’essentiel des locataires de bonne foi ayant rencontré des difficultés financières, professionnelles, familiales ou de santé.
S’y ajoutent ceux ayant reçu un congé de leur bailleur (pour reprise ou vente).
Or, le cas des personnes menacées d’expulsion, et qui sont ou devraient ainsi être reconnues bénéficiaires du DALO, apparaît particulièrement problématique.

Le paradoxe de l’expulsion de bénéficiaires du DALO

Un 7ème rapport du comité de suivi de la commission DALO rendu le 20 janvier 2015 établit en effet le bilan dramatique de l’année 2014 (www.hclpg.gouv.fr).
Créée en mars 2007 pour assurer le droit au logement selon des critères définis, la mise en œuvre de la loi DALO s’avère depuis l’origine particulièrement délicate.
En particulier, alors que le fait d’être sous le coup d’une menace d’expulsion résultant d’une décision de justice, permet la reconnaissance du droit au logement opposable, trop de bénéficiaires du DALO continuaient d’être expulsés.
L’adoption, le 26 octobre 2012 par Cécile Duflot, d’une circulaire contraignant les Préfets à interrompre toute mesure d’expulsion forcée à l’encontre des bénéficiaires du DALO a tenté d’endiguer cette pratique contra legem.
Pourtant, le Comité de suivi de la Commission DALO a encore une fois constaté la persistance du phénomène au terme de son dernier rapport. Durant l’année 2014, c’est un minimum de 32 foyers, déclarés prioritaires au DALO, et comme devant comme tel être relogés en urgence, qui se sont vus expulsés sans solution de relogement. En outre 140 personnes bénéficiaires du DALO étaient soumises à une procédure d’expulsion.
S’y ajoutent les personnes en situation de menace d’expulsion, qui ne sont pas reconnues prioritaires DALO, faute d’accompagnement social permettant la reconnaissance de leurs droits.

Les propositions du Comité de suivi de la Commission DALO

Le rapport du Comité de suivi, qui souhaite « que le droit au logement opposable passe enfin du concept juridique à celui d’un droit effectif dans notre pays », formule ainsi 11 recommandations afin de traiter le risque d’expulsion locative le plus en amont possible, et faire cesser l’expulsion de bénéficiaires du DALO :
-  L’application systématique de la circulaire du 26 octobre 2012, visant à suspendre toutes les démarches demandant aux ménages de quitter les lieux ;

-  L’information des personnes menacées d’expulsion de la procédure DALO, notamment au moment de la délivrance du commandement de quitter les lieux adressé également au Préfet ;

-  L’amélioration de l’accompagnement des ménages dans l’accès au DALO ;

-  L’homogénéisation des Commissions DALO dans la reconnaissance du motif de la menace d’expulsion sans relogement ;

-  La réduction des délais d’instruction en Commission DALO à 3 mois en Ile-de-France ;

-  L’incitation des Commissions DALO à saisir le Juge de l’exécution pour demander des délais ;

-  L’incitation au maintien dans les lieux en indemnisant le propriétaire au lieu d’accorder le concours de la force publique ;

-  L’effectivité d’un hébergement durable avant tout concours de la force publique ;

-  Le maintien dans un logement par la prévention des expulsions (rôle renforcé des CCAPEX) ;

-  L’amélioration du pilotage national de la prévention des expulsions ;

-  L’accélération de la publication des décrets d’application de la loi ALUR permettant d’améliorer la prévention des expulsions.

Gageons que ces propositions permettront de rendre plus effectif le droit au logement opposable des personnes menacées d’expulsion.

A suivre les prochains mois…

Valérie Moulines Denis, Avocat www.vmd-avocat.com Avocat au Barreau de Paris

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